Sonatrach 1 a été renvoyé, dimanche, à la prochaine session judiciaire. Il faudra donc patienter pour en savoir plus sur un dossier à tout le moins gigogne, avec plein de bifurcations, de chemins escarpés et d'impasses. Bien malin, celui qui en démêlera l'écheveau, d'autant plus que celui que l'opinion publique tient pour le principal responsable de ce scandale, n'est pas concerné assure la rumeur - tout aussi publique. Il est donc peu probable que le prochain procès «Sonatrach 1» nous en apprenne plus que ne l'ont fait les procès de «l'autoroute Est-Ouest» et celui (en cours) de Abdelmoumène Khalifa, dans sa version sulfureuse d'«El Khalifa Bank». Tout a-t-il été dit dans l'affaire El Khalifa Bank? En fait, les gens demeurent sceptiques et ne s'attendent pas à des révélations fracassantes, d'autant plus que les charges sont menées en...pointillé. On l'a bien vu dans le procès de «l'autoroute Est-Ouest» où les observateurs se sont convaincus que les vrais ripoux sont bel et bien passés au travers des mailles de la justice. Donc rien de sensationnel, ni de substantiel n'est venu lever le voile sur des affaires traitées, estiment d'aucuns, en périphérie. De fait, appelé à la barre en tant que témoin, le liquidateur d'El Khalifa Bank, Moncef Badsi, a assuré que «c'est plus grave que tout ce qui a été dit». Or, ce ne sont pas les témoins qui ont fait défaut depuis un mois. Certes, il y a témoins et «témoins» et, manifestement, ceux qui étaient à Blida n'avaient pas toutes [ou les vraies] les cartes en main pour éclairer les dessous d'une affaire qui ne manque pas de points d'ombre. Donc, les procès de l'autoroute Est-Ouest, d'El Khalifa Bank, de Sonatrach 1 et Sonatrach 2 - pour ne citer que ceux qui ont défrayé la chronique, ces dernières années - viennent opportunément (?) rappeler combien l'Etat est laxiste avec ceux qui le servent et combien ces derniers sont peu regardants avec les deniers publics. Des procès d'affaires politico-judiciaires que l'on se demande s'ils vont valoir leur pesant d'euros et de dollars détournés. En effet, les chiffres égrenés donnent le tournis, et l'on ne parle plus en millions ou milliards de centimes de dinars détournés, mais en euros et en dollars. Faites vos comptes. De quoi être abasourdi devant un champ économique et financier sans foi ni loi. Le point commun entre ces affaires est que l'argent n'a jamais fait défaut qui a permis toutes les manipulations et dilapidations en contradiction avec les lois et règlements en vigueur, mais aussi en dépit du bon sens - si celui-ci existe chez ces personnes - sachant que cet argent [qui coule par ailleurs à flots] manquait cruellement pour les constructions de logements, des écoles et des hôpitaux. Si la justice se penche, un tant soit peu, sur les affaires de l'autoroute Est-Ouest, El Khalifa Bank, Sonatrach 1 et 2, il y eut au long de ces années d'autres scandales qui ont éclaboussé le monde de la finance et de l'économie telles que les affaires Bcia et BRC (Brown and Root-Condor, société algéro-américaine, filiale de Sonatrach, qui n'a pas eu, semble-t-il, de suite), et bien d'autres ayant eu pour acteurs des personnalités moins huppées mais qui se sont très largement sucrées. Et ces scandales n'ont pas épargné l'administration si l'on note que de nombreux walis ont eu à répondre de leurs actes devant la justice. De fait, plus de trente walis et chefs de daïras, des dizaines de maires ont été soit inculpés, soit limogés sans bruit ni fureur ces dernières années pour cause de mauvaise gestion et dilapidation des biens publics. Ce qui constitue certes, un autre aspect tout aussi hideux de la gangrène qui vérole le pays avec, souvent, la complicité de ceux censés veiller à son bien-être par laxisme quand ce n'est pas par intérêt. Ainsi, ces procès [et procès virtuels quand des administrateurs sont en cause] disent le gouffre ouvert dans le fonctionnement du système économique et financier algérien et plus assurément la déliquescence où se trouve le système qui régit le pays depuis l'indépendance. Ce dysfonctionnement peut-être illustré par les propos de Mourad Medelci - ministre des Finances à l'époque des scandales financiers, notamment celui d'El Khalifa Bank - quand il s'est laissé aller à dire qu'il «n'a pas eu l'intelligence» d'agir, estimant que le «contexte de l'époque» ne se prêtait pas à des actions de salubrité publique. C'est-à-dire? Y a-t-il des moments idoines pour assainir et donner des coups de pied à la fourmilière? Il est quand même troublant que des affaires où des milliards en devise ont été dilapidés ou disparu dans la nature, «troublent» aussi peu les pouvoirs publics. Cela en attendant les suites qui seront données aux séries de procès en cours.