Dimanche dernier, les policiers de l'aéroport d'Alger appréhendaient l'homme dénoncé par la voix féminine. Si l'amour peut faire perdre la raison et rendre aveugle, comme on le dit, il peut dans certains cas avoir des répercussions encore plus extrêmes. C'est le cas de cette jeune fille de Biskra qui se retrouve en prison pour n'avoir pas mesuré la portée de son acte. Tout a commencé le 29 septembre dernier. Ce jour-là, les services de la compagnie aérienne Air Algérie reçoivent un appel anonyme (la voix était celle d'une femme) faisant état d'un projet d'acte terroriste imminent à l'aéroport Houari Boumediene. Selon la voix, un homme (dont elle donne l'identité, se dirige par route, venant de Tamanrasset, en possession d'une bombe qu'il a l'intention de déposer dans l'enceinte de l'aéroport. Pour des raisons que l'enquête tentera d'éclaircir, l'appel ne sera pas porté à la connaissance des services de sécurité. Ces derniers auront l'information par leurs propres canaux. Ce qui, tout de même, a eu pour effet de faire perdre du temps aux enquêteurs. Mais aussitôt informés, les services de police renforcent leur dispositif et mettent en branle les moyens nécessaires pour retrouver l'homme à la bombe. Non seulement autour de l'aéroport mais aussi tout au long des 2200 km qui séparent Tamanrasset de la capitale. Les contrôles routiers notamment. D'ailleurs, ceux qui ont eu à se rendre à l'aéroport à cette période on pu constater le renforcement du dispositif de sécurité avec tous ces désagréments, notamment les bouchons et le risque de rater son avion. Mais tous ont pensé qu'il s'agissait d'un renforcement de lutte antiterroriste plus global à l'approche du Ramadan. Dimanche dernier, les policiers de l'aéroport d'Alger appréhendent l'homme dénoncé par la voix féminine. Il s'apprêtait à prendre le vol pour Toulouse. Son interrogatoire fait ressortir qu'il ne venait pas de Tamanrasset mais de Biskra. Il confiera également aux policiers la «scène de ménage» qu'il a eue avec sa «fiancée» farouchement opposée à son départ pour la France. Les enquêteurs se devaient d'entendre la «fiancée». Tirée de son anonymat à Biskra, la jeune fille ne tarde pas à reconnaître être l'auteur de l'appel anonyme aux services d'Air Algérie dans le fol espoir de bloquer le départ vers l'étranger de son amoureux. Elle était tellement désespérée par l'idée d'être abandonnée par lui qu'elle n'hésitât pas à recourir aux grands moyens. Dans sa petite tête, elle pensait brouiller les pistes en disant que l'homme partait de Tamanrasset au lieu de Biskra. Pourquoi avoir téléphoné à Air Algérie au lieu d'appeler les services de police? C'est le numéro d'appel de la compagnie aérienne qu'elle avait sous la main. Chercher celui du commissariat lui paraissait plus difficile. Pour cette histoire de «vengeance amoureuse» et après que les policiers de l'aéroport eurent présenté les faits et les personnes incriminées au procureur de la République, ce dernier décide d'inculper trois personnes. La «fiancée», son amoureux ainsi que le responsable de sécurité d'Air Algérie pour «rétention d'informations à caractère terroriste». Les deux dernières ont été citées à comparaître tandis que la fiancée a été placée sous mandat de dépôt. Paraissant devant le tribunal, la fille a été condamnée hier à deux ans de prison ferme, tandis que son «fiancé» et le responsable de sécurité d'Air Algérie ont été acquittés. De tels appels anonymes sont sévèrement réprimés par la justice d'autant que notre pays n'a pas encore fini de combattre le terrorisme.