Les otages britannique et italiennes ont-ils été tués ? Cacophonie à Washington autour du futur scrutin. La situation en Irak empire de jour en jour alors que les officiels américains et irakiens tendent, contre toute évidence, à rassurer à quelques mois des élections générales dont l'organisation apparaît de plus en plus aléatoire au moment où la violence persiste avec dix-neuf morts hier, dont quatre marines américains. Mais, hier, c'était encore le sort des otages qui préoccupait familles et observateurs. L'exécution, annoncée jeudi, des deux otages italiennes, n'a pu être confirmée hier, d'autant qu'aucun communiqué ni image des deux bénévoles italiennes Simona Torreta et Simona Pari, n'a accompagné cette annonce. En revanche, un communiqué diffusé vendredi soir sur un site Internet islamiste, annonçant l'exécution de l'otage britannique Kenneth Bigley, enlevé en même temps que les Américains Eugène Armstrong et Jack Hensley, assassinés mercredi et jeudi derniers, a laissé sceptique le gouvernement britannique. Le site en question, diffusé à Dubaï, indiquait en effet que «Tawhid wal Jihad annonce l'exécution du Britannique et donne la bonne nouvelle de l'enlèvement de sept soldats britanniques». Toutefois, les responsables britanniques restaient hier dubitatifs et doutaient du sérieux de cette annonce d'autant plus qu'aucun soldat britannique n'avait été déclaré manquant hier. Un porte-parole du Foreign Office (ministère britannique des Affaires étrangères) indiquait hier : «Nous sommes au courant qu'un site baptisé Alezah diffuse cette information, mais c'est un site qui n'a aucun crédit et nous ne pensons pas qu'il faille prendre cette histoire trop au sérieux pour l'instant.» Alors que les conjectures allaient bon train sur le sort des otages occidentaux, on restait hier sans nouvelle des huit Egyptiens - dont deux ingénieurs travaillant pour l'entreprise égyptienne de téléphonie Orascom - enlevés jeudi soir de leur domicile et sur leur lieu de travail. La multiplication des prises d'otages de même que la multiplication des revendications brouillent les pistes et installent ce problème comme l'un des dangers potentiels pour la stabilité future du pays. Une stabilité de fait tout à fait aléatoire face à la recrudescence de la violence qui ne s'est pas démentie depuis plusieurs semaines faisant, de fait, planer le doute sur la possibilité d'organiser les élections dans le temps imparti, avant la fin de janvier 2005. De fait, à propos de ces élections, les sons de cloche étaient multiples ce week-end tant à Washington que dans les allées de l'Assemblée générale de l'ONU où Américains et Irakiens se voulaient rassurants quant à la tenue de ces consultations. D'ailleurs, à ce propos, le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, s'est mélangé les pattes en disant en l'espace de 24 heures une chose et son contraire. Ainsi, jeudi, M.Rumsfeld, sûr de lui, affirmait que les Etats-Unis devraient envoyer de nouveaux contingents militaires américains en Irak pour assurer la tenue du scrutin. Le lendemain il affirme le contraire déclarant notamment «L'idée selon laquelle le pays doit être parfaitement pacifié avant que nous ne réduisions les forces américaines et de la coalition est clairement, je pense, déraisonnable, car ce pays n'a jamais été parfaitement paisible et ne le sera vraisemblablement pas». Cette déclaration du ministre américain de la Défense tout en étant en contradiction avec ce qu'il disait la veille, prend à contre-pied les affirmations du président Bush selon lequel les «Etats-Unis allaient conserver la même direction en Irak et entendaient terminer la tâche entreprise». Et Rumsfeld d'enfoncer le clou «C'est tendu. Aucun pays ne désire avoir des forces étrangères dans son pays plus longtemps qu'il ne le faut», a-t-il dit. «Plus vous en avez (de forces étrangères sur place), plus il faut de forces pour les protéger, plus il vous faut des forces de soutien logistique. Plus votre présence est lourde, plus vous représentez une intrusion dans leur vie», a-t-il ajouté. Ces propos ont été prononcés après une rencontre avec le Premier ministre intérimaire irakien, Iyad Allaoui en visite officielle aux Etats-Unis. Le dirigeant irakien a ainsi profité de son passage au siège de l'ONU pour lancer un appel à l'aide internationale indiquant: «J'appelle tous les représentants des pays réunis ici à aider l'Irak à vaincre les forces terroristes et à bâtir un avenir meilleur pour le peuple irakien». Mais c'est encore sur le déroulement des prochaines élections que la cacophonie est à son comble entre les déclarations contradictoires des responsables américains et l'optimisme surfait du chef du gouvernement intérimaire irakien quand ce dernier, en dépit de toute évidence, affirme que les élections auront lieu au moment et à la date prévus alors que M. Allaoui affirmait quelques jours plus tôt qu'il y avait un «afflux» de terroristes «étrangers» en Irak, ce qui sous-entendait que la situation générale ne pouvait que se détériorer davantage, rendant les prochaines élections incertaines. De fait, les Américains ne sont plus, pour leur part, aussi affirmatifs disant même qu'ils seraient satisfaits si ces consultations pouvaient se tenir sur une partie du territoire irakien. Ainsi, Donald Rumsfeld, toujours lui, indiquait vendredi que ce scrutin pourrait avoir lieu «dans les trois quarts ou les quatre cinquième» du pays, tout en repoussant à plus tard le scrutin dans les zones les plus touchées par la violence. Outre cela, il reste encore une inconnue, celle de savoir qui va prendre part à ce scrutin qui s'annonce plutôt mal. De fait, l'impréparation semble totale et les Irakiens avoir d'autres préoccupations que celle d'aller voter. D'ailleurs les principaux acteurs politiques irakiens, notamment les chiites, commencent à douter de la sincérité des futures consultations électorales tant les hommes placés au pouvoir par Washington semblent avoir verrouillé toutes les issues. De fait, la plus haute autorité religieuse chiite, l'ayatollah Ali Sistani a mis en garde contre des élections «injustes» déclare son entourage qui indique: «S'il se rend compte que tout le processus en cours mène à des élections injustes et non libres, alors il n'y prendra pas part et déclarera les élections illégitimes». Même son de cloche des oulémas sunnites comme l'affirme le Comité des oulémas musulmans qui affirme: «Nous avons des doutes sur l'organisation d'élections honnêtes et justes». C'est dire qu'en Irak rien n'est encore joué.