Assassinats, attentats, enlèvements font désormais partie du quotidien des Irakiens. Deux religieux sunnites, membres du Comité des oulémas musulmans d'Irak (l'un des plus influents organismes du sunnisme irakien) ont été enlevés et assassinés dimanche et hier mettant ainsi en ligne de mire des hommes de religion jusqu'ici épargnés par les hordes sauvages ayant déferlé sur l'Irak. Selon l'un des porte-parole du Comité des oulémas, «Cheikh Zaïdi a été enlevé dimanche soir avec deux de ses compagnons à Sadr City. Ces deux derniers ont été libérés mais le corps du cheikh a été retrouvé hier devant la mosquée sunnite Al-Sajjad de Sadr City». Un second membre du Comité des oulémas musulmans, Mohamed Jadou, a été assassiné hier à Bagdad. Le porte-parole du Comité des oulémas, qui n'a pu préciser les circonstances de l'assassinat du religieux, a indiqué cependant: «Nous venons d'apprendre l'assassinat de cheikh Mohamed Jadou, imam de la mosquée Al-Kaouthar du quartier Al-Baya (au sud de Bagdad)». Les enlèvements et assassinats de ces religieux vient s'ajouter à l'enlèvement dimanche de 18 gardes nationaux irakiens, otages d'un groupe, jusqu'ici inconnu, «Les Brigades De Mohamed Ben Abdallah» qui réclament la libération d'un responsable chiite de la mouvance du chef radical Moqtada Sadr, arrêté dimanche par la garde nationale. Dans un communiqué, ces brigades qui affirment détenir les 18 gardes nationaux, menacent de les «exécuter» si «Hazem Al-Ajari n'est pas libéré dans les 48 heures».Toutefois, un représentant de cette mouvance radicale, Naïm Al-Qaabi, a nié «tout lien» avec ce groupe, indiquant en outre qu'il «comprenait» leur réaction. Néanmoins, l'enlèvement et l'assassinat dans un fief chiite de hauts dignitaires religieux sunnites peut avoir d'autres objectifs, comme allumer le feu de la fitna entre les deux communautés religieuses irakiennes. Sans doute conscient de ce danger, Moqtada Sadr, le chef radical chiite, a immédiatement condamné ces assassinats indiquant «regretter et condamner la mort de tout Irakien quelle que soit sa confession». Par ailleurs, les inquiétudes se font de plus en plus fortes quant au sort des deux otages américains et de l'otage britannique, enlevés jeudi par le groupe Tawhid wal Jihad, du Jordanien Abou Moussab Al-Zarqaoui, qui a donné 48 heures aux autorités américaines pour libérer «toutes les femmes» irakiennes détenues dans les prisons d'Abou Ghraib et d'Oum Qasr, à défaut de quoi, les otages seraient exécutés. L'ulti-matum concernant ces trois hommes avait expiré en principe hier, d'où les craintes sur leur sort. D'autre part, un silence pesant entoure le sort des deux otages français et les deux séquestrées italiennes. Est incertain également le sort des 10 employés d'une société américano-turque, menacés de mort dans le cas où cette société ne quitte pas l'Irak. Dans ce chapitre, notons que douze chauffeurs turcs ont été, soit enlevés, soit tués samedi au nord de Bagdad. En fait, la question des otages, une vingtaine d'étrangers semble-t-il, et de nombreux Irakiens - dont le nombre des détenus par les ravisseurs est incertain - tend à prendre le pas sur des conditions sécuritaires critiques et une situation d'ensemble chaotique. Sans atteindre les pics qu'elle a connu entre jeudi et dimanche derniers, la violence n'en continue pas moins d'enregistrer son lot de morts comme cela a été le cas hier à Mossoul, (deux morts dans l'explosion d'une voiture piégée), à Hilla (un officier de police tué) et deux Irakiens retrouvés morts dans cette ville après leur kidnapping en début de semaine, les deux religieux sunnites cités plus haut, entre trois et quatre morts, selon les témoignages, à Falloujah, suite à l'énième raid de l'aviation américaine, contre de présumées bases du groupe des islamistes d'Abou Moussab Al-Zarqaoui. Au total, une dizaine de personnes a été tuée hier en Irak, lors d'une journée presque «calme» au regard de la récurrence de la violence de ces derniers jours. A ces morts, victimes d'attentats divers, il faut ajouter la mort de trois Kurdes, décapités par le groupe Ansar Al-Sunna selon un communiqué de ce groupe, diffusé hier par une chaîne satellitaire. Eu égard à l'anarchie qui semble s'être installée en Irak, l'optimisme dont font montre les dirigeants intérimaires irakiens est à tout le moins curieux, qui tend à faire croire qu'ils ont la situation en main en dépit des conditions actuelles dans lesquelles se débat le pays. Ainsi, le Premier ministre intérimaire irakien, Iyad Allaoui, confirmé hier à Londres, qu'il «allait sans aucun doute respecter le calendrier des élections (prévues) en janvier 2005» appelant une nouvelle fois l'ONU à aider l'Irak à mener à bien cette opération. Or, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, qui semble loin de partager cet optimisme, a dit jeudi dernier, que les élections pourraient ne pas se tenir à la date prévue si la situation d'anarchie actuelle persiste.