Le chef de la diplomatie iranienne, Mohammed Javad Zarif, reçu par le Premier ministre libanais, Tammam Salam L'Iran qui reproche vertement à la Turquie d'alimenter les rebelles et l'EI en armes va de plus en plus avoir les coudées franches pour un soutien résolu à son allié de toujours. Surprenante décision que celle du ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, qui a «reporté» la visite officielle prévue mardi dernier à Ankara, pour des motifs non explicités mais qui se rapportent sans nul doute aux divergences exprimées publiquement par l'Iran et la Turquie sur le traitement de la crise syrienne. Téhéran, parvenu à un accord définitif au terme des longues et fastidieuses négociations sur le nucléaire avec les puissances occidentales conduites par les Etats-Unis, se tourne vers le dossier syrien qui constitue une pierre angulaire de sa stratégie dans la région. Outre la nécessité de sauvegarder son allié syrien et le Hezbollah libanais devenu partie prenante du conflit entre Damas, d'un côté, et les forces antagonistes de Daesh et des rebelles anti-Assad de l'autre, Téhéran entend peser fortement sur l'échiquier politique, militaire et énergétique qui prévaut dans le Golfe où la menace de l'Etat islamique a permis toutes sortes de manoeuvres, plus sournoises les unes que les autres. Si les autorités turques se sont empressées de préciser que ́ ́cette visite a été reportée à une date ultérieure ́ ́ et si Téhéran s'est gardé de faire référence à une quelconque tension diplomatique ou contre-temps, on sait que la rencontre prévue entre Mohammad Javad Zarif et son homologue turc Mevlüt Cavusoglu intervenait dans un contexte de violences impliquant à la fois les rebelles kurdes du PKK et les éléments de l'organisation de l'Etat islamique (EI). Le ministre iranien a vivement critiqué la politique de Washington au Moyen-Orient ces dernières semaines, sachant que la Turquie en est un allié des plus fidèles et qu'elle a tout récemment ouvert deux de ses bases à l'aviation US pour bombarder les positions de Daesh en Irak? mais aussi en Syrie. Or, depuis plus d'un an, ces bombardements n'ont en rien altéré les capacités de nuisance de l'EI, au contraire, ils ont surtout permis de détruire de fond en comble l'Etat syrien réduit à quelques bastions et à la capitale Damas. Mesurant la situation dramatique de son allié traditionnel, l'Iran entend peser de tout son poids, avec l'appui de Moscou qui s'efforce également de sceller un gouvernement syrien d'union nationale dans lequel le régime de Bachar el Assad aurait un rôle et une place essentiels, pour sortir du bourbier actuel. L'enjeu est crucial puisque l'autre allié dans la région, le Hezbollah libanais, mobilisé aux côtés de Damas, se retrouve lui aussi dans une mauvaise passe à cause des coups de boutoir que l'ennemi israélien s'emploie à lui asséner, profitant d'une conjoncture aussi favorable. L'Iran qui reproche vertement à la Turquie d'alimenter les rebelles et l'EI en armes et nouvelles recrues venues combattre le régime d'El Assad va, de plus en plus, avoir les coudées franches pour un soutien résolu à son allié de toujours. C'est en ce sens que les dernières déclarations de Zarif sur l'importance stratégique du Hezbollah et sur la présence non négociable de Bachar el Assad dans la solution politique syrienne revêtent une signification majeure. Ni Téhéran ni Moscou ne se font aucune illusion sur les tenants et les aboutissants d'un conflit qui a disloqué l'Irak et la Syrie au profit d'un Israël ouvertement agressif et de plus en plus arrogant. Mais il faut sauver ce qui peut l'être et sur ce plan l'Iran a des priorités plus contraignantes que celles de la Russie, menacé directement à ses frontières par le terrorisme. En se rendant au Liban, «allié stratégique dans cette crise syrienne», puis hier à Damas, Zarif cherche d'abord à éprouver la validité d'un plan de sortie de crise qu'il entend présenter prochainement au secrétaire général de l'ONU. L'heure des grandes manoeuvres a bel et bien commencé pour Téhéran.