« La plupart des mépris ne valent que des mépris. » Montesquieu Demain, peut-être la télévision officielle va célébrer à sa manière la date de la disparition d'un illustre Algérien, Abdelhamid Ibn Badis Essanhadji, date proclamée Youm El Ilm pour honorer celui qui a défini les deux constantes de la nation : islamité et arabité sans renier sa berbérité puisqu'il signait certains de ses articles par Essanhadji. Le pouvoir politique a essayé de restaurer une nation qui a connu une longue éclipse suite à diverses longues dominations étrangères, installé au carrefour de l'enseignement et de la politique culturelle, des repères comme Abdelkader ou Ibn-Badis, en éliminant tous ceux qui les ont précédés ou succédé, occasionnant par cela une mutilation grave à la culture nationale. Avant de chercher à connaître la signification profonde de Youm el Ilm, concept forgé par les conseillers culturels de ceux qui prirent le pouvoir par effraction en 1962, il faut savoir que «Ilm» signifie connaissance, savoir, science et par extension sagesse, car celui qui sait acquiert de la sagesse. Certains se contentent d'apprendre ce qui concerne leur religion, d'autres étendent leurs efforts vers toutes les autres disciplines qui sans assurer à leurs détenteurs un au-delà meilleur, contribuent à améliorer le quotidien des Sisyphe. Le Prophète (Qsssl) recommandait de chercher la connaissance jusqu'en Chine : cela impliquait avant tout de connaître la langue de son interlocuteur. Or, tous les individus qui ont une interprétation étroite des saintes paroles, transportent avec eux des idées d'impérialisme dominateur et considèrent comme mécréants tous ceux qui ne parlent pas leur langue. Or, la langue est le premier élément identifiant d'une communauté qui a forgé sa langue avant d'adopter une religion, de gré ou de force. Et c'est la raison pour laquelle, toute télévision qui respecte ses téléspectateurs doit employer, non pas la langue des clercs, mais celle du peuple. Et quand le peuple a plusieurs idiomes à son actif, les instruments de communication doivent les utiliser. Il aura fallu plusieurs décennies pour que les partisans du parti unique, se rendent à l'évidence que ce pays est riche de plusieurs parlers et qu'en mépriser un, c'est mépriser tout. Cette réflexion provoquée par la célébration du Youm El Ilm, a réveillé en moi, d'atroces souvenirs de cette période faite d'opium et de bâton, quand les gens avant de parler en assemblée générale, s'excusaient honteusement d'employer une autre langue que l'arabe. Et cela m'a rappelé aussi une autre anedocte croustillante cueillie dans les couloirs de l'Unique : à l'occasion d'une émission enfantine qui était filmée en studio (à l'époque le direct était interdit!), sous le regard vigilant du vigile de service, en l'occurrence le chef de service des émissions culturelles. La sympathique animatrice de l'émission s'était avancée vers le vigile et lui demanda d'une voix très douce «Si A…,il y a un enfant qui veut chanter la chanson de Idir Zouits Rouits!». Le vigile fronça le sourcil d'un air contrarié et rétorqua : «Non!». Quelques minutes après, elle revint et proposa : «Il y a un enfant qui veut chanter la chanson hindoue Janitou. Le vigile sourit et accepta. Les téléspectateurs eurent droit ainsi à la chanson janitou. Le lendemain, un technicien impertinent lui dit au passage : «Ya Si A…!Vous avez compris quelque chose à la chanson Janito?