De mémoire de l'histoire des élections américaines, un scrutin n'a été aussi serré et incertain. Hier, les Américains se sont rendus dans les églises, les écoles, et autres lieux réservés pour le vote afin d'élire le président des Etats-Unis. Le premier bureau de vote a ouvert à 5h GMT dans le petit village de Dixville Notch dans le New Hampshire (nord-est) où le président sortant Bush, a remporté l'élection, qui a une valeur symbolique, par 19 voix contre 7 son rival J. Kerry. Les quelque 156 millions d'Américains sont appelés donc à trancher qui du démocrate John Kerry, 60 ans, ou du républicain George Bush, 58 ans, sera le 44e président qui occupera la Maison-Blanche. Les Américains pourraient avoir à attendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines pour connaître le nom du vainqueur de cette présidentielle. Après une dernière tournée-marathon avant-hier, dans six Etats, pour la plupart dans le Midwest et l'Ouest: Ohio, Pennsylvanie, Wisconsin, Iowa, Nouveau-Mexique et enfin Texas, le président sortant Bush s'est reposé dans son ranch de Crawford (Texas). Il a voté, hier matin, à la caserne des pompiers de cette bourgade texane avant d'effectuer une dernière visite électorale dans l'Ohio à la mi-journée, puis regagner la Maison Blanche en soirée. John Kerry a également parcouru à un rythme effréné l'Amérique lundi, s'arrêtant six fois dans quatre Etats jugés indécis: Ohio, Wisconsin, Floride et Iowa. Il a passé quelques heures de repos dans le Wisconsin et a regagné tôt hier, Boston, la capitale du Massachusetts, dont il est sénateur pour un dernier meeting électoral. Le sénateur Kerry a voté à la mi-journée à Boston où il attend les résultats. Extrêmement polarisé, le scrutin illustre la fracture qui scinde l'Amérique en deux depuis le début d'une campagne dominée par l'aspect sécuritaire et par le sujet de la lutte contre le terrorisme. Des morceaux qu'il ne sera pas facile au futur locataire de la Maison Blanche de recoller facilement. En attendant, le scrutin intervient dans un contexte très particulier. De mémoire de l'histoire des élections américaines, un scrutin n'a été aussi serré. Jusqu'au dernier moment, les deux candidats ont été ex aequo dans les sondages après huit mois de campagne électorale harassante. Pour la première fois depuis 32 ans, l'élection se déroule alors que les Etats-Unis sont en guerre. Elle regorge d'inconnues et de questionnements. Comment voteront les millions de nouveaux électeurs inscrits depuis le dernier scrutin? Quel impact aura le conflit en Irak et la mort quasi-quotidienne de soldats américains dans cette guerre? L'irruption d'Oussama Ben Laden via une cassette vidéo sert-elle l'un des deux candidats? Comment sera le monde et que deviendra l'Amérique avec Bush? Le système électoral américain est-il toujours fiable? Cette dernière question suscite de plus en plus le débat au sein de la presse, des milieux politiques américains et des observateurs étrangers. «Il n'y a pas une élection américaine, il y a 13.000 élections américaines», a commenté Ron Gould, un expert canadien membre d'une délégation de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (Osce) présente à Miami (Floride, sud-est) en tentant d'expliquer la difficulté de cette élection, qui verra aussi se renouveler la totalité de la Chambre des représentants et un tiers du Sénat, ainsi que des votes multiples au niveau local. A ces questionnements et incertitudes, il faut ajouter la crainte de la répétition de l'épisode du recomptage des voix. La multiplication de plaintes en justice pour irrégularités, bien avant le jour du vote, notamment dans l'Ohio et en Floride, deux Etats indécis qui vont peser lourd dans le choix final, fait redouter de nouveaux cafouillages. L'épisode de 2000 quand les recomptages en Floride ont retardé de 36 jours la désignation du vainqueur est toujours présent dans l'esprit des Américains. Le taux de participation est aussi l'une des grandes inconnues de cette élection, qui passionne et tient en haleine de nombreux pays, mais il devrait être plus important qu'en 2000 (106 millions de votants) selon les estimations des spécialistes.