Le laboratoire d'histoire coloniale (Lahisco) a organisé hier à l'université de Bouzareah une table ronde sur le martyr Fernand Yveton, le seul Algérien d'origine européenne guillotiné pendant la révolution algérienne par les colonialistes français. En présence de son demi-frère, Louis Yveton, de son avocat de l'époque, Albert Smadja, de ses amis et de militants de la cause nationale et d'amis, l'assistance a vécu avec beaucoup d'émotion le parcours de ce militant mort pour l'indépendance de l'Algérie. Né à Alger le 12 juin 1926, Fernand Yveton vit au Clos salembier et travaille à l'usine à gaz du Hamma (Alger). Il milite aux jeunesses communistes puis à l'Union de la jeunesse démocratique algérienne, et est élu délégué syndical dans son usine. A la création en 1955 des combattants de la libération (CDL) par le parti communiste algérien, Fernand y adhère en compagnie de nombreux autres militants tels Georges Accampora, Yahia Briki, Abdelkader Guerroudj et Félix Collosi. En juillet 1956, après les accords FLN-PCA, les membres des CDL feront partie du commando du grand Alger et c'est là où Iveton est chargé de placer une bombe dans son usine. Jacqueline Guerroudj lui remettra la bombe fabriquée par Taleb Abderrahmane et Daniel Timsit ; elle doit exploser vers 19h30 pour éviter de tuer quiconque. c'était une action de sabotage. Présent dans la salle, Félix Collosi a rappelé que son groupe avait refusé quelques jours avant de déposer une bombe, car elle devait exploser plus tôt et aurait automatiquement causé des pertes humaines. Collosi, en larmes, affirmera qu'Yveton était déjà condamné à mort dès son arrestation. Albert Smadja, qui sera arrêté après avoir plaidé dans le procès d'Yveton, évoque avec beaucoup d'émotion Yveton, un homme courageux, avec un grand esprit politique qui a combattu pour l'indépendance de l'Algérie. Sa condamnation et son exécution ont été des actes politiques et non judiciaires : «Le procès s'est déroulé dans un tribunal militaire, dans une salle hostile qui applaudira le verdict. c'était le comble de l'horreur. Ce fut l'œuvre de Guy Mollet, Robert Lacoste et du garde des sceaux, François Mitterrand. le président René Coty nous avait répondu après les sollicitations des trois avocats d'Yveton que la justice suivra son cours ; nous avions alors compris que le sort d'Yveton était scellé. Il fallait une personnalité exceptionnelle, que Coty n'avait pas, pour faire front à cette décision et proclamer la grâce présidentielle», raconte l'avocat Smadja. François Marini, avocat de profession, qui a habité Clos salembier et qui prépare un roman sur Fernand Iveton, parle d'une affaire exceptionnelle faisant partie de l'histoire noire de son pays, la France. En tant qu'avocat, il affirme n'avoir jamais eu cas d'une exécution alors qu'il n'y a pas eu mort d'homme. Le 11 février 1957, Yveton est exécuté au même moment que deux autres militants, Mohammed Ouennouri et Ahmed Lakhnèche. En se dirigeant vers la guillotine, ils crieront «Tahya El Djazaïr». Le cri est entendu par les prisonniers ; fusent alors des slogans et des chants patriotiques des entrailles de Barberousse, le relais est rapidement repris par toute La casbah. Face à son bourreau, Fernand Yveton dira : «La vie d'un homme, la mienne, compte peu, ce qui compte c'est l'Algérie, son avenir, et l'Algérie sera libre demain.»