Après avoir raflé le prix Pablo Neruda au mois de juillet dernier, le grand et talentueux poète, Djamel Amrani, vient d'obtenir celui des libraires algériens 2004. Ce prix, d'une valeur de 100.000 dinars, crée en 2001, est décerné à ce poète pour l'ensemble de ses oeuvres par l'Association des libraires algériens (Aslia). Un nombre important de personnalités, artistiques notamment, ont assisté à la cérémonie organisée en l'honneur de cet homme de lettres et de radio, qui a perdu une partie de lui-même sous l'atroce torture pratiquée des bourreaux de l'armée coloniale. Ainsi, tout le monde était présent sauf le concerné lui-même qui a juste tenu à envoyer un message de remerciements aux libraires pour cette initiative, pourtant rare à une époque où le poète est le parent pauvre de la société. La représentante de la ministre de la Culture, chef de cabinet, Mme Zhor Yahi, a tenu, dans son allocution, à rendre un vibrant hommage à l'auteur de Dernier crépuscule, l'Eté de ta peau, Vers l'amont... «Je remercie Aslia pour ce choix qui recèle toute la considération qu'on porte à nos intellectuels, notre élite, eux qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes au moment où le pays en a vraiment besoin. Djamel Amrani a rendu, par deux fois, service au pays. La première c'est en participant à sa libération, la seconde en portant la littérature et la poésie algériennes en particulier, au summum» a souligné Mme Yahi. L'autre figure emblématique de la littérature algérienne, Yasmina Khadra, a, à travers un message émouvant lu à l'assistance, et parlé des mérites de cet immense poète. Militant de la cause nationale dès la première heure, artiste, portant le verbe dans le sang et la musique jusque dans les gènes, humaniste et agitateur, Djamel Amrani est l'incarnation même de cette merveilleuse beauté de l'art. «J'étais poète à la base», ne cesse-t-il de répéter. Djamel Amrani est né le 19 août 1935 à Sour El Ghouzlane. Il est le benjamin d'une famille de neuf enfants. Son père était receveur aux P et T et sa mère, comme la plupart des Algériennes d'entre les deux guerres, n'a jamais été scolarisée. En 1956, en compagnie d'Amara Rachid et tant d'autres compagnons, il découvre le maquis. Ayant activement participé à l'organisation de la grève des étudiants du 19 mai 1956, Djamel Amrani s'implique de plus belle dans le mouvement national de résistance. Il sera arrêté en 1957 torturé et physiquement et moralement. Et comble du malheur, plusieurs membres de sa famille: son père, son frère et son beau-frère, seront tués en un mois par l'armée coloniale. Aujourd'hui, cette immensité anime une émission poétique «Le temps de vivre» à la Chaîne III. Ainsi, tant que la vie poursuit son cours, le vers ne cesse de rimer et la voix caverneuse de Djamel Amrani continue de briser l'écho. Salut l'artiste.