La capitale yéménite, Sanaa, a tremblé hier matin sous la violence des raids de la coalition monarchique Les Etats-Unis, inquiets de l'enlisement du conflit au Yémen et au risque de froisser leurs alliés saoudiens, ont pris langue avec les rebelles Houthis pour tenter d'accélérer la tenue de pourparlers de paix sous l'égide de l'ONU. Mais la coalition sous commandement saoudien a fait monter la pression sur les rebelles chiites, en intensifiant hier ses frappes aériennes contre les positions de ces miliciens dans plusieurs régions du Yémen. Pour contenir cette vague de violences, les Etats-Unis ont engagé ces derniers jours des contacts diplomatiques avec les Houthis à Mascate, la capitale d'Oman, seule monarchie du Golfe à ne pas participer à la coalition au Yémen qui a lancé fin mars une campagne de frappes aériennes contre les rebelles. Le département d'Etat a confirmé mardi ces contacts ayant impliqué la haute diplomate américaine pour le Proche-Orient Anne Patterson. Sa rencontre avec des Houthis avait pour but de «renforcer notre idée que seule une solution politique (...) est possible», a précisé une porte-parole du département d'Etat. Anne Patterson s'était également rendue en Arabie saoudite où elle s'est entretenue du conflit avec des responsables saoudiens et le président yéménite en exil, Abd Rabbo Mansour Hadi. Réunis hier à Riyadh, le gouvernement yéménite en exil et ses alliés politiques ont souligné leur «soutien à tout effort international fondé sur la résolution 2216» du Conseil de sécurité de l'ONU qui somme les rebelles de se retirer des vastes territoires conquis ces derniers mois, dont la capitale Sanaa. M. Hadi fait de l'application de cette résolution un préalable à une reprise de dialogue avec les Houthis, selon l'agence Saba contrôlée par ses partisans. Le Conseil de sécurité de l'ONU a soutenu de son côté l'appel du secrétaire général Ban Ki-moon pour une nouvelle pause humanitaire, après les cinq jours observés en mai qui avaient permis d'acheminer de l'aide aux civils. Les 15 membres du Conseil se sont également dits «profondément déçus» que les pourparlers de paix prévus à Genève la semaine dernière aient été reportés, en raison de conditions préalables posées par des belligérants. L'annonce d'une nouvelle date pour ces pourparlers, potentiellement autour du 10 juin, est imminente, a confié une source diplomatique à New York. «L'Arabie saoudite lie toute trêve ou cessez-le-feu à la mise en oeuvre de la résolution 2216», a indiqué l'analyste Mustafa Alani du Gulf Research Center, estimant que «les Américains n'ont d'autre choix que d'agir conformément à cette résolution» dans leurs contacts avec les Houthis. Les Etats-Unis, qui ont obtenu lors des contacts à Mascate la libération par les Houthis d'un ressortissant détenu au Yémen, «ne peuvent pas fâcher les Saoudiens dont ils attendent le soutien, ou du moins le silence, à la conclusion (prévue fin juin) d'un accord nucléaire avec l'Iran», le rival régional du royaume saoudien, a ajouté M. Alani. Ce spécialiste des questions de sécurité, proche des milieux politiques saoudiens, estime que «les opérations militaires de la coalition se poursuivront tant que les Houthis n'auront pas accepté la résolution 2216». Pour leur part, les Houthis ont notamment exigé l'arrêt des bombardements saoudiens et un acheminement sans entrave de l'aide humanitaire, alors que Riyadh empêche des navires iraniens d'accéder directement au Yémen, selon une source diplomatique. Or la coalition multiplie ses frappes, toujours plus violentes, touchant hier un complexe militaire à Sanaa où s'est déclaré un incendie et où 3 personnes ont été tuées, mais aussi dans des positions des rebelles dans des provinces du nord, du centre et du sud du Yémen, selon des témoins. Pour l'analyste émirati Abdelkhaleq Abdallah, «les frappes aériennes se poursuivront pour affaiblir les Houthis et leurs alliés», les militaires restés fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh. Cet expert des affaires du Golfe a dit par ailleurs s'attendre à «une longue trêve au Yémen sous le parrainage des Etats-Unis, suivie de pourparlers de paix durant le Ramadhan», prévu à partir du 17 juin.