Duel à distance entre le FLN et le RND Saâdani et Ouyahia semblent courtois l'un vis-à-vis de l'autre, mais sous cette apparence gît une vraie guerre de leadership. Dans un long entretien qu'il a accordé au journal arabophone Echourouk mardi dernier, Ahmed Ouyahia a vigoureusement réitéré son appel à la constitution d'un pôle politique pour faire face à l'opposition et, comme l'a expliqué Seddik Chihab dans une déclaration à L'Expression, «échanger et se concerter sur les actions à mener à court, à moyen et à long terme». De plus, comme pour conjurer le sort, Ahmed Ouyahia a démenti un quelconque rejet de son initiative de la part du patron du FLN qu'il qualifie, à l'occasion, de «frère». «Mon frère et collègue Amar Saâdani n'a pas rejeté notre proposition, mais a formulé des réserves», a-t-il dit. Néanmoins, face à la retenue et au ton diplomatique d'Ahmed Ouyahia, c'est plutôt un volcan, même petit, qui s'est mis en éruption. Car, à peine quelques heures après avoir exprimé ce point de vue, Ouyahia a eu droit à une réponse très inélégante de la part de «son collègue et frère». En effet, interrogé par El Khabar, le secrétaire général du FLN n'est pas allé par quatre chemins pour dire à son homologue du RND ce qu'il pense de son «offre». «Nous, au parti du Front de libération nationale, nous avons un programme et un projet propres à nous. Chaque parti fonctionne selon ses valeurs et les aspirations de ses cadres et militants. Moi j'ai dit que toute proposition mérite d'être débattue pour que l'on puisse relever ses avantages et ses inconvénients... Seulement, le FLN a déjà eu une expérience dans ce type de cadre et n'a pas été bénéfique pour nous. L'Alliance présidentielle n'a apporté aucun plus au FLN. On était la majorité mais c'étaient les autres qui avaient dirigé le gouvernement» a-t-il déclaré, indexant le RND. Le rejet de la propostion du RND par le FLN est donc imminent. En effet, après avoir mis en avant la nécessité que le FLN soit «la locomotive» de la scène politique nationale, ce qu'il a obtenu haut la main avec l'adhésion officielle du Premier ministre à l'ex-parti unique, Amar Saâdani a complètement changé de discours et trouve désormais la mise en place d'un pôle regroupant les partis favorables au président Bouteflika, impertinente, voire sans nul apport pour le FLN. De plus, l'ex-président du Parlement trouve la logique de confrontation dans laquelle s'est foncièrement inscrit Ahmed Ouyahia, inféconde. «Si on veut vraiment aider le président, pourquoi limiter le nombre des partis soutenant le président? Pourquoi ne pas appeler à une coalition qui regroupe l'ensemble des partis et des associations qui soutiennent le président de la République et ce dans l'objectif, non pas d'entrer en confrontation avec l'opposition, mais dans le but d'engager un dialogue sérieux avec elle, pour la renforcer et non pas pour l'affaiblir et pour, enfin, chercher des alternatives communes avec elle?» s'est interrogé Amar Saâdani. Mais ce que le chef de file du FLN ne dit pas, c'est que, jusque-là, c'est en son propore nom qu'il s'exprime puisque, officiellement, le parti qu'il préside n'a pas encore mis en place un bureau politique. Décidément, l'apparente courtoisie qui caractérisait les propos de l'un vis-à-vis des positions de l'autre jusque-là commence déjà à voler en éclats pour laisser place à une véritable «guerre». Car, si Ouyahia garde toujours son sang-froid, ce n'est pas le cas du leader du FLN qui se permet même de remettre en cause l'initiative de son collègue de fond en comble, y compris le principe sur lequel elle repose, à savoir le soutien au président de la République. Ahmed Ouyahia et Amar Saâdani représentent-ils les porte-voix de deux centres d'intérêts en conflit? Pour certains observateurs de la scène politique nationale, ceci est évident. Compte tenu des données objectives du terrain, cette prise de bec par journaux interposés entre Ouyahia et Saâdani se limite à une simple rivalité entre les deux hommes, bien que l'idée selon laquelle on serait en train de mettre en mouvement une farce pour amuser la galerie en attendant que le souffle des partisans de la transition démocratique s'épuise, tienne aussi la route puisque, fondamentalement, le RND et le FLN, sont d'accord avec le président Bouteflika.