Ce n'est pas dans les salons feutrés de nos diplomates ou à travers les bruits des bombes que le commun des Américains a découvert l'Algérie. Il est parfois amusant d'entendre les Américains parler du peu qu'ils connaissent des autres parties du Monde, notamment l'Afrique du Nord. Il est souvent triste de constater que l'Algérie est l'un des pays africains qu'ils connaissent le moins. Beaucoup moins que l'Egypte, le Maroc, la Tunisie, la Somalie et même l'Ethiopie. La question: «connaissez-vous l'Algérie?» a été posée à des Américains résidant dans différents Etats, New York, Washington, Oregon, Missouri, Michigan, ou des villes comme Portland ou Seattle....Lisons leurs réponses: «Oui, je connais l'Algérie» répond fièrement Sarah Wolf, une des rares étudiantes américaines à maîtriser la langue française au département de journalisme de l'Université de New York. Et que connait-elle donc de l'Algérie? «Disons que c'est un aspect négatif. J'ai voulu suivre des cours de langue arabe, dit-elle, dans un pays d'Afrique du Nord et j'ai effectué des recherches sur Internet. Je n'ai rien trouvé sur l'Algérie. Aucune institution, aucun organisme ou autre ONG n'offre des cours de langue arabe. J'ai retrouvé, des organismes en Egypte et au Maroc mais absolument rien sur l'Algérie» regrette cette étudiante. Il a fallu pointer l'index sur le Nord-ouest de l'Afrique et indiquer à Patricia, préparant son master en communication à l'Université de New York, la position de l'Algérie sur la carte géographique. Stone, 74 ans, et qui coule paisiblement sa retraite sur l'Ile de Vachon, à une quinzaine de kilomètres de Seattle, a eu exactement la même réponse que Patricia, c'est-à-dire qu'elle ne sait même pas si l'Algérie est un pays asiatique ou africain. Un peu plus informé, Alain Fisco, vice-président du service marketing au Seattle Times sait tout juste que l'Algérie est située sur le continent africain. «Il m'arrive d'avoir quelques nouvelles, mais elles sont malheureusement mauvaises» répond, pour sa part, Eli Sanders, reporter à l'hebdomadaire The Stranger, un journal très populaire à Seattle. Curt Woodward, travaillant pour l'Agence américaine d'information AP à Portland, hoche la tête en esquissant un sourire pour dire qu'il n'a aucune idée sur l'Algérie. Jim Vasley, 65 ans, éditorialiste, 40 ans de journalisme, regrette de ne pas connaître l'Algérie et lâche timidement: «Je suis un peu confus car je dois avouer que je ne connais pas beaucoup de choses sur votre pays». Ce ne sont que les premières réponses. Elles ne révèlent pas ´´l'indigence intellectuelle´´ des Américains, mais la défaillance des Algériens dans l'art de faire connaître leur pays. Ce qui n'est pas le cas de nos voisins marocains plus présents et des Tunisiens, relativement agressifs sur le plan commercial. Et ce n'est pas dans les salons feutrés de nos diplomates ou à travers les bruits des bombes que le commun des Américains a découvert l'Algérie. La Bataille d'Alger, puis la musique raï et, à un degré moindre, l'art culinaire, sont les meilleurs ambassadeurs de l'Algérie aux Etats-Unis. A eux seuls, ces trois aspects de la culture algérienne ont fait ce que 40 ans de diplomatie n'ont pu réaliser. «La seule chose que je connaisse de l'Algérie est un très beau film qui s'appelle La Bataille d'Alger et que j'ai eu l'occasion de voir, il y a plus de deux ans» répond le jeune Levis, étudiant. C'est où l'Algérie? William Serrin, professeur de l'histoire du journalisme américain à l'Université de New York, une encyclopédie ambulante, connaît les moindres recoins de New York avec son histoire, anecdotes et dates en tête. Pour l'Algérie...pas grand-chose: «Comme la plupart des Américains, je ne connais presque rien de l'Algérie à part, bien sûr le film La Bataille d'Alger qui montre les vaines tentatives de la France pour sauver son empire» reconnaît-il sèchement. Son étudiante, Diedre, semble plus informée que lui à propos de l'Algérie: «Je sais que l'Algérie a été une colonie française et il y a eu des attentas à la bombe durant les années 90. Je sais également qu'elle a mené une guerre contre les fondamentalistes islamistes qui ont provoqué beaucoup de troubles». Il arrive que l'étudiante dépasse son professeur. Ce qui attire encore plus l'attention de Diedre à propos de l'Algérie, c'est la littérature: «Je sais également que l'Algérie est le pays de l'écrivain Albert Camus» dit-elle. Diedre souhaite visiter l'Algérie pour découvrir les cafés, les restaurants d'Alger, la vie nocturne et rêve de louer, durant son séjour, «une maison qui a vue sur la Méditerranée». Les Américains sont nuls en géographie, dit-on. Ils sont tellement nuls dans cette matière que lorsque les soldats US sont arrivés en Belgique durant la Guerre mondiale, ils se sont crus en France. C'est pour cette raison, raconte-t-on encore, que les frites, d'origine belge, s'appellent french-fries aux Etats-Unis. Voilà une injustice commise par les Américains. Mais le 11 septembre a amorcé une autre dynamique, notamment avec la guerre en Irak. La France ayant refusé de soutenir l'entreprise destructrice de l'administration Bush, les républicains ont décidé de punir la France de l'ex-président Chirac. Ils ont changé le menu au restaurant du Congrès. Depuis la guerre en Irak, les frites belges ne s'appellent plus french-fries mais free-fries (frites libres) et l'injustice historique a été ainsi accentuée. C'est ce que pensent, du moins, les républicains. Richard Read, éminent reporter à l'Oregonian, un quotidien de l'Etat de Washington, indique que l'appellation french-fries est due au fait que l'outil utilisé pour couper les frites à la forme d'un ´´f´´. Il convient de noter que Read a gagné le prix Pulitzer, la plus haute distinction dont peut se prévaloir un journaliste américain, pour un travail d'investigation sur les pommes de terre. Voila qui complique davantage la situation quant au niveau intellectuel des Américains. A en juger par les républicains, non seulement ils sont nuls en géographie, mais également en histoire. Cela étant, cette anecdote n'est pas pour justifier la méconnaissance de l'Algérie par le commun des Américains. Les Algériens défaillants La défaillance est à rechercher du côté algérien. Dispersée aux quatre coins de cet immense continent, la communauté algérienne n'a jamais pu constituer un groupe solide dans un pays où le communautarisme est pourtant très répandu. A cette défaillance, s'ajoute la faiblesse de l'action diplomatique de l'avis de plusieurs citoyens établis depuis des dizaines d'années aux Etats-Unis. L'une des rares tentatives de regrouper la communauté, non seulement algérienne, mais maghrébine, a été l'oeuvre d'un Tunisien résidant à Washington (voir encadré). Pour revenir aux Américains, quand ils veulent connaître et quand ils décident de le faire, ils le font avec sérieux. Persephonie, New-yorkaise, qui vient de terminer ses études étale ses connaissances sur ce pays de l'Afrique du Nord. Elle n'a aucune raison de décevoir car elle sort de Harvard. «J'ai découvert l'Algérie à travers les fragrances qui me parvenaient d'un café géré par des Algériens alors que je passais des heures à réviser et à préparer mes examens» se rappelle-t-elle. Elle se rappelle aussi des effluves dégagées par la chorba qu'elle dégustait dans le même café où elle a également goûté à la chakhchoukha. «C'est à la même place que j'ai découvert une belle musique algérienne qui s'appelle le raï». Persephonie a évidement visité l'Egypte et le Maroc, comme Diedre, elle rêve de visiter «l'Algérie ou est né Saint Augustin», elle est particulièrement attirée par «les trésors historiques que recèle l'Algérie».