C'est la constance de la délégation algérienne et la poursuite de l'action armée qui ont arraché l'indépendance. Longues furent après les négociations d'évian qui ont mené à l'indépendance du pays. Les responsables français qui tergiversaient avaient buté sur un véritable os : la constance et la détermination de la délégation algérienne les ont déroutés. Très gênée, par ailleurs, par l'action armée de l'ALN et la diplomatie du gouvernement provisoire de la République algérienne, la puissance coloniale a usé de tous les subterfuges pour avoir raison du FLN. Peine perdue. Rédha Malek, un des acteurs de ce volet de notre histoire, a été invité jeudi dernier au forum d'El Moudjahid pour un témoignage sur les différentes étapes des pourparlers, des premiers contacts à l'indépendance de l'Algérie. Devant un parterre composé d'anciens moudjahidine, des membres de la Fédération de France, l'ambassadeur de Suisse et l'ancien président de l'APN Karim Younès, Rédha Malek a soutenu que les accords d'évian n'étaient pas le fruit du hasard. Le FLN, dira-t-il, pour situer le contexte du déroulement des négociations, représentait “le point culminant de la décolonisation” . Selon lui, le premier contact entre le Front de libération nationale et les responsables français a eu lieu dès les premières heures de la lutte armée. C'est au Caire qu'un certain Begarra, un pied-noir d'Oran, à l'époque conseiller de l'Union française (ce qui tenait lieu de Sénat), a tenté d'établir le lien avec Mohamed Khider qui lui avait signifié que “les Algériens n'avaient pas encore de doctrine de négociation”. Et qu'il devait aussi consulter “les gens de l'intérieur”. L'envoyé du gouvernement français n'en restera pas là. “Je suis prêt à aller négocier avec Krim au maquis”, s'était engagé Begarra devant Khider, raconte Rédha Malek, qui reviendra sur les différentes propositions de la France coloniale. Entre autres, le triptyque de Guy Mollet, à savoir l'arrêt de la guerre, l'organisation des élections puis la négociation avec les élus qui en sortiraient. Refus catégorique du FLN-ALN. La quatrième République tombe en 1958, arrivée du général De Gaulle, naissance de la cinquième République. Son artisan propose alors “la paix des braves”, une sorte d'amnistie générale destinée à ceux qui ont pris les armes pour arracher l'indépendance de leur pays. La tentative, dira Rédha Malek, a échoué car elle ne répondait pas à l'aspiration des Algériens. De Gaulle reviendra à la charge avec l'intention de court-circuiter le gouvernement provisoire pour aller négocier directement avec des chefs de zone ou de wilaya. L'initiative a eu quelque répondant. Des responsables de l'ALN ont été reçus à l'élysée contre le gré du GPRA. Mais, à leur retour, ils ont été condamnés par l'ALN, raconte l'invité du forum d'El Moudjahid qui affirmera qu'à travers ces événements le FLN a envoyé un message on ne peut plus clair à la puissance coloniale : “Il n'y aura pas de cessez-le-feu avant un accord général.” En juin 1960, indique le conférencier, les autorités françaises ont tenté encore une fois d'établir le contact avec les moudjahidine. Cela échouera également. “Le gouvernement français a envoyé une délégation qui ne maîtrisait pas la question algérienne. Elle a rencontré Ali Boumendjel et Benyahia.” Après cet échec, De Gaulle lâche du lest dans une conjoncture internationale très défavorable à la France. Il n'hésitera pas alors, selon Rédha Malek, à montrer sa volonté à faire plus de concessions. “De Gaulle ne voulait pas seulement un cessez-le-feu, mais plus” . En janvier 1961, il organise un référendum pour avoir plus de pouvoirs afin de mettre fin à la guerre. Les contacts secrets reprennent. La médiation a été assurée, dira le conférencier, par la fédération helvétique, et le contact fut Tayeb Boulehrouf qui y a joué un grand rôle. Deux conférences secrètes se déroulèrent par la suite en Suisse en février et mars 1961. Les préalables posés par la délégation française conduiront les négociations droit vers le mur. La question du Sahara continuera à entraver le chemin vers l'indépendance. La délégation algérienne quitte la table des négociations. Un retrait qui bousculera fortement l'intransigeance française ébranlée, par ailleurs, par la poursuite de la lutte armée que la délégation algérienne menée par Krim Belkacem ne veut pas abandonner jusqu'à l'indépendance. Trois ou quatre mois après, raconte Rédha Malek, De Gaulle affirme que “la question du Sahara ne pose pas de problème” . Les négociations reprennent en février 1962. Et le 18 mars à 5 heures, un accord est conclu ; il portera le nom de la ville à cheval entre les frontières franco-suisses où les négociations se sont déroulées : Evian. K. D.