L'ombre d'un échec annoncé commence à envahir la scène C'est ce qui a conduit l'Algérie à monter au créneau et voler au secours du médiateur de l'Onu en exprimant son attachement, partagé lundi par le Mali au terme de la visite du président Keita, à la stabilité de la Libye. L'émissaire de l'ONU pour la Libye, Bernardino Leon, a tenté mardi à Istanbul de convaincre le Congrès général national (CGN, ex-Parlement libyen de Tripoli) de participer au prochain round de pourparlers à Genève les 3 et 4 septembre, en vue de mettre fin à la crise politique et sécuritaire dans ce pays. L'ombre d'un échec annoncé commence à envahir la scène dès lors que l'initiative onusienne menée depuis janvier 2015, avec comme objectif de réunir le maximum d'acteurs de la crise pour mettre fin aux affrontements entre les milices et groupes armés rivaux, semble sans cesse se heurter à un «peut-être oui, peut-être non». Le pays est toujours divisé en deux gouvernements rivaux, l'un basé à Tripoli et soutenu par la coalition de milices «Fajr Libya», en grande partie islamistes, et le second reconnu par la communauté internationale et retranché à Tobrouk, dans l'est du pays. Avec pour nouvelle donne depuis plus d'une année, une montée en puissance des groupes se réclamant de l'Etat islamique qui contrôle la région de Syrte. Tout le monde s'accorde à dire que seule une solution politique serait à même d'enclencher un impact durable sur la stabilité du pays, et la mission des Nations unies travaille à une médiation dont l'objectif primordial est la création d'un gouvernement d'unité nationale. Après l'impasse de la réunion de Genève en juillet dernier, Bernardino Leon s'efforce encore de convaincre le CGN qu'il a rencontré avant-hier à Istanbul de ne pas déserter la table des négociations, tant la situation requiert en «extrême urgence» le couronnement de ses efforts. Et pour cause, une dégradation effective est observée sur le terrain, avec une crise des migrants sans précédent, génératrice de plusieurs centaines de morts, une économie totalement exsangue et des violences meurtrières signées Daesh qui multiplie les attentats en dehors de ses bases. Le problème récurrent est que le CGN, absent des dernières joutes, a du renouveler partiellement sa délégation et, moyennement ce prétexte, refusé la ratification de l'accord conclu le 11 juillet dernier par les seuls représentants du gouvernement de Tobrouk. Il a ainsi fallu le rejet de trois propositions, et des concessions de taille pour que le quatrième accord proposé par l'émissaire de l'ONU entraîne une adhésion du bout des lèvres de la partie siégeant à Tripoli (Fadj Libya) mais cela ne veut pas dire que la médiation arrive au bout de ses peines. Car il s'agit maintenant de réussir l'exploit du consensus sur la composante du nouveau gouvernement d'union nationale. Et là, rien ne dit que l'unanimité fera loi, même si le projet prévoit la «formation pour un an d'un gouvernement d'unité nationale et l'organisation d'élections», avec des objectifs clairement fixés et une feuille de route pour relancer la transition politique. Cette donne attend encore l'aval de l'ex-CGN qui débat véhément de la composante des instances, l'accord confortant le maintien du Parlement de Tobrouk, reconnu par la communauté internationale alors que celui de Tripoli ne serait plus qu'un organe consultatif dont la moitié des membres serait désignée par le CGN et l'autre moitié par consensus entre les deux...Parlements, celui de Tobrouk et celui de Tripoli. Ce dernier refuse que ses prérogatives soient diluées dans un cadre de pseudo-Conseil d'Etat, exigeant du coup que la médiation revoit sa copie. Fort de l'appui de Fajr Libya et des milices de Misrata, il conteste la validité du Parlement adverse, aux origines politiques plus disparates. Et le 2 juillet dernier, il a purement et simplement claqué la porte, coupant court à toutes discussions. C'est ce qui a conduit l'Algérie à monter au créneau et voler au secours du médiateur de l'Onu en exprimant son attachement, partagé lundi par le Mali au terme de la visite du président Keita, à la stabilité de la Libye. Acteur prépondérant du dialogue inter-libyen, elle prône une solution politique loin de toute option militaire, et de ce fait elle a pesé de tout son poids pour la tenue d'une réunion informelle le 31 juillet dernier, entre Bernardino Leon et le président du CGN, Nouri Abou Sahmein, qui a finalement participé avec sa délégation les 11 et 12 août à la réunion de Genève, avec certaines conditions. La grande question tourne désormais autour du choix du Premier ministre et de l'attribution des portefeuilles de souveraineté, mais pas seulement. L'autre inconnue, en effet, concerne les nombreuses milices, puissamment armées, laissées en marge des discussions et dont nul ne sait quelles seront les réactions au lendemain de la signature de l'Accord de paix entre Tobrouk et Tripoli.