De la chira à la coke Le plus préoccupant ce sont les recettes que représentent ces flux et qui sont sous le contrôle des chefs de guerre. Des vastes territoires incontrôlés, une demande insatiable et une marchandise florissante. Le feuilleton des saisies, arrestations et procès qui meublent les espaces médiatiques, cesse d'être un simple fait divers. Les faits sont graves. Selon des sources sécuritaires, il s'est développé en Algérie depuis ces dernières années, des cartels de drogues dures contrôlés par des chefs terroristes. «Une faune de nouveaux émirs remplacent progressivement 'les chefs de guerre'', pour secréter des émirs de l'héroïne et de la cocaïne qui se sont greffés sur les anciens circuits terroristes», appuient les mêmes sources. Le plus préoccupant, ce sont les recettes que représentent ces flux et qui sont sous le contrôle des chefs de guerre. Ces derniers, après avoir échoué dans l'implantation de leurs idéologies, se sont reconvertis pour faire du trafic de drogues et la contrebande, leur «nouvel eldorado économique». Avec près de 200 millions de clients, le marché de la drogue dégage un chiffre d'affaires estimé à 300 milliards de dollars par an et une part croissante de ces produits à destination de l'Europe transite désormais par le continent africain, avec des effets déstabilisateurs majeurs sur les économies et les institutions locales. Une étude menée, il y a quelques années, par les Nations unies corrobore cette situation. Cette étude indiquait qu'un quart des 135 ou 140 tonnes de cocaïne vendues chaque année en Europe traversait l'Afrique de l'Ouest. Les réseaux entrent en collusion avec les diverses organisations terroristes, allant d'Al Qaîda, à Boko Haram au Nigeria, en passant par les Chebab somaliens. Pays de transit par excellence pour les ressortissants subsahariens, l'Algérie se retrouve dans ce terrible engrenage du narcoterrorisme. La situation des drogues en Algérie a connu de très profonds changements. Ces mutations, que reflètent en particulier les saisies, concernent d'abord, la consommation des drogues classiques douces à laquelle est venue s'ajouter celle des drogues dures comme la cocaïne. Selon le directeur général de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Onlcdt), Mohamed Abdou Benhala, plusieurs types de drogues dures sont introduits en Algérie par des réseaux de trafic en provenance des pays d'Afrique de l'Est et de l'Ouest. «Outre le cannabis (drogue douce) en provenance notamment du Maroc, l'Algérie connaît aussi l'introduction de drogues dures comme la cocaïne, l'héroïne, le crack et les NSP (Nouvelles substances psychoactives)», a-t-il expliqué, en marge d'un séminaire euro-méditerranéen sur le traitement de substitution aux opiacés et la réduction de leurs risques. «Au début, ce sont de petites quantités qui pénètrent, le temps que le réseau de trafic s'organise et que le marché soit créé. Après, ces quantités se font de plus en plus importantes», a mis en garde M.Benhala. Selon lui, la cocaïne écoulée en Algérie provient essentiellement d'Afrique de l'Ouest, une région qui elle-même reçoit cette drogue d'Amérique latine. L'héroïne, quant à elle, arrive en Algérie en provenance de l'est de l'Afrique et d'autres pays comme l'Afghanistan, le Pakistan et l'Iran, a-t-il expliqué. «Mais les quantités de drogues dures introduites en Algérie ne sont pas grandes», a-t-il précisé, relevant que deux saisies comprenant respectivement 150 kg et 80 kg de cocaïne ont été effectuées au cours de ces dernières années dans le pays. M.Benhala a estimé que l'Algérie, où les toxicomanes consomment notamment du cannabis et des psychotropes, ne pouvait pas continuer, dans un contexte de globalisation, à être épargnée, par le trafic de drogues dures comme l'héroïne et la cocaïne. Les saisies de drogues dures, notamment au niveau des aéroports algériens, indiquent que des trafiquants font transiter ces substances via l'Algérie, en direction d'autres pays comme ceux d'Europe, a-t-il ajouté. La drogue est désormais l'ennemi public n°1 incarnant le chaos régional. A l'évidence, le terrorisme et les réseaux de trafiquants s'alimentent mutuellement et se confondent dans les zones africaines de non-droit délaissées par des Etats défaillants. Mais les barons de la drogue liés de près ou de loin aux pouvoirs alliés sont rarement inquiétés. C'est le cas du cartel de Tanger. Le Royaume marocain, qui, dans ce sens, constitue une vraie menace pour la sécurité et la stabilité régionales, nargue la communauté internationale et n'exprime aucune volonté réelle d'abandonner la politique du laisser-faire qui est toujours de mise. Nous ne livrons pas un scoop, quand on affirme que le Maroc est le premier fournisseur de haschisch pour le marché européen et le premier exportateur mondial de cette drogue.