L'attentat de jeudi contre l'ambassade de Jordanie, la multiplication des attaques anti-américains et les raids de la coalition font entrer l'Irak dans la spirale de la violence. Un attentat, le plus meurtrier depuis la chute de Bagdad, a été commis jeudi contre l'ambassade de Jordanie dans la capitale irakienne, occasionnant la mort de 13 personnes et des blessures pour 57 autres. Cet attentat est dû, selon les premiers témoignages, apparemment, à une voiture piégée. L'attentat, n'a pas été revendiqué, mais serait le fait, selon des officiers américains, de la branche armée du groupe islamiste irakien Ansar Al-Islam. Ce groupe, lié semble-t-il, à la nébuleuse Al-Qaîda, avait requis l'attention du Pentagone et des officiers de l'armée d'occupation américaine, depuis l'arrivée des Américains à Bagdad, selon des sources proches d'officiels américains. Aussi, maîtres des lieux, les Américains ont beau jeu de qualifier la résistance irakienne de terrorisme. Ce qui permet au porte-parole du Pentagone, Lawrence Di Rita, d'affirmer, après l'attentat de jeudi, que «les terroristes ont recours à une multitude de tactiques, dont celle utilisée dans l'attentat contre l'ambassade de Jordanie». En fait, ne disposant, pour le moment, d'aucune indication sérieuse, les Américains spéculent et s'interrogent à savoir si Ansar Al-Islam ne serait pas le commanditaire de l'action meurtrière de jeudi. Ainsi, selon le général américain, Norton Schwartz, directeur des opérations à l'état-major interarmées américain, «l'une des organisations dont nous savons qu'elle est en Irak, et dans la région de Bagdad, est Ansar Al-Islam», affirmant, «C'est une organisation liée à Al-Qaîda qui focalise notre attention». Ce qui laisserait entendre que la coalition avait déjà dans son objectif, le groupe islamiste lequel cependant, a fait montre, depuis la chute de Bagdad, d'une discrétion assez curieuse alors qu'il disputait en mars dernier aux Kurdes, la suprématie dans le nord de l'Irak. Toutefois, il reste encore à démontrer que l'attentat de jeudi est bien le fait du groupe islamiste incriminé. De fait, l'ambassade de Jordanie, peu après l'attentat à la voiture piégée, a été quasiment saccagée et mise à sac par la population bagdadie. Aucun Jordanien ne se trouvait parmi les victimes, alors que les autorités jordaniennes ont fermement dénoncé et condamné cet attentat. Cependant, outre cet attentat - le premier du genre à Bagdad depuis la chute du régime de Saddam Hussein - la journée d'hier aura été tout aussi sanglante avec le meurtre, par des soldats américains, de six Irakiens, dont un enfant, à Tikrit, l'ex-fief du clan Saddam Hussein. Tikrit est l'une des villes les plus rebelles, avec Falloudja, à l'occupation américaine. Aussi, cette ville a-t-elle fait l'objet de plusieurs raids de l'aviation américaine ces dernières semaines. Entre jeudi et hier, plusieurs attaques ont ciblé les troupes de la coalition et au moins trois soldats américains ont été blessés, alors que le soldat blessé par balles, jeudi soir, est mort hier des suites de ses blessures. Dès lors, loin de se décanter, la situation ne fait qu'empirer pour les soldats américains de plus en plus enclins à avoir la gâchette plutôt facile, tirant sans sommation au moindre mouvement suspect, comme l'a avoué benoîtement un soldat américain qui indiqua que, «lui et ses collègues ont tiré (sur la foule) après avoir entendu des détonations», sans avoir d'abord vérifié de quoi il s'agissait. C'est ainsi que beaucoup de civils irakiens sont de plus en plus victimes de la nervosité que montrent les troupes d'occupation américaines peu sûres d'elles. Un général américain a même justifié cet état de chose affirmant «Nous sommes dans une zone de guerre». En vérité, les Américains qui pensaient avoir eu la partie gagnée, après la chute de Saddam Hussein, découvrent chaque jour qu'ils se sont engagés dans un engrenage infernal, et le syndrome vietnamien n'est plus très loin. De quelques mois de présence, on parle maintenant en «années» d'occupation comme le laissait entendre le chef d'état-major américain en Irak, le général Ricardo Sanchez, selon lequel «les troupes américaines resteraient en Irak au moins deux ans». Les Américains, où tout ne fonctionne pas comme ils l'espéraient, se trouvent ainsi plongés dans la tourmente irakienne. Le général Sanchez reconnaît également que leur approche «musclée» leur a «aliéné de plus en plus les Irakiens», indiquant, dans des propos au New York Time, qu'il «entendait dorénavant tenir compte de (ces) multiples signaux». En réalité, loin d'être terminée, la vraie guerre d'Irak ne fait que commencer. L'attentat contre l'ambassade jordanienne, les raids de l'aviation américaine, les attaques contre les troupes de la coalition de ce week-end, sont autant d'indices qui indiquent que la guerre semble entrer dans une nouvelle phase marquée par cette spirale de la violence.