Déçu, le grand argentier du pays compte s'en remettre au conseil du gouvernement mais aussi au président de la République. Visiblement satisfaits «de la victoire relative» qu'ils ont remportée il y a deux jours à l'hémicycle, les députés estiment qu'ils ont défendu les intérêts du peuple. Ils affirment que la déclaration de Benachenhou selon laquelle il va s'en remettre au conseil du gouvernement pour examiner «les conséquences de ce vote» ne les concernent en rien. «S'il veut s'en remettre au conseil du gouvernement, c'est son problème» déclare Layachi Daâdoua, chef du groupe parlementaire du FLN, pour qui la loi de finances 2005 «est extraordinaire sur plusieurs plans : elle encourage l'investissement, elle augmente le budget de l'Etat et porte la croissance à 4%, ce qui est un pas positif vers la concrétisation du programme du président de la République». «En tant que députés, nous croyons à la séparation des pouvoirs, d'une part et de l'autre nous avons jugé que certaines augmentations contenues dans cette loi n'arrangent pas le citoyen que nous sommes en devoir de défendre.» Une pareille position, venant de la part d'un parti majoritaire au Parlement et présent en force dans la coalition gouvernementale, renseigne assez sur le malaise qui a gagné les rangs de ce regroupement politique. Un homme comme Benachenhou semble véritablement trancher dans le décor. Un important député du MSP, membre de la commission des finances, Fateh Guerd, déclare qu'il ne peut pas faire de lecture ni de commentaire sur une réunion qui concerne en premier lieu le gouvernement mais «tout comme le gouvernement a le droit de défendre sa loi, les députés ont le devoir de défendre les intérêts du peuple qui les a élus». Pour lui les amendements des députés ont «permis d'alléger la charge sur les populations tout en gardant les équilibres financiers du pays». Le parti de Djaballah qui s'est abstenu au vote de cette loi n'en est pas moins satisfait. «Les députés ont opté pour un vote de représentation qui concrétise la volonté populaire et non un vote politique, ce qui est un grand acquis», a affirmé Miloud Kadri, chef du groupe parlementaire d'El Islah. «Nous avons refusé de voter cette loi car il a été refusé d'adopter le prix référentiel de 22 dollars que nous avons proposé de même que l'embellie financière ne se répercute pas sur le quotidien du citoyen.» Ayant adopté la même position qu'El Islah, le groupe parlementaire du Parti des travailleurs s'est félicité, dans un communiqué diffusé hier, suite au rejet de «certaines mesures anti-populaires et d'autres qui ont été amoindries». Fidèle à sa position, le PT a pris à témoin «l'immense majorité du peuple algérien et clairement averti des dangers qu'encourt la nation algérienne en conséquence de cette loi de finances au service des multinationales». Le ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, s'est montré déçu par les principaux amendements apportés au projet de loi de finances pour 2005 adopté par les députés, avant-hier à l'APN. L'article 50 du projet de loi de finances 2005 portant abrogation de l'article 46 de la loi de finances 2004, qui a instauré «l'interdiction de l'importation des vins de toute nature» a complètement désarçonné le grand argentier du pays. Interrogé sur l'impact que pourrait avoir cette mesure sur les négociations d'adhésion de l'Algérie à l'OMC, M.Abdelatif Benachenhou, ministre des Finances, a estimé qu'elle allait «à l'encontre des engagements internationaux de l'Algérie», ajoutant que «le gouvernement se réunira prochainement pour étudier les conséquences de ce vote». Il ressort que les députés ont été globalement satisfaits de leur comportement face à une loi de finances qui a suscité l'une des plus grandes polémiques. Les spéculations ont été telles que plusieurs scénarios catastrophe ont été prédits. L'éventualité d'une dissolution de l'APN, une rupture entre Ouyahia et son ministre des Finances, un complot fomenté par le RND pour enfoncer le FLN... Reste, pour paraphraser un Benachenhou, mis en «déroute» par le Parlement, à voir venir les conséquences d'un pareil vote-sanction quelques jours à peine après le passage historique de Bouteflika par l'APN, durant lequel il avait exhorté les représentants du peuple à le soutenir dans ses «réformes».