Certains commerçants règnent en maîtres alors que l'Etat régulateur est totalement absent. Les autorités publiques n'ont aucune prérogative pour intervenir et faire cesser les fluctuations des prix qui connaissent des pics vertigineux. «Le marché est libre» nous dit-on. Une profusion de denrées mais la stabilité n'est pas à l'ordre du jour à telle enseigne que le budget réservé pour ce mois où la table doit être ostensiblement garnie pour assouvir les désirs des jeûneurs, ne peut être fixé par les ménages faute de données précises. Les commerçants profitent de cette situation pour engranger le maximum de bénéfices. Chaque année le scénario se répète. Les prix des produits de large consommation pendant le mois sacré du Ramadan connaissent une hausse vertigineuse. Chercher d'où vient la faille équivaut à chercher une aiguille dans une botte de foin car les acteurs impliqués dans les circuits de vente se renvoient la balle. Les détaillants accusent les grossistes, ces derniers, les mandataires aux halles et ainsi de suite, une chaîne interminable où les maillons sont enchevêtrés sans que l'on puisse démêler l'écheveau et identifier ceux qui tirent réellement les ficelles. Pour justifier ces pratiques, on parle en haut lieu de spéculateurs mais à aucun moment, on n'évoque la mise en place d'un dispositif pour réguler le marché et mettre fin à cette incurie qui n'a que trop duré. L'Etat semble en panne de solutions et la permissivité des lois donne libre cours aux tenants de l'économie de fixer les règles du jeu sans tenir compte du pouvoir d'achat. S'il est vrai que nous sommes loin de l'économie administrée et que les mutations économiques qui s'opèrent de façon aléatoire sont durement ressenties par les petites bourses, nombreuses même si on clame tout haut que personne ne meurt de faim en Algérie, il n'en demeure pas moins que le passage à l'économie libre se fait d'une manière sauvage et inappropriée. Selon certains observateurs, l'Etat ne doit pas se décharger de son rôle de régulateur pour justement ne pas laisser la spéculation s'ériger en loi du marché et éviter qu'il y ait une fracture entre les gouvernants et les gouvernés. Après tout, disent-ils, le principe de la bonne gouvernance est celui qui consacre la protection et le bien-être des individus. Les services du ministère du Commerce viennent d'innover en mettant à la disposition des consommateurs une mercuriale des prix des produits de large consommation Mais cette démarche n'a pas l'intention de jouer un rôle autre que celui d'être établie uniquement à titre indicatif. C'est ce que nous avons appris auprès d'un responsable au niveau du ministère du Commerce qui ajoute: «La mercuriale des prix sera quotidienne afin d'informer les citoyens sur l'évolution des prix des fruits, des légumes, des viandes et autres. C'est un effort que nos services extérieurs ont fait à titre informatif.» Selon la grille dressée, hier, par ces services, les viandes rouges ovines sont affichées au détail dans le centre du pays à 790 da le kg et à 745 da à l'ouest. Le prix des viandes blanches au détail dans la région du centre est de 225 da le kg, et 260 da le kg dans l'ouest, quant au prix des oeufs, il varie entre 6 et 8 da l'unité à travers le territoire national. Les produits d'épicerie s'affichent au détail à 275 da le kg pour le café dans le centre et à 235 DA dans l'ouest, à 39 DA le kg dans le Centre et 40 dans la plupart des autres régions pour le sucre. Le prix de la pomme de terre coûte au détail 30 DA le kg au centre, et 34 DA au sud, alors que la courgette se vend à 58 DA le kg au centre et 45 DA à l'ouest du pays. Le prix des fruits frais tels que les dattes s'affiche au détail à 221 DA le kg au centre et 140 DA au Sud. Cependant, au-delà de cette initiative qui reste louable, le problème, est que cette mercuriale n'est pas complètement fiable. On se demande d'ailleurs sur quelle base elle a été établie, puisqu'il est quasiment impossible de voir des prix fixes dans le même marché et encore moins dans la même ville. A titre d'exemple, la courgette a atteint, hier, dans un marché de Kouba, le prix de 80 DA. Le poivron est à 70 DA, la tomate à 60 DA. Quant à la viande, elle connaît une hausse à l'instar des autres produits. La viande ovine est à 950 DA, le poulet est cédé à 290 DA. Nous avons cherché désespérément cette fameuse viande fraîche importée à 500 DA, elle est introuvable sur les étals à moins qu'elle soit vendue en la faisant passer pour la viande locale. Toujours est-il qu'en attendant, nos citoyens se rabattent sur la viande congelée qui est cédée à 400 DA. Et là encore, il faut avoir le souffle long et faire la tournée des bouchers spécialisés. Cette dernière n'échappe pas non plus aux fluctuations. Il suffit de faire une virée dans les marchés pour prendre conscience du décalage qui existe entre le discours lénifiant et rassurant des autorités et celui de la réalité de nos marchés s'agissant des prix affichés qui différent d'un quartier à un autre voire d'un marchand à un autre. On a beau invoquer la sacro-sainte qualité qui détermine la nomenclature des prix, on ne peut que constater de visu, que pour le même produit, l'écart peut atteindre jusqu'à 30 DA d'un étal à un autre. Il est quasiment impossible de voir un alignement des prix, au moins pour ce mois. Les cours officiels des denrées sont impossibles à respecter et il est difficile pour le consommateur de rechigner ou de rouspéter pour exiger de ne pas être pris pour un pigeon avec la bénédiction de l'Etat qui est totalement absent. «Nous ne pouvons intervenir que sur le défaut d'affichage et sur la qualité, le reste, c'est le marché qui le décide», nous a déclaré un responsable. Le citoyen est ainsi fixé, le diktat des commerçants et des spéculateurs de tout acabit a encore de beaux jours devant lui.