«Yasser Arafat n'est pas mort car il est vivant en chaque Palestinien aspirant à la liberté.» Le président de la République, qui s'est déplacé au Caire, vendredi pour les funérailles, a, dans un message de condoléances aux compagnons et aux membres de la famille du leader palestinien, rendu un vibrant hommage au chef historique décédé jeudi dernier dans un hôpital de la capitale française. D'emblée le chef de l'Etat le dépeint comme «l'un des dirigeants historiques arabes qui nous quitte en tournant définitivement les plus glorieuses pages d'un combat combien dur et combien long, écrit par les larmes des veuves et des orphelins et par le sang des moudjahidine et des martyrs. Des pages dont les mots sont l'écho des gémissements des opprimés, de la douleur des déportés et des exilés, mais dont la teneur reflète cette farouche résistance pour le droit humanitaire à la liberté, l'indépendance, la souveraineté et la vie digne». L'ayant côtoyé durant les premières étincelles marquant le début de la résistance armée, Bouteflika brosse le portrait «du symbole de la lutte arabe». En des propos élogieux, il dit de lui qu'il «était de cette trempe de dirigeants arabes qui se sont distingués par leur compétence, leur fermeté, leur sagesse, leur force de caractère et leur attachement au principe de droit. Il était aussi de ceux qui avaient subi les plus fortes pressions et fait l'objet de tant de complots, de menaces et de défis, mais qui avaient le plus d'audace à dire non aux concessions et aux solutions politiques qui ne servaient pas le droit inaliénable des Palestiniens à leur Etat indépendant». Le président le considère comme un homme réconciliateur et rassembleur. «L'homme qui a réuni toutes les obédiences palestiniennes et unifié le mot d'ordre du combat». Le chef de l'Etat ne va pas avec le dos de la cuillère en pointant du doigt les prétentions bellicistes de l'équipe dirigée par Sharon non sans mettre en évidence le combat ardu du défunt chef historique: «Il est mort après avoir mené une guerre sur plusieurs fronts contre l'ennemi le plus féroce que l'humanité ait jamais connu et la dernière colonisation de peuplement du XXe siècle. Il n'a jamais faibli ni point fléchi dans ses positions.» En réponse à ses détracteurs qui l'accusent d'être un terroriste, le chef de l'Etat réhabilite Abou Ammar récusant ces assertions mensongères en affirmant que celui qu'on stigmatise à tort a «du haut de la tribune des Nations unies et face aux dirigeants du monde entier, brandi le rameau d'olivier, symbole de la paix et de la fraternité, appelant à bannir le fanatisme et à instaurer la concorde, à dépasser les rancoeurs s' ouvrant corps et âme à toutes les ethnies et religions sur la terre sainte de Palestine, terre des prophètes, des martyrs et des saints». Le défunt devant l'incompréhension et l'intolérance n'a pas eu d'autre choix. Il ne cessait de mettre en garde disant: «Ne laissez pas tomber le rameau de ma main sinon l'oppression sévira et inondera l'humanité dans un bain de larmes et de sang, c'est ce que nous vivons effectivement aujourd'hui en Palestine et ailleurs», constate le président en soulignant que Yasser Arafat est l'artisan de la paix dans la dignité. Son aura lui a valu d'être celui qui avait su captiver enchaîne Bouteflika, l'attention du monde entier et focaliser ses regards dans sa lutte en Palestine, à sa sortie du Liban, lors de l'invasion de ce pays par les forces d'occupation israéliennes, dans son isolement à l'intérieur de son quartier général à Ramallah, qui fut assiégé par les technologies de guerre les plus meurtrières, et enfin, dans son séjour à l'hôpital lorsqu'il combattait vainement la mort, les multiples batailles qu'il avait menées le long de sa vie l'ayant épuisé. Et la maladie d'avoir raison de lui. Le chef de l'Etat estime que la disparition de Yasser Arafat est «un malheur qui vient frapper la nation arabe. Cruel, le destin a voulu qu'elle perde, en un espace de temps très court, deux de ses vaillants enfants qui furent ses phares dans ses jours les plus obscurs. Deux de ses enfants sur lesquels se fondaient de grands espoirs pour la construction de son présent et la réalisation de cet avenir sécurisé tant désiré. Hier cheikh Zayed, aujourd'hui Abou Ammar.» Cependant, il considère que cette perte n'ébranle en rien la détermination des Palestiniens. «Ils ont su défendre leur cause juste et bientôt, avec l'aide de Dieu le Tout-Puissant et grâce à leur détermination et leur persévérance, ils atteindront la victoire». Bouteflika dans cet hommage à Yasser Arafat soutient que ce vaillant fils de l'Intifada «demeurera à jamais vivant dans le concert des nations pour tous ceux qui examineront la question palestinienne, les questions arabes et les droits des opprimés de ce monde. Il le restera aussi dans la mémoire de toutes les personnalités et celle des leaders du monde entier, y compris les Israéliens. Il continue de donner à ces derniers des sueurs froides». Sinon pourquoi, s'interroge le président, son ennemi le redouterait-il encore au point de refuser que sa dépouille soit inhumée dans la capitale? La seule présence de sa dépouille dans une petite tombe dans la capitale de sa patrie, serait-elle pour l'ennemi une reconnaissance explicite de retrait? Que craint encore cet ennemi lui qui sait pertinemment qu'une balle tirée par un homme vivant est plus redoutable que des milliers de héros sous terre. Il n'aurait fait montre d'aucune crainte s'il n'avait pas cette conscience qu'Abou Ammar restera toujours vivant.» Le président conclut en ayant cette pensée pour le symbole qu'incarne Abou Ammar: «Yasser Arafat n'est pas mort car il est vivant en chaque Palestinien aspirant à la liberté et y oeuvrant. Il ne mourra que si le peuple palestinien entier venait à mourir et que si son histoire contemporaine s'estompait à jamais».