Les dirigeants des six monarchies du Golfe se réunissent demain en sommet à Riyadh avec l'ambition de répondre à la menace des jihadistes et aux retombées de la guerre au Yémen qui suscite des tensions avec l'Iran. La liste des défis posées aux chefs d'Etat d'Arabie saoudite, du Koweït, de Bahreïn, des Emirats arabes unis, d'Oman et du Qatar «est très complexe», relève Anthony Cordesman, du Centre d'études stratégiques et internationales à Washington. Ces pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) continuent notamment de redouter un Iran doté de l'arme atomique, en dépit de l'accord-cadre conclu il y a un mois entre Téhéran et les grandes puissances, dont les Etats-Unis et la France, qui prévoit de limiter les capacités nucléaires de l'Iran en échange d'une levée des sanctions internationales. A Riyadh, le président français François Hollande sera le premier dirigeant occidental à participer à un sommet du CCG depuis sa création en 1981. Le sommet précédera d'une semaine une réunion de ces mêmes dirigeants du Golfe avec le président américain Barack Obama, qui veut à l'occasion apaiser les craintes de ses alliés monarchiques sur un rapprochement de son pays avec l'Iran et évoquer avec eux les conflits régionaux. A l'exception d'Oman, tous les pays du CCG participent aux bombardements de la coalition formée par les Etats-Unis pour lutter contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI) qui sévit surtout en Syrie et en Irak. Riyadh vient d'annoncer l'arrestation de près d'une centaine de suspects liés à l'EI en affirmant avoir mis en échec des projets d'attentats, dont un contre l'ambassade des Etats-Unis. L'Arabie saoudite a mis en place sa propre coalition pour tenter d'empêcher les rebelles chiites Houthis de prendre le contrôle total du Yémen, son voisin. Mais cinq semaines de raids aériens n'ont pas suffi à supprimer la menace des Houthis et le réseau extrémiste Al Qaîda a profité du chaos pour s'emparer notamment de Moukalla, capitale de la province du Hadramaout dans le sud-est du Yémen. «Sur toutes ces questions (...), telle ou telle réunion peut permettre de réaliser des progrès mais elle ne peut pas apporter de solutions», estime Anthony Cordesman. «Souvent la rhétorique est bonne mais la réalité ne l'est pas». Le régime saoudien qui vient de subir un coup de jeune avec la nomination d'un prince héritier de 55 ans et d'un prince dans la trentaine comme second dans l'ordre de succession, est le grand rival de l'Iran dans la région. Déjà divisés sur la Syrie, où Riyadh soutient les rebelles et Téhéran le régime de Damas, les deux pays s'affrontent maintenant sur le Yémen. Téhéran qualifie de «mensonges» les accusations de Riyadh sur l'envoi d'armes iraniennes aux Houthis, même si un groupe d'experts de l'ONU a admis un tel soutien depuis 2009. La coalition dirigée par l'Arabie saoudite a imposé un blocus aérien et maritime du Yémen, mais l'Iran a envoyé ses navires de guerre dans les eaux avoisinantes. L'US Navy a commencé à «accompagner» les navires battant pavillon américain dans le détroit stratégique d'Ormuz entre Oman et l'Iran, après l'arraisonnement par la marine iranienne d'un porte-conteneurs. Le CCG insiste pour que des négociations pour une solution politique au Yémen se tiennent à Riyadh, tandis que Téhéran propose de les organiser ailleurs. Selon M.Cordesman, les problèmes fondamentaux du Yémen, y compris les divisions confessionnelles et tribales, n'ont pas été correctement pris en compte par le CCG. «Vous ne pouvez pas imposer l'unité yéménite par les bombes», a-t-il dit, estimant que la campagne aérienne n'a atteint qu'un «objectif très limité». Pour lui, «le Yémen était un Etat en faillite avant les frappes et sera un Etat en faillite après, sauf si vous pouvez trouver une solution aux divisions».