Le grand rush La France envisage de frapper les forces de l'Etat islamique (EI) en Syrie et non plus seulement en Irak. La crise des réfugiés qui fuient la guerre civile en Syrie serait à l'origine de ce changement de stratégie. C'est au moment où l'émotion suscitée par le calvaire des migrants est à son comble qu'on apprend que la France envisage de frapper les forces de l'Etat islamique (EI) en Syrie et non plus seulement en Irak, l'information figurant à la Une du quotidien Le Monde. La crise des réfugiés qui fuient la guerre civile en Syrie serait à l'origine de ce changement de stratégie. «Tout le monde se rend compte que ça ne peut plus continuer en l'état», a même argumenté une source citée par le journal. La France est partie prenante de la coalition internationale qui bombarde l'Irak depuis septembre 2014 mais jusqu'à présent elle en appelle à un consensus occidental pour «intervenir en Syrie».Le président François Hollande donnera une conférence de presse demain à l'Elysée, pour expliciter sa position sur la question des réfugiés et nul doute qu'il abordera la question de la Syrie sur laquelle il a opéré, ces dernières semaines, une révision opportune, plaidant désormais pour «une solution politique» qui accompagne la «lutte contre le terrorisme», mais sans le préalable de la mise à l'écart du régime de Bachar al Assad. Surtout, Hollande qui a rejoint la chancelière allemande Angela Merkel dans sa revendication d'un effort nécessaire de l'Union européenne pour accueillir un plus grand nombre de réfugiés syriens, tout en mettant en place un mécanisme permanent et obligatoire de répartition des quotas dans tous les pays mem- bres, aura fort à faire en France où le vent est à l'hostilité contre cette vague déferlante d'immigration surtout chez l'électorat de droite. A l'inverse de l'Allemagne où le courant de sympathie a bousculé toutes les résistances et toutes les passivités, les initiatives en faveur des réfugiés commencent à peine à se manifester en France, où la quasi-totalité des journaux n'avait pas publié jeudi la photo de Aylan, l'enfant syrien de trois ans, retrouvé mort sur une plage turque. Avec l'arrivée de plus de 140.000 migrants cette année en Hongrie, via la Serbie, la question a pris une autre dimension. L'Italie et la Grèce sont soumises à une véritable déferlante, plus de 300.000 migrants et réfugiés ayant franchi la Méditerranée depuis janvier dernier, selon le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR). Alors que l'Allemagne et la France, au sein de la Commission européenne, plaident pour un mécanisme «permanent et obligatoire» de répartition des réfugiés syriens, la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie et la Pologne s'y opposent farouchement et réclament, dans le cadre du groupe de Visegrad, un contrôle renforcé des frontières nationales. La Hongrie a même entamé la construction d'un mur à sa frontière avec la Serbie et présente les migrants et réfugiés majoritairement syriens et musulmans comme «une menace pour la prospérité, l'identité et les valeurs chrétiennes'' de l'Europe», reprochant à Angela Merkel un excès d'angélisme! Il n'empêche, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, va proposer mercredi prochain aux membres de l'UE d'augmenter de 40.000 à 160.000 le nombre de demandeurs d'asile venus d'Italie, de Grèce et de Hongrie et qu'il faut en répartir dans les autres pays de l'Union, en fonction des nouveaux quotas nationaux. Déjà en mai dernier, Bruxelles avait proposé aux Etats membres l'accueil de 40.000 des demandeurs d'asile sur la base de quotas contraignants baptisés «clés de répartition», mais le principe avait été violemment rejeté, la réaction en France affichant 52% de gens hostiles aux migrants contre 46% de partisans d'une certaine «souplesse» du gouvernement. Il aura donc fallu l'image pathétique d'un enfant syrien qui a bouleversé l'opinion mondiale pour que la chancelière allemande soit rejointe par le président français, puis le Premier ministre britannique jusque-là sourd à tous les appels. Le fardeau sera moins lourd pour l'Italie et la Grèce, pays du front, longtemps seuls face à la vague de dizaines de milliers de migrants venant de Libye et de Turquie pour fuir la guerre et ses atrocités. Mais la question reste pendante: quid de la paix en Syrie, unique moyen de résoudre l'équation du malheur pour ces milliers de migrants.