Plus de 80 personnes ont été tuées en moins de 36 heures en Irak. L'Irak semble s'être définitivement engagé dans l'engrenage de la violence avec la succession d'attentats kamikazes meurtriers d'une part, les raids tout aussi sanglants de l'armée américaine d'autre part. Ainsi, la spirale de la violence va chaque jour crescendo atteignant les pics de l'horreur comme l'attentat à la voiture piégée de mardi dernier à Bagdad ou celui d'hier à Kirkouk lequel occasionna la mort de dix-sept personnes et des blessures à une cinquantaine d'autres. De fait, la journée d'hier a été une journée rouge avec plusieurs attentats et attaques à Bagdad, Latifiya, Kirkouk, Baâqouba et les raids continus américains sur Falloujah. A Kirkouk, au nord de Bagdad, c'est encore une caserne de la Garde nationale qui a été l'objet d'un nouvel attentat suicide faisant de nombreuses victimes, notamment, parmi les jeunes recrues ou candidats au recrutement dans la Garde nationale. Outre l'attentat de Kirkouk, plusieurs actions ont été, par ailleurs, menées à Baâqouba, Latifiya ou encore Bagdad, donnant la mort à dix autres personnes. Ce qui porte, en début de matinée d'hier, à 27 le nombre de personnes tuées dans ces villes. A ces carnages répétés, il faut ajouter les 49 personnes tuées vendredi soir à Falloujah dans des raids de l'aviation américaine, contre des caches présumées de partisans du jordanien, Abou Moussab Al-Zarqaoui, ennemi public numéro 1 des Américains en Irak, dont le groupe, Tawhid wal Jihad, menace de tuer les deux otages américains qu'il détient depuis jeudi dernier...Dans cette même ville de Falloujah, cinq membres d'une même famille ont été victimes des raids américains. A Kirkouk encore, un chef tribal chiite a été assassiné hier en même temps que l'un de ses proches par des inconnus. A Baâqouba, onze lycéens ont été blessés par un obus tiré contre leur lycée, alors qu'à Latifiya, au sud de Bagdad, c'est un étudiant chiite en théologie qui a été assassiné. Par ailleurs, des sources policières irakiennes ont indiqué hier à Ramadi, à l'ouest de la capitale, que le corps du vice-gouverneur de la province d'Al-Anbar, Bassem Mohamed, enlevé le 8 septembre, a été découvert vendredi soir dans cette ville. La liste des morts s'allonge ainsi chaque jour un peu plus en Irak, induite par l'occupation étrangère qui a mis le pays à feu et à sang. Toutefois, cela n'a guère empêché les responsables américains de persister à penser que leur initiative de déclencher la guerre en Irak, pour «combattre» le terrorisme était la bonne. Or, avant la venue des soldats américains, le terrorisme était inconnu en Irak d'autant plus que toutes les enquêtes, notamment américaines, n'ont trouvé aucun lien entre le régime déchu irakien et Al Qaîda, comme n'ont cessé de le clamer le président Bush et ses collaborateurs, singulièrement le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld. Aujourd'hui les Etats-Unis sont bel et bien empêtrés dans un «terrorisme» à connotation islamiste, qu'ils ont eux-mêmes éveillé, dans le plus laïc des pays arabes. L'affirmation du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, selon laquelle le terrorisme ne se trouvait pas en Irak, prend tout son sens face à la tragédie que vivent depuis dix-sept mois les Irakiens, encore plus du fait que la guerre imposée par les Etats-Unis à l'Irak était contraire, selon le premier responsable de l'ONU, à l'esprit de la Charte des Nations unies. Bien sûr, cela n'est pas le sentiment de Washington, dont le secrétaire d'Etat, Colin Powell affirme pour sa part que la guerre en Irak «était nécessaire» et repose selon lui «sur les principes corrects de la loi internationale». Une lecture à tout le moins biaisée que fait de la loi internationale M.Powell, laquelle, si elle avait un sens pour les Etats-Unis, devrait s'appliquer, prioritairement, à Israël qui pratique ouvertement et à grande échelle le terrorisme d'Etat contre la population palestinienne. Certes, en tant qu'unique grande puissance mondiale, les Etats-Unis, estiment sans doute que leur point de vue fait loi et leurs jugements «pour le monde» ne se discutent pas, du moment qu'ils leur agréent, et doivent en conséquence, s'imposer au reste du monde. De fait, le président Bush qui va faire un discours devant l'Assemblée générale de l'ONU, dont les travaux s'ouvrent demain à New York, compte faire «de nouvelles propositions pour étendre la prospérité et accélérer la marche vers la liberté dans le monde». Le chef d'Etat américain d'ajouter, «Jamais auparavant dans l'histoire des Nations unies, nous n'avons eu autant d'occasions de créer un monde plus sûr en bâtissant un monde meilleur». Certes, mais un monde placé sous le bâton américain, Washington imposant sa vision unilatérale d'une paix et d'une sécurité aux couleurs américaines. Et un tel monde risque bien d'être le pire des mondes. Nous en voyons les résultats néfastes en Irak que les Etats-Unis ambitionnent de «démocratiser» à coups de canons.