L'affaire, menée par des virtuoses, s'est passée sans le moindre incident diplomatique avec N'Djamena. Le suspens est finalement levé sur le sort de l'un des terroristes les plus célèbres et les plus recherchés de par le monde. Les autorités algériennes, de l'avis de tous les observateurs, viennent d'enregistrer un nouveau succès dans leur lutte contre les islamistes armés en obtenant ce mercredi l'extradition de l'ancien numéro 2 du Gspc, Amari Saïfi, alias Abderrezak El-Para. «Amari Saïfi était détenu par les rebelles tchadiens du Mdjt dans le «no man's land» du Tibesti. Il a été extradé «mercredi par les autorités libyennes et remis à la police algérienne», a annoncé, ce jeudi, le ministère algérien de l'Intérieur dans un laconique communiqué. Celui-ci ajoute que «dans le cadre de la coopération algéro-libyenne en matière de sécurité et de lutte antiterroriste, le dénommé Amari Saïfi, dit Abderrezak El-Para, a été extradé le mercredi 27 octobre 2004 par les autorités libyennes et remis à la police judiciaire algérienne. Amar Saïfi a été intercepté en Libye à proximité de la frontière tchado-libyenne, il est poursuivi en Algérie pour plusieurs crimes terroristes qu'il a commis ou commandités depuis 1992». Nous n'en saurons pas plus officiellement dans l'état actuel des choses, tant le dossier est d'une sensibilité extrême, même si le communiqué laisse entendre qu'El-Para se serait échappé avant de tomber entre les mains des gardes frontières libyens à leurs frontières avec le Tchad. L'exploitation qui sera faite des éventuelles informations détenues par ce terroriste peut servir à sauver des milliers de vies et à éviter des dizaines de drames un peu partout dans le monde. L'opération, croit-on savoir, s'est déroulée de bout en bout sous les auspices des services secrets libyens. Ces derniers, qui maintiennent d'étroits et discrets contacts avec ce mouvement, qui contrôle une partie du nord de ce pays, auraient sans doute agi avec l'accord des plus importantes capitales occidentales. El-Para, qui se trouvait en contact direct et permanent avec le second de Ben Laden, est le représentant personnel d'Al Qaîda pour la zone maghrébine et sahélo-saharienne. Cette nébuleuse terroriste planétaire projetait de se redéployer dans ces zones difficiles à contrôler après la chute des bastions afghan et soudanais. El-Para représente une véritable mine d'informations pour l'ensemble des pays qui font face à des menaces d'attaques terroristes. Alger, donc, n'a jamais mieux mérité son surnom de capitale de la lutte contre ce fléau. Nul doute, donc, que les regards seront tous braqués sur nous à partir de cet instant. Cela, même si la coopération et les échanges d'informations se feront dans la discrétion la plus absolue. Amari Saïfi, lui-même, arrivé sans que personne n'en sache rien, est détenu dans un lieu maintenu secret. La même méthode a été utilisée par les Américains en extradant Khaled Cheikh Mohamed, numéro 3 d'Al Qaîda, arrêté en 2002 au Pakistan. Le président Bouteflika, visiblement satisfait de la tournure qu'ont pris les événements, tout à l'avantage de notre pays, a eu l'élégance d'effectuer une visite-éclair en Libye dans le but de les remercier pour avoir négocié en lieu et place des Algériens. Un incident diplomatique, vite contenu, avait éclaté auparavant entre Alger et N'Djamena à la suite d'une déclaration faite par notre ministre concernant de supposées tractations avec les ravisseurs. Par la suite, le chef de la diplomatie algérienne a constamment confirmé l'existence de contacts, mais uniquement avec des Etats légaux et reconnus par l'ONU. Nous apprenons dans la foulée, de sources proches de ce dossier sensible, qu'aucune rançon n'a été payée. Le Mdjt, qui espérait avec ce coup de filet bénéficier au moins de quelque reconnaissance internationale, en est resté pour ses frais. L'ancien lieutenant de Hassan Hattab, le fondateur du Gspc en 1998, était détenu depuis mars dernier par les rebelles du Mdjt. Il fuyait la traque des services de sécurité algériens depuis l'affaire des touristes européens enlevés dans le Sud algérien en 2003. El-Para, qui contrôlait la zone aurésienne, et qui se trouve derrière l'attentat de 2002 qui avait coûté la vie à 40 membres des forces spéciales algériennes, était allé prêter main-forte à Mokhtar Belmokhtar auteur de l'enlèvement. El-Para a par la suite tenté de recruter des éléments et d'acheter des armes avec l'argent de la rançon en se déployant, suivant les ordres de Zawahiri, dans la région sahélo-saharienne. Il devait financer toutes ces actions avec les produits de la contrebande, dans laquelle excelle Belmokhtar, connu de toutes les tribus de la région. Accroché une première fois par les forces tchadiennes régulières, il y a laissé plus d'une dizaine de morts, avant de «décrocher», sans vivres, sans armes et sans eau jusqu'à tomber sur des patrouilles du Mdjt. Les forces et les services de renseignement algériens avaient joué un rôle déterminant dans la localisation du groupe El-Para d'abord, et sa partielle neutralisation ensuite. Sa trace, toutefois, en avait été perdue une fois entré dans le no man's land du Tibesti. Ex-parachutiste déserteur de l'ANP, Abderrezak El-Para, de mère française, a fait partie des forces spéciales algériennes, ce qui lui a permis de mener de nombreux attentats dans le sud-est algérien. Le Gspc, est-il besoin de le rappeler, avait menacé de représailles le Mdjt à la mi-octobre, l'enjoignant de «libérer immédiatement et sans conditions le frère Abderrezak». L'extradition de cet homme et son interrogatoire de la part d'hommes qui connaissent parfaitement le mouvement terroriste constitue un coup terrible, peut-être fatal, à la branche algérienne d'Al Qaîda. Les capitales occidentales, elles aussi, doivent être à l'affût de la moindre bribe d'information qui viendrait d'Alger. Les choses sérieuses ont commencé...