Le pouvoir burundais n'a pas encore fixé de nouvelles dates, se contentant de reporter sine die les scrutins. Mais, s'il veut éviter un vide institutionnel, sa marge de manoeuvre est étroite: le mandat de Pierre Nkurunziza s'achève le 26 août. Avec le report des élections générales, les parties prenantes à la crise politique burundaise se sont dites ouvertes cette semaine à une reprise du «dialogue politique». Mais son issue reste très incertaine, tant les positions sont tranchées, et les délais serrés. Dans l'impasse depuis des semaines, les discussions entre le camp du président Pierre Nkurunziza et ses opposants doivent reprendre sur la base d'un appel des pays voisins à repousser de «pas moins d'un mois et demi» - donc en théorie à la mi-juillet - les scrutins qui devaient débuter hier, des législatives et des communales censées ouvrir les élections générales avant une présidentielle et des sénatoriales. Le pouvoir burundais n'a pas encore fixé de nouvelles dates, se contentant de reporter sine die les scrutins. Mais, s'il veut éviter un vide institutionnel, sa marge de manoeuvre est étroite: le mandat de Pierre Nkurunziza s'achève le 26 août. Si le délai réclamé était respecté, il ne resterait que quelques semaines au camp Nkurunziza et à ses opposants, qui lui contestent le droit de se représenter à un troisième mandat, pour s'entendre. Fait nouveau, la présidence et les opposants politiques ont accepté d'infléchir leur position sur le noeud de la crise: elles ne font plus du retrait ou du maintien d'une candidature de Nkurunziza un préalable aux discussions sur les autres sujets. Mais ces sujets - libertés civiles et politiques, restauration d'un climat sécurisé - sont de taille: Les deux camps doivent s'entendre sur la réouverture des radios privées, empêchées d'émettre depuis plusieurs semaines, les manifestations anti-Nkurunziza, interdites mais quasi-quotidiennes depuis plus d'un mois et émaillées d'affrontements avec des policiers qui ont fait un large usage de la force, et le sort des contestataires emprisonnés. Il s'agit aussi de restaurer un climat électoral apaisé: l'opposition accuse le pouvoir de l'empêcher de faire campagne et la Ligue des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure, de terroriser les anti-Nkurunziza. «Il y a de gros défis, de gros enjeux, mais il faut les relever», résume un diplomate. «Il n'y a pas d'autres choix que de laisser une chance au dialogue», dit-il, déplorant le coût humain «inacceptable» des violences - une quarantaine de personnes sont mortes - et les graves conséquences de la crise sur une économie déjà chancelante. Pour les observateurs, le succès des discussions dépendra beaucoup de la disposition du gouvernement, qui exige l'arrêt des manifestations, à «lâcher du lest» le premier et, surtout, à rouvrir les très populaires radios privées qu'il a accusées de relayer les appels à manifester et de soutenir une tentative avortée de putsch mi-mai. Pour Innocent Muhozi, patron d'une des radios coupées, la réouverture des médias ne devrait même pas faire l'objet d'une négociation, mais, dit-il, «les choses les plus élémentaires sont les plus dangereuses» pour le pouvoir. En matière de sécurisation du processus électoral, et pour notamment «rassurer les partis d'opposition» alors que les observateurs internationaux se sont retirés, des pistes ont été lancées, comme celle «d'observateurs civilo-militaires» avec «mission sécuritaire», explique le diplomate. Mais pour M.Muhozi, cette option aussi est «compliquée (pour le pouvoir), parce elle risque de faire imploser le système Nkurunziza», basé selon lui sur la peur et qui «ne peut pas tenir (hors d')un huis clos avec les Burundais». Il estime d'ailleurs que la région a déjà d'une certaine façon tordu le bras au président Nkurunziza, en «faisant en sorte que les élections n'aient pas lieu (immédiatement) et en obtenant un dialogue sur tous les points» de contentieux. Signe que les négociations sont loin d'être gagnées, les partis d'opposition ont demandé jeudi à l'ONU de changer le médiateur dépêché depuis mi-mai pour tenter d'éviter l'embrasement dans un pays à l'histoire marquée par les conflits et massacres interethniques mais jugé partial.