Chez les cambistes parallèles, la crise financière est un lointain souvenir. Dans le cœur de ces marchés, le manque de liquidités n'a jamais été un facteur déstabilisant ou une raison suffisante pour bouleverser la bourse des devises en Algérie. Avec la saison estivale, le mawssim du pèlerinage et des voyages organisés de la Omra du mois de Ramadhan, la disponibilité des devises dépasse pratiquement toutes les prévisions, même si l'offre et la demande augmentent substantiellement. Pour nos «experts» cambistes, s'il n'y a pas de crise de disponibilité, c'est grâce à la baisse notoire du nombre des opérateurs économiques spécialisés notamment dans l'importation et le négoce commercial. Une baisse due en grande partie aux conséquences prévisibles des nouvelles exigences imposées par la réglementation, notamment les nouvelles mesures d'augmentation de capital social pour certaines activités, les dispositifs fiscaux et parafiscaux, ainsi que le redéploiement douanier au niveau des ports et des aéroports. Or, pour beaucoup d'économistes, l'existence du marché informel de la devise est en grande partie la conséquence directe d'une politique timide de la part des pouvoirs publics. Toutes les mesures de régulation et d'assainissement prises par les gouvernements algériens depuis la première loi sur les «changes», promulguée en 1996, n'ont pas réussi à imposer les restrictions espérées. Les barons du marché continuent de dominer le secteur et résistent au fil des saisons aux lois et autres mesures, ainsi qu'aux réformes bancaires et financières. Car le marché est vraiment florissant. Selon certains chiffres, la masse des transferts de fonds de l'étranger par des nationaux est légèrement au-dessus de la valeur des investissements directs (IDE). Pour les spécialistes, les raisons de l'existence de ce marché informel de la devise sont étroitement liées à la nature même de notre économie, notamment dans ses volets de la politique de change officiel basé sur un contrôle drastique des mouvements des capitaux avec l'étranger et les hausses inflationnistes, ainsi que la dépréciation de notre monnaie nationale. En dépit des restrictions, ce marché n'a cessé de prospérer, trouvant dans les failles du système, les «zones grises» incontrôlables, invisibles aux pouvoirs publics. C'est ainsi que la croissance de la consommation a induit des importations illégales, sans facturation ou payements douaniers, comme le trabendo, la contrebande et les transferts illégaux de la devise, issue surtout du blanchiment de l'argent de la drogue à partir de l'Algérie vers des pays voisins, et qui est généralement injectée dans des opérations immobilières ou des circuits bancaires sans «traçabilité». De plus, cette situation est encouragée par l'apport considérable de notre émigration, qui rechigne à choisir les canaux bancaires, préférant «placer» leurs devises dans ces marchés informels pour plusieurs raisons, dont principalement le taux de change officiel moins attractif. Nos nationaux installés à l'étranger, notamment en Europe, ont transféré en 2008 (grâce à l'augmentation de la valeur des pensions de retraite) plus de quatre milliards d'euros, selon des estimations, dont la moitié a emprunté le chemin de l'informel. Pour nos banquiers les plus aguerris, la fin du marché noir de la devise exige de la part des autorités une politique agressive, des actions concrètes qui obligeraient les établissements bancaires et financiers à «gérer leurs propres risques contre les pertes», à moderniser les techniques financières dites «de couverture», bref à s'autonomiser en matière de récolte des devises à leur profit et non pas au profit de la Banque centrale. Evidemment, cela passerait également par des nouvelles réformes des textes actuels et la révision des dispositifs qui régissent les bureaux de change.