Le fameux article 18, «véritable couperet», pour reprendre Sidi Saïd, passera sans que le syndicat ne puisse rien y faire. La bipartite gouvernement-Ugta a marqué un véritable tournant dans le dialogue et la contestation sociale. Pour la première fois, et sans prendre la peine d'aller vers une «prolongation», dixit Ouyahia, somme toute inutile, l'Exécutif et son partenaire sont allés vers un communiqué scellant clairement un désaccord de fond entre eux, sans que le premier nommé se gardât de passer outre ce point d'achoppement. Afin d'habiller de «respectabilité» ce bras de fer duquel l'Ugta est sortie vaincue, il a simplement été décidé que les concertations demeureraient constantes même si le projet de loi va suivre le cheminement normal afin d'entrer en vigueur dans les plus brefs délais. De pareilles déclarations, somme toutes contradictoires, quoique contenues dans un communiqué commun, signé jeudi soir par Ouyahia et Sidi Saïd après 12 longues heures de négociations non-stop, poussent simplement à poser la question si les jeux ne sont pas faits, puisque une année de tractations au sein du groupe de travail mixte, deux rencontres en tête-à-tête entre Ouyahia et Sidi Saïd ainsi que cette bipartite n'ont pas réussi à déboucher sur un consensus. Ce n'est pas une semaine ou deux, dans une situation telle que celle-ci, qui pourraient arranger les choses. A cette question, lancée par nous, lors d'une conférence de presse improvisée, le secrétaire général de l'Ugta a réitéré sa conviction que le dialogue serein et sincère, sans hypocrisie aucune, peut venir à bout de toutes les embûches. Pour sa part, Ouyahia a mis en avant les prérogatives de l'institution qu'il préside, et qui aurait le droit d'enrôler toutes les lois qu'elle juge utile. A la lumière de ces deux réponses, l'on ne peut que confirmer la désormais domination du gouvernement sur une Ugta pour laquelle le secrétaire général ne parle désormais que d' «agressions gentilles», allant jusqu'à soutenir les privatisations sous certaines conditions simples à tenir, mais semble-t-il insuffisantes pour le gouvernement comme nous y reviendrons en détails dans une prochaine édition, documents à l'appui. Toujours est-il que la nouvelle tendance dans la revendication de l'Ugta, qui se laissait deviner lors de l'entretien que son secrétaire général nous avait accordé deux jours avant la bipartite, s'est nettement confirmée lors de son discours d'ouverture. Si Ouyahia s'est contenté de quelques lieux communs attendant la rencontre pour entrer dans le vif du sujet, Sidi Saïd y est allé, pour sa part, d'un long discours dans lequel remerciements le disputaient aux soutiens à la démarche globale poursuivie par les pouvoirs publics dans leur oeuvre portant «redressement national». Il a souligné, dans ce cadre, que «l'Ugta s'inscrit, à l'instar de l'ensemble des forces vives de la nation, dans la même démarche pour une franche relance économique». Il soulignait un peu avant «l'adhésion et le soutien de la Centrale syndicale aux réformes en cours ou projetées dans le pays pourvu que leurs effets ne compromettent en aucun cas les objectifs de justice sociale dont la promotion constitue une préoccupation cardinale et un devoir sacré». Ainsi, si ni la stratégie de la Centrale ni ses objectifs n'ont guère changé, la manière d'arriver à ses fins, elle, a connu de profondes mutations comme en a témoigné la bipartite en question. Sidi Saïd, pressé de questions, gardant un sang-froid inaltérable, s'est souvent écrié qu'il était temps d'en finir avec l'hypocrisie, de dire les choses telles qu'elles sont, d'afficher ses divergences au grand jour et dans le plus grand respect et, pourquoi pas, admettre que les rapports de force actuels ne sont guère favorables à la Centrale. L'article 18 du statut général de la Fonction publique, outre une douzaine d'autres posant problème de par leur formulation, a ainsi constitué la pierre d'achoppement de ces négociations pour le moins serrées. Si l'Ugta n'a pas obtenu qu'il soit abrogé, ni même reformulé conformément à ses desiderata c'est qu'elle aussi n'est pas contre la contractualisation au sein de la fonction publique. Une bonne nouvelle toutefois. Le communiqué, autant que les déclarations d'Ouyahia, que vient conforter l'article 23 de la loi en question, ne prévoient aucune compression de quelque nature qu'elle soit à la faveur de ce nouveau statut. «Même au plus fort des injonctions du FMI nous avons préservé notre Fonction publique et nos fonctionnaires, ce n'est pas aujourd'hui que nous allons y toucher alors que la situation s'est nettement améliorée et que nous cherchons au contraire à créer de nouveaux emplois et à résorber le chômage», s'est ainsi exclamé Ouyahia. Sur sa lancée, la Centrale avait également demandé la permanisation de quelque 228.000 agents contractuels. Ici, le communiqué signé par les deux parties ne laisse pas d'être d'une précision d'orfèvre. Nous apprenons ainsi que «plus de 124.000 agents relevant de la garde communale et des agents de prévention et de sécurité, qui sont des personnels recrutés au motif de la situation vécue par le pays, seront maintenus au service de l'Etat et seront redéployés dans des missions publiques y compris par des formations complémentaires». A côté, il y a près de 53.000 vacataires effectuant la durée légale de leur travail et plus de 42.000 autres ne l'ayant pas effectuée. Dans tous les cas de figure, la plupart des concernés (214.000 sur 228.000) sont employés par des communes aux équilibres budgétaires pour le moins précaires. Pour ce qui est des décisions de justice et des salaires impayés, force est de constater que le gouvernement a fait de gros efforts depuis la dernière bipartite, même si l'accent est mis sur la nécessité de se délester le plus vite possible des entreprises publiques à problèmes, puisque les salaires ne seront pas pris en charge éternellement par l'Etat. Une tripartite qui oeuvrera à abroger l'article 87-bis de la loi 90-11 afin que le Snmg soit automatiquement revu à la hausse, doit se tenir après ce mois de Ramadan, selon les propres termes d'Ahmed Ouyahia.