Persistant à vouloir juger à Alger ce terroriste, Ouyahia dément l'existence de contacts avec le Mdjt. La récente sortie de Zerhouni à propos de l'extradition vers Alger d'El Para a éclaté comme un coup de tonnerre dans le ciel tchadien. Réagissant au quart de tour aux révélations faites par notre ministre de l'Intérieur sur l'existence de contacts entre les autorités algériennes et le mouvement rebelle Mdjt (Mouvement pour la démocratie et la justice tchadien) afin d'obtenir l'extradition d'Abderrazak El Para, de son vrai nom Amari Saïfi, le ministère tchadien des Affaires étrangères a convoqué hier l'ambassadeur d'Algérie à N'Djamena pour lui signifier la «désapprobation» du Tchad. Des sources diplomatiques tchadiennes ont souligné, hier à la suite de cette convocation, avoir «convoqué l'ambassadeur d'Algérie au Tchad pour lui signifier (leur) désapprobation et (leur) surprise face à cette attitude», qualifiée d'«inamicale». C'est, du moins, ce que rapporte l'Agence de presse française, citant le ministre tchadien de la Communication, Moctar Wawa Dahab, qui assure l'intérim de son collègue des Affaires étrangères en déplacement à l'étranger. «Nous protestons contre cette manière de faire, surtout de la part d'un pays ami avec qui nous entretenons de bonnes relations», s'est indigné le ministre tchadien qui ajoute qu'«il est inadmissible qu'un pays ami puisse traiter derrière notre dos avec une opposition armée». Il ne fait aucun doute que l'incident diplomatique, frôlé entre ces deux pays dont le bon voisinage n'a jamais fait défaut, saura trouver une issue favorable dans un très proche avenir. C'est ce qu'ont tenté de démontrer, en tout cas, des sources diplomatiques algériennes jointes hier par téléphone et dont le principal objectif a été d'atténuer la teneur de cette convocation. «Il s'en produit assez souvent de par le monde, sans que cela ne prête véritablement à conséquence», nous a-t-on notamment dit. Il est à rappeler que tout a commencé lorsque le ministre de l'Intérieur algérien, Nouredine Zerhouni, avait répondu à une question relative à ce sujet en indiquant qu'Alger aurait entamé des discussions avec le mouvement rebelle qui cherche à renverser le régime de N'Djamena, aux fins d'obtenir «l'extradition» d'un groupe de terroristes algériens, conduits par El Para, coupables de l'enlèvement de 32 touristes européens en 2003. Une première opération menée par les forces spéciales algériennes dans l'extrême Sud algérien avait permis de libérer une partie des touristes, éliminant le groupe qui les retenait en otage. Le second, conduit par El Para, descendu des Aurès en renfort à Mokhtar Belmokhtar, a réussi à passer la frontière, abandonnant en route une touriste allemande décédée de soif et d'inanition, avant de se réfugier au Niger et de libérer les autres «détenus» contre une forte rançon payée par Berlin. L'argent, du reste, a servi à payer de l'armement lourd et léger que des groupes terroristes avaient tenté d'acheminer vers les maquis du Nord, au début de cette année, avant d'être interceptés et éliminés par les troupes de l'ANP, toujours sur le qui-vive. Le périple d'El Para, sur qui pesait désormais un mandat d'arrêt international a fini par le mener au Tchad où des phalanges du Mdjt l'ont intercepté, en compagnie de certains de ses lieutenants, avant de l'identifier formellement. Partant de ces affirmations, il était normal qu'Alger essayât de le récupérer dans le but de lui soutirer de précieuses informations devant lui permettre de démanteler pas mal de maquis et, partant, de sauver des vies. La rumeur va jusqu'à dire qu'El Para aurait été livré à Alger grâce à une discrète mais efficace médiation libyenne. Il est toutefois impossible de vérifier une pareille information, tout simplement classée dans le registre du secret-défense, à un moment où tout nouveau pas risquerait d'envenimer plus encore les relations entre Alger et N'Djamena. C'est pour cette raison, du reste, que le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, a profité de sa présence à la cérémonie de clôture de la session de printemps de l'APN pour atténuer les propos de son ministre de l'Intérieur. Il a, de ce fait, «démenti catégoriquement l'existence du moindre contact entre les autorités algériennes et un quelconque mouvement de rébellion armée tchadien». Le démenti paraît d'autant plus plausible que ce serait en effet les Libyens, habitués à ce genre de démarches, qui auraient joué le rôle d'intermédiaires, évitant ainsi à Alger tout contact direct avec le Mdjt, allant même jusqu'à acheminer les prisonniers par voie terrestre jusqu'en Libye avant qu'un avion militaire ne les achemine vers Alger. La preuve qu'Alger garde pleinement confiance en ses capacités dans ce bras de fer diplomatique avec le Tchad c'est que même si Ouyahia opère un certain recul destiné à sauver les apparences, il n'en persiste pas moins à soutenir que «le dénommé Amari Saïfi sera jugé à Alger». Cette assurance n'est, certes, pas démentie par les demandes instantes de Washington pour qu'El Para soit extradé puis jugé en Algérie. Il est vrai que notre pays, régulièrement sollicité par les services spéciaux occidentaux, n'a plus rien à prouver en matière de lutte antiterroriste, et est le plus apte à capitaliser une «prise» aussi importante, à savoir le numéro 2 du Gspc, un groupe connu pour ses accointances avec Al Qaîda d'Oussama Ben Laden.