L'Opep a déclaré qu'«elle ne pouvait rien faire pour réduire la hausse des cours et les prix élevés du pétrole peuvent provoquer une récession». Le prix du pétrole a atteint un niveau historique, hier, lors des échanges électroniques sur le marché asiatique. Dopé par les craintes de perturbations de la production mondiale alors que le marché est déjà très serré, le baril de brut à New York s'est affiché à 50,47 dollars en séance électronique, un nouveau record absolu depuis la création du marché pétrolier new yorkais en 1983. Quant au Brent de la mer du Nord à Londres, il s'est envolé à 46,80 dollars, un record depuis la création du marché londonien en 1980. Les prix du pétrole, qui ont quasiment doublé par rapport à leurs niveaux d'il y a un an, avaient atteint la barre symbolique des 50 dollars, lundi, peu après la fermeture du marché new yorkais. «Les cours vont rester élevés et volatiles tant qu'un véritable surcroît de production n'est pas enregistré, peut-être cette année ou probablement l'année prochaine», a estimé Kurt Barrow, expert américain de Purvit and Gertz à Singapour. Toute perturbation de la production serait dramatique pour le marché pétrolier, qui entre actuellement dans la saison hivernale, considérée comme celle de la plus forte consommation. La situation est d'autant plus critique que le ministre de l'Energie indonésien et président de l'Opep a déclaré hier qu'«en ce moment, l'Opep ne peut rien faire pour réduire la hausse des cours et les prix élevés du pétrole peuvent provoquer une récession». «Actuellement nous avons un problème avec le Nigeria et la Russie. Nous sommes en contact permanent avec nos amis au sein de l'Opep», a-t-il ajouté, avertissant toutefois «qu'une augmentation de la production n'entraînerait pas nécessairement une baisse des prix». Par ailleurs, face à la flambée des cours, l'Opep ne prévoit pas de modifier la date de sa prochaine réunion prévue en décembre, au Caire. L'orateur a précisé en effet qu'«il n'est pas prévu d'avancer la réunion, tout reste en l'état comme prévu», a-t-il dit. Cette hausse spectaculaire des prix a interpellé la communauté internationale. La commissaire européenne aux Transports, Loyola de Palacio, a émis, mardi l'espoir d'une accalmie sur les marchés pétroliers «en novembre», après l'élection présidentielle aux Etats-Unis. «Clairement, il y a une pression à cause de l'élection américaine», a-t-elle déclaré à des journalistes à Bruxelles. Les prix du pétrole évoluent à des niveaux historiques inégalés, hantés par le spectre d'une perturbation de la production mondiale à l'heure où les stocks sont extrêmement maigres et la demande insatiable. «La situation au Nigeria exacerbe ce qui est déjà un équilibre très étroit entre l'offre et la demande», a estimé Kevin Norrish, analyste à la banque Barclays. «Les inquiétudes actuelles sur la disponibilité du pétrole, cet hiver, ont été enflammées par une déclaration de guerre des rebelles dans la région riche en pétrole du Delta, menaçant la production de 2,3 millions de barils par jour», a-t-il souligné. Notons qu'un groupe armé nigérian a enjoint les compagnies pétrolières étrangères de quitter la région du delta du Niger (sud). La Force des volontaires du delta du Niger, dirigée par Mujahid Dokubo-Asari, a menacé de lancer à partir du 1er octobre une «guerre totale contre le Nigeria», laquelle prendrait pour cibles les installations pétrolières. Les troubles au Nigeria ne sont pas les seuls éléments menaçant l'offre pétrolière mondiale. L'insécurité en Arabie Saoudite, les sabotages d'oléoducs en Irak, l'affaire Ioukos en Russie, ainsi que les effets toujours ressentis des cyclones sur le niveau des stocks aux Etats-Unis, sont autant de facteurs aux yeux des analystes. «Tout tourne autour du risque de perturbation de la production, pas seulement au Proche-Orient mais aussi au Nigeria, dans le Golfe du Mexique ou en Russie», explique David Thomas, analyste à la Commersbank. La flambée des cours n'a, pour le moment, entraîné aucun fléchissement de la demande mondiale, dont l'envolée spectaculaire cette année, a été alimentée par la reprise aux Etats-Unis, premier consommateur mondial, et le boom économique en Chine. En outre, le quatrième trimestre, saison hivernale dans l'hémisphère nord, est traditionnellement celui où la consommation est la plus forte: quelque deux millions de barils par jour de plus sont nécessaires pour répondre à la demande future, selon ces mêmes analystes. La nervosité du marché était encore accrue à la veille de la publication des dernières estimations sur le niveau des stocks américains qui ont dégringolé ces dernières semaines en raison du passage dévastateur du cyclone Ivan dans le Golfe du Mexique, où 25% de l'offre américaine sont produits. «Si les chiffres de demain montrent une nouvelle chute des stocks (...) aux Etats-Unis, une nouvelle poussée des prix est à attendre, malgré les niveaux déjà très élevés», prévient M.Thomas.