Deux jours seulement après l'attaque qui a fait 32 morts et une centaine de blessés, les enquêteurs ont formellement établi que le «kamikaze» qui s'est fait exploser à Suruç était un jeune homme du sud-est de la Turquie La police turque a identifié un Turc de 20 ans comme l'auteur de l'attentat suicide meurtrier commis lundi à Suruç (sud), attribué au groupe Etat islamique (EI), alors que le gouvernement se réunit pour renforcer la sécurité à sa frontière avec la Syrie. «Nous confirmons sur la base des analyses génétiques pratiquées que l'auteur de l'attaque est un homme de 20 ans originaire d'Adiyaman», a déclaré un responsable turc sous couvert de l'anonymat. Le jeune homme, identifié sous les initiales S.A.A., a rejoint les rangs du groupe EI il y a deux mois seulement, a rapporté hier la presse turque. Lundi à la mi-journée, il a visé un groupe de jeunes militants de gauche, partisans de la cause kurde, qui désiraient participer à la reconstruction de Kobané. Située juste de l'autre côté de la frontière, cette ville syrienne a été largement détruite pendant la bataille qui s'est soldée en janvier par la victoire des Kurdes de Syrie sur l'EI. Mardi, le Premier ministre islamo-conservateur turc Ahmet Davutoglu, qui a attribué la responsabilité de l'attentat au groupe EI, avait annoncé qu'un «suspect» avait été identifié, sans toutefois préciser s'il s'agissait de son auteur ou d'un complice. Cet attentat est le plus grave commis en Turquie depuis 2013 et, si sa paternité était confirmée, il constituerait la première attaque suicide menée par l'EI sur son sol. Selon la presse, les autorités turques enquêtent sur d'éventuels liens entre l'attaque meurtrière de Suruç et un autre attentat qui avait fait 4 morts et plusieurs dizaines de blessés lors d'une réunion publique du principal parti kurde de Turquie le 5 juin dernier à Diyarbakir (sud-est), deux jours avant les élections législatives. Le quotidien Hürriyet a affirmé hier que le mécanisme de l'engin explosif était identique dans les deux cas et que les auteurs présumés de ces deux attaques avaient rejoint les rangs jihadistes au même moment. A la demande du gouvernement, un juge turc a par ailleurs interdit hier la diffusion sur Internet des images, souvent insoutenables, prises juste après l'explosion par les témoins, abondamment partagées sur les réseaux sociaux depuis deux jours. Cette mesure a ravivé chez les internautes les craintes d'un nouveau blocage de Twitter par le gouvernement islamo-conservateur turc, qui s'est attiré les vives critiques des défenseurs des libertés pour l'avoir ordonné à plusieurs reprises. Son Premier ministre, Ahmet Davutoglu, devait présider hier dans l'après-midi un conseil des ministres extraordinaire destiné, selon ses mots, à étudier un nouveau «plan d'action» antiterroriste, visant notamment à renforcer la surveillance de sa frontière avec la Syrie et d'y prévenir les mouvements des jihadistes. Cette réunion intervient alors que la découverte hier de deux policiers tués par balle dans une autre ville frontalière de la Syrie, Ceylanpinar (sud-est), a ravivé les craintes d'autres attaques. «Nous ne savons pas encore s'il y a un lien avec le terrorisme», a toutefois tempéré le gouverneur local, Izzetin Küçük. Depuis deux jours, les détracteurs du régime turc l'accusent d'être pour partie responsable des événements de Suruç, dénonçant sa mauvaise évaluation du risque jihadiste voire, pour les plus virulents, sa complaisance pour le groupe EI. Même si elle est membre de la coalition antijihadiste, la Turquie du président Recep Tayyip Erdogan est jusque-là restée l'arme au pied face aux jihadistes. Elle a notamment refusé d'intervenir en soutien des milices Kurdes de Syrie, par crainte de voir se constituer une région autonome hostile dans le nord de la Syrie. Depuis lundi, de multiples manifestations, toutes réprimées par la police, ont dénoncé dans plusieurs villes du pays la politique syrienne du gouvernement.