Merveilleux, les gestes de l'imam Cheikh Tahar Meziani et de l'athée Fernand Yveton traduisaient, bien loin des turpitudes des tenants de l'intégrisme religieux et/ou politique, le caractère sacré d'une révolution qui a su mobiliser toutes les composantes de la nation algérienne, au-delà de leurs appartenances religieuses et politiques. Sans réaction aucune de la famille révolutionnaire, certaines publications et chaînes de télévision continuent à donner dans l'approximation et à contribuer à la falsification de l'Histoire. L'impression de régler de vieux comptes avec ceux qui n'ont jamais cru en un avenir de l'Algérie dans le cadre d'une union avec la France est même vite donnée. Avec ceux qui, pourtant, ont été les artisans de l'étincelle qui mit le feu à toute la plaine. «Attendez que nous ne soyons plus de ce monde pour vous fabriquer un passé révolutionnaire que vous n'avez jamais eu», disait à juste titre Mohamed Boudiaf. Et il avait raison le président assassiné surtout que les dissonances à l'honneur au sein du parti du FLN ont créé une telle cacophonie politique que d'aucuns présentent, désormais, le mouvement des Uléma comme étant la force libératrice du pays alors que l'association en question était aux abonnés absents au moment du déclenchement de la Révolution nationale. Comme je ne suis pas de ceux qui donnent dans la mauvaise foi, faisant merveilleusement bien le distinguo entre ledit mouvement et l'Islam, je suis particulièrement scandalisé par le fait que quelques planqués de l'Histoire en arrivent à utiliser la mémoire des martyrs de la cause nationale pour s'attaquer aux fondements mêmes du raffermissement du sentiment national, je veux parler de l'Islam et du rôle mobilisateur qu'il joua dans l'émancipation plurielle de tout un peuple. Cheikh Tahar avait sur instruction du FLN succédé, en 1955, au grand muphti Cheikh Mohammed Baba Amer dans sa mission de diriger, à la prison de Serkadji, les prières du vendredi et des fêtes religieuses. Vénérablement respecté par les condamnés à mort - ils étaient nombreux à avoir suivi ses cours de langue nationale, de théologie et de chants patriotiques dans son école de la rue des Frères Racim à la Casbah - il servait de trait d'union entre les révolutionnaires incarcérés et le FLN. C'était à lui d'ailleurs qu'échut l'insigne honneur et le privilège de faire la chahada à Fernand Yveton qui, dans une sorte de reconnaissance et d'appartenance au peuple algérien, son peuple, avait préféré rendre l'âme en tant que musulman que d'accepter le réconfort, comme proposé par ses bourreaux, d'un prêtre ou d'un rabbin. Merveilleux, les gestes de l'imam et du condamné à mort traduisent, bien loin des turpitudes des tenants de l'intégrisme religieux et/ou politique, le caractère sacré d'une révolution qui a su mobiliser toutes les composantes de la nation algérienne, au-delà de leurs appartenances religieuses et politiques. C'est au nom de l'Islam et de la patrie que Cheikh Tahar Meziani est tombé au champ d'honneur...le 4 juin 1957, défenestré du 2ème étage du palais Klein, lieu sinistre particulièrement connu à la Casbah d'Alger. Après un séjour incroyable à la morgue de Saint-Eugène, il ne sera enterré que le 9 juin à 10 heures du matin au cimetière d'El Kettar, sans que sa dépouille ne soit rendue à sa famille. Mais le tête-à-tête entre le bourreau et le martyr sera lourdement chahuté par les condamnés à mort de Serkadji qui, malgré la grève de la faim observée en l'honneur de leur imam et aumônier, feront fuser chants révolutionnaires et youyous. Un quadrillage de la Casbah particulièrement imposant a été observé ce jour-là. Une grève générale décrétée par les commerçants de la médina provoquera l'ire de la soldatesque française qui ne trouvera pas mieux que de saccager tous les magasins fermés en hommage à l'imam. Le chahid Debbih Chérif apprendra à ma mère, peu de temps après, que l'attentat du Casino de la Corniche a été commis pour venger l'imam, le jour de son enterrement.