Une rencontre préliminaire entre Ouyahia et Sidi Saïd doit avoir lieu dès le début de la semaine prochaine. De sources recoupées et concordantes, nous apprenons que le pacte national économique et social doit être scellé entre le gouvernement et son principal partenaire social en date du 24 février prochain. Le choix de cette date, hautement symbolique, dicté par l'Ugta, répond à trois raisons. Le 24 février, en effet, est la date anniversaire de la naissance de l'Ugta en 1956, de la nationalisation des hydrocarbures à partir de la Maison du peuple en 1973 et, enfin, de la grève nationale réussie de deux jours en 2003 en guise de protestation contre le fameux projet de loi sur les hydrocarbures ainsi que le plan de privatisation des entreprises publiques tel qu'il était prôné par Hamid Temmar. Les mêmes sources ajoutent que dans le cas où les deux partenaires ne trouveraient pas le temps de finaliser le document, ce qui paraît peu probable dans l'état actuel des choses, la signature sera reportée au premier mai prochain. Toujours est-il que dans le cadre de la poursuite de cet objectif, plusieurs rencontres informelles, dont notre journal avait déjà fait état, ont eu lieu entre le chef du gouvernement et le secrétaire général de l'Ugta. L'un comme l'autre se sont attelés à finaliser leurs propositions respectives. Une rencontre, préparant un sommet prévu entre toute la direction de ce syndicat et le staff gouvernemental presque au complet, doit se tenir entre Sidi Saïd et Ouyahia dès l'adoption du programme Ouyahia, c'est-à-dire au tout début de la semaine prochaine, puisque le sénat devrait voter ce texte ce mercredi. Dans un premier temps, les quelques points consensuels auxquels seraient parvenus les deux partenaires, s'accordent à évacuer «l'interdiction du droit de grève», comme l'avait craint Mme Louisa Hanoune dans l'entretien qu'elle nous avait accordé. Ce pacte, en des termes «édulcorés», se propose de maintenir le droit à la contestation, mais en recherchant une entente globale afin de garantir le dialogue et le développement. Ouyahia achèterait ainsi un délai de grâce de pas moins de trois années, ce qui est la durée de vie de ce pacte, lequel a toutes les chances d'être prolongé jusqu'à la fin du second mandat de Bouteflika, dans le cas où ses résultats s'avéreraient probants pour les représentants des travailleurs. Sidi Saïd, dont le syndicat s'apprête à donner un avis sur le programme d'Ouyahia, dès ce mercredi, avait déjà souligné, au lendemain de son soutien à Bouteflika, qu'il était loin de lui avoir accordé un chèque en blanc. Cette situation, aujourd'hui, est plus vraie que jamais partant du fait que le «blanc seing» du président, constitué par ses 84,99 % des suffrages exprimés, le dispense désormais de rechercher le soutien inconditionnel de la puissante Ugta, qui compte 1,5 million de militants et quelque 3 autres de sympathisants. Les organisations patronales impliquées Pour rappel, c'est le président Bouteflika qui a émis le voeu d'aller vers ce pacte dans son discours d'investiture. Un délai d'une année à partir du 8 avril avait été fixé comme échéance à son aboutissement. Bouteflika, à la même occasion, avait clairement signifié le changement de ses priorités, axées désormais sur le développement économique et l'amélioration générale du niveau de vie des Algériens. Il avait besoin, pour ce faire, d'une sorte de «trêve» sociale devant lui permettre de travailler sans contraintes majeures. De son côté, l'Ugta qui adhère à cette démarche, prône une synergie totale entre les différents partenaires. Dans le document que les membres de la centrale sont en passe d'élaborer, il serait notamment question de «la défense de l'entreprise publique économique dans le but de garantir la mise à niveau de son outil de production et mieux, faire face à la concurrence». La pérennité du service public passe également par la préservation et le renforcement de la fonction du même nom. C'est le but recherché à travers la proposition de loi élaborée par l'Ugta et dont nous avions fait état dans une précédente édition. L'enjeu est de taille puisque les amendements formulés par les pouvoirs publics ne menacent rien moins que 500.000 postes d'emploi, avec les risques certains qui en découleraient sur l'Etat algérien lui-même. C'est une thèse que défend avec acharnement le PT et que l'Ugta n'est pas loin de partager. Ce n'est pas tout. La centrale souhaite également que les organisations patronales les plus représentatives soient associées à l'élaboration, puis à la signature, de ce pacte. Les grandes lignes du document qui avait déjà été concocté lors de deux rencontres qui ont eu lieu, en 2002, entre l'Ugta et ces organisations, doivent ainsi être exhumées pour le plus grand bonheur du monde du travail. L'Union que préside Sidi Saïd, sur sa lancée, souhaite renforcer et encourager les cadres de concertation bipartite et tripartite. Deux rencontres de ce genre, au reste, sont prévues dans le courant de cette année. La première, attendue avant la fin de l'été, servira à débattre du statut général de la Fonction publique, mais aussi de la révision du fameux article 78-bis de la loi 90-11 relative aux relations de travail. Une circulaire relative à la mise en application de la dernière hausse dans le Snmg (salaire national minimum garanti), signée par le ministre des Finances et dont nous avons obtenu copie, calcule en détail les différents cas de hausse. Il apparaît ainsi que si le Snmg est censé être passé de 8000 à 10.000 dinars, les travailleurs concernés n'ont perçu, dans le meilleur des cas, qu'à peine 160 dinars. Une véritable hérésie que la centrale n'a eu de cesse de dénoncer. Une protestation officielle a même été déposée sur le bureau du chef du gouvernement, comme l'a souligné Sidi Saïd lors de la dernière CEN, (commission exécutive nationale), quelques semaines avant la présidentielle. Mais, Ouyahia, qui semble avoir d'autres fers au feu pour le moment, préfère temporiser. Un Snmg à 12.000 dinars C'est, du reste, sous le règne de ce dernier, que ce fameux article avait été «concocté» et glissé au milieu d'autres amendements. L'Ugta, à juste titre donc, craint que le même scénario ne vienne à se répéter, d'autant que toute révision de cette loi doit impérativement passer par le parlement via le conseil du gouvernement. Dans le cadre du calendrier social, comme nous l'annoncions dans une édition précédente, une rencontre tripartite est également attendue vers la fin de cette année. Le Smig passerait, à cette occasion, à 12.000 dinars. La centrale, avec à sa tête Sidi Saïd, espère même atteindre la barre des 15.000 dinars avant la fin de l'année prochaine. Non seulement la conjoncture financière s'y prête, mais elle répond même aux nouvelles orientations des pouvoirs publics. Pour rappel, le document technique élaboré par des experts pour le compte de la centrale, avait établi qu'il fallait pas moins de 25.000 dinars à une famille de cinq personnes afin de subvenir uniquement à ses besoins vitaux. Ces prochains mois, qui comportent donc un calendrier social et économique très chargé, verront également l'élaboration d'une loi de finances complémentaire dans le but de prendre en charge les prochaines dépenses sociales, mais aussi le lancement en grande pompe du fameux «programme complémentaire de consolidation de la croissance». Celui-ci, étalé sur tout le quinquennat du président Bouteflika, devrait représenter une enveloppe financière globale avoisinant les 10 milliards de dollars, ce qui n'est pas peu dire.