Bab El Oued offre aujourd'hui un autre visage. Les décombres et les millions de tonnes de boue ont cédé la place à des espaces verts et des terrains de sport. 773 morts, 53 disparus, des dizaines de milliers de DA de dégâts, tel est le bilan de cette sinistre journée du 10 novembre 2001. Les pluies torrentielles, atteignant les 290 mm, ont dévasté une partie de l'Algérois. Bab El Oued a été la plus affectée par ces intempéries. Trois ans après, le souvenir est intact et pour que nul n'oublie justement, la stèle commémorative érigée au coeur de ce quartier populaire, précisément à la rue Rachid Kouache, est là pour témoigner du drame. Et puis, il y a aussi les pluies qui se sont abattues ces derniers jours sur la ville, qui se sont chargées de rafraîchir les mémoires les plus amnésiques. «Trois ans déjà», une phrase qui revient dans la bouche des citoyens. Pour la majorité des familles des victimes, le deuil est fait, mais pour d'autres, une quarantaine au total, la page est loin d'être tournée. Eux ce sont les familles des disparus. Leur sort est tracé par la loi qui les déclare décédés quatre mois après leur disparition (ordonnance n° 02-03 du 25 février 2002), mais l'espoir aussi ténu soit-il, de les retrouver demeure présent chez ces dernières. «Un espoir légitime», selon les psychologues qui estiment «qu'aucune thérapie ne pourra soulager leur peine tant qu'elles ne sont pas passées par la période de deuil». Bab El Oued offre aujourd'hui un autre visage. Les décombres et les millions de tonnes de boue ont cédé la place à des espaces verts et des terrains de sport. 17 murs de soutènement, ont été, par ailleurs érigés pour protéger le quartier en cas de catastrophe. Mais trois ans après a-t-on appris la leçon? L'optimisme a été nourri deux ans, durant, mais le séisme du 21 mai 2003 qui a ébranlé la ville de Boumerdès a fini par éteindre l'infime espoir. Le pays renoue avec les catastrophes, le deuil et les dégâts. l'Algérie est classée zone à risque, confrontée donc aux phénomènes de crues, d'inondations et de séisme. En dépit de ce danger potentiel, le nombre des constructions dans les zones inondables ne cesse d'augmenter. Selon les informations fournies par le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales, ce chiffre avoisine les 30.000. La capitale se taille la part du lion avec 14.445, suivie de Aïn Defla avec 7.772 logements. Après le séisme de Chlef le 10 octobre 1980, la volonté de prendre en charge cet aspect par les autorités publiques, s'est manifestée. «Mais cette prise de conscience demeure paradoxalement sans écho», précise M.Abdelhamid Boudaoud, président du collège national des experts en architecture, qui ajoute que «l'Etat a une grande part de responsabilité» dans la catastrophe de Bab El Oued en autorisant notamment la construction du marché de Triolet, et l'érection de villas sur le lit d'un oued. Autre détail, «la plupart des cités construites après l'indépendance l'ont été sans permis de construire» précise notre interlocuteur. Afin de pallier cette situation, des mesures plus restrictives pour lutter contre les constructions illicites sont proposées par le gouvernement. L'Etat compte se désengager aussi de la reconstruction des sites sinistrés. Dans un autre chapitre, l'Etat est en train de réviser sérieusement son mode d'intervention en cas de catastrophe naturelle, en mettant en oeuvre un nouveau système d'assurance des risques naturels qui a fait l'objet d'un décret exécutif, paru le 1er septembre 2004. Un texte qui vise à redéfinir les parts supportées par la collectivité nationale, d'une part et les personnes exposées d'autre part dans le coût de la catastrophe. «L'Etat ne peut plus supporter seul les dommages aux biens collectifs survenus, après chaque catastrophe naturelle, qui sont réparés exclusivement par un financement public», selon M.Hadj Mohamed Seba, directeur des assurances au ministère des Finances. Plus de 100 milliards de DA ont été débloqués à la suite des inondations de Bab El Oued, 145 à Boumerdès. Selon la même source, les dépenses des ménages algériens en produits d'assurance représentaient en 2002, à peine 0,48% de leurs dépenses globales. «Ce qui est inadmissible».Les nouvelles mesures ont un caractère obligatoire. «Les personnes ne souscrivant pas à ce système risquent de ne pas bénéficier de l'aide publique», précisent les responsables de la caisse nationale des assurances. Les instruments législatifs et réglementaires, mis au point, seront-ils en mesure de protéger le pays contre la colère de la nature?