86 personnes ont été tuées en quarante-huit heures faisant plus de 200 blessés, enfonçant un peu plus l'Irak dans un sanglant calvaire. Baghdad a de nouveau été ébranlée hier par un attentat qui visait des chiites faisant, selon un premier bilan, 60 morts et 221 blessés. Cet attentat intervient vingt-quatre heures après les attentats qui ont fait, lundi, une trentaine de morts et des dizaines de blessés. Cette recrudescence de la violence intervient à un moment difficile pour le cabinet Maliki de plus en plus critiqué sur son incapacité à juguler la violence et au moment où le chef du gouvernement éprouve des difficultés à réunir une conférence de réconciliation nationale devant justement plancher sur les voies et moyens de mettre un terme à la violence qui ensanglante le pays. L'attentat d'hier a eu lieu au Tayaran Square, dans le quartier de Roussafa, d´une capitale pourtant cadenassée par des milliers de policiers et soldats irakiens et américains. Selon un témoin, «l'explosion a été énorme. Plus personne n'était debout. Je croyais que tout le monde était mort». Par ailleurs, une source de sécurité avait indiqué que «le kamikaze est arrivé en proposant du travail. Les gens se sont agglutinés autour comme des abeilles. Et cela a explosé». Les kamikazes ont souvent eu recours à cette technique pour faire le plus de victimes possible. Le Tayaran Square a déjà été le cadre de trois attentats tout aussi meurtriers depuis janvier dernier. Outre cet attentat, Baghdad a été ébranlée, hier, par plusieurs explosions dont l'origine n'a pas été déterminée dans l'immédiat. Le nombre de victimes des attentats dans la capitale irakienne, se chiffre, désormais, en milliers de personnes depuis le début de cette année. L'ONU a estimé à 130.000 le nombre de morts en Irak entre juillet et octobre derniers. De fait, la situation a empiré en Irak où les violences confessionnelles sont devenues quotidiennes après, notamment, la destruction en février, du sanctuaire chiite de Samara. Lundi, ce sont vingt-six personnes qui ont été victimes de divers attaques et attentats en Irak, tuant notamment une femme enceinte et trois enfants à Kirkouk, alors qu'à Mossoul quatre frères ont été assassinés à leur domicile par des inconnus. Le 23 novembre, l'explosion de plusieurs voitures piégées a occasionné un véritable carnage à Sadr City, l'un des plus meurtriers en Irak, où au moins 205 personnes ont été tuées. Vendredi, 20 personnes, en majorité des femmes et des enfants, ont été tuées dans le village de Taima, lors d'un bombardement par l'aviation américaine de deux maisons où se seraient réfugiés, selon l'armée américaine, des terroristes d'Al Qaîda. Le maire du village avait démenti les explications de l'armée américaine affirmant qu'il n'y avait que des femmes et des enfants dans ces maisons détruites lors du bombardement. En fait, plus la situation sécuritaire se dégrade, plus la position du Premier ministre Nouri Al Maliki devient incertaine. Celui-ci a condamné hier l'attentat qui a fait 60 morts en se voulant ferme devant l'adversité, mais cela risque d'être de peu de poids face à la persistance de la violence qui prend de plus en plus d'ampleur. Condamnant l'attentat, M.Maliki, qui est chiite, a indiqué que c'est: «Une nouvelle fois des terroristes, les Takfiris (extrémistes sunnites) et leurs alliés Saddamistes, ont commis un pogrom qui a tué d'innombrables innocents. Ce pogrom montre que ces groupes tentent de créer le chaos et de faire croître les divisions confessionnelles.» M.Maliki a, d'autre part, affirmé que «les forces de sécurité vont poursuivre les criminels, les arrêter, les amener devant la justice qui leur infligera la punition qu'ils méritent». Toutefois, la position de Nouri Al-Maliki est, à tout le moins, affaiblie alors qu'il a de toute évidence échoué à mettre un terme aux attentats qui font des milliers de victimes parmi la population. En tout état de cause, M.Maliki ne semble plus faire l'unanimité parmi ses soutiens et se trouve sur une corde raide depuis le rapport Baker-Hamilton sur l'Irak, qui préconise entre autres, une réduction du soutien américain «si le gouvernement irakien ne fait pas des progrès substantiels vers des objectifs de réconciliation nationale, sécurité et gouvernance». C'est dire qu'aujourd'hui, le Premier ministre irakien se trouve pris sous la pression de plusieurs feux, alors que ses tentatives de réunir une conférence de réconciliation nationale n'ont pu, pour le moment, aboutir, achoppant sur le problème de la participation d'ancien responsables du parti Baas du régime déchu de Saddam Hussein. Par ailleurs, les dirigeants irakiens continuent de défiler chez le président américain, George W.Bush. Ainsi après la rencontre du chef de la Maison-Blanche avec M.Maliki à Amman, la semaine dernière, M.Bush a reçu, coup sur coup, à Washington, Abdel Aziz Hakim, chef du puissant parti chiite conservateur du Csrii (Conseil suprême de la Révolution islamique en Irak), en début de semaine et hier, le vice-président irakien, sunnite, Tarek Al-Hachémi. Ces rencontres entrent dans le cadre des options quant aux possibles solutions en Irak après la publication du rapport Baker-Hamilton.