Craignant les débordements, Belkhadem, venu en catastrophe, a repris à son compte les vieilles revendications du mouvement qu'il préside. Sans doute le pire a-t-il été évité, jeudi, à l'entrée du siège national du FLN. En dépit de l'appel pressant lancé à la télévision par la fameuse «commission des cinq» contre la tenue de la rencontre de ce 11 novembre, plusieurs centaines de militants, entre députés, membres du comité central issu du 7e congrès, coordinateurs et militants de base, représentant le fer de lance du mouvement de redressement, ont bravé le froid et les interdits pour venir crier leur «colère» face à la tournure que prend, selon eux, la préparation du 8e congrès, dit rassembleur. Première tache noire au tableau: le siège, hermétiquement clos, a été interdit aux «manifestants». Un constat qui aura pour conséquence d'irriter un Si Affif, star du moment, lequel entouré et sollicité de toutes parts, s'écriera: «Le FLN est devenu une propriété privée. Celui qui détient les clés du siège, détient également le pouvoir absolu.» Second point noir, les «discrets» initiateurs de l'appel, dont les noms circulaient dans les rangs, les ministres Amar Tou et Mohamed-Seghir Kara, étaient bizarrement absents. A leur décharge, dirait-on, le Conseil de gouvernement programmé ce jour, comme par hasard, les a empêchés de répondre à temps à leur propre appel. A mesure que les minutes, puis les heures s'égrenaient, et que les rangs grossissaient, bloquant carrément la route, la colère a commencé à se faire jour chez certains. Ceux-ci, à l'aide d'un porte-voix, se mettent à qui mieux-mieux à haranguer les présents, revendiquant grosso modo, la dissolution de la commission des cinq ainsi que le retour aux points défendus par la rencontre de Djelfa et le congrès d'étape de l'Aurassi, en grande partie entérinés par la décision de justice rendue en faveur du mouvement de redressement. Celui-ci, se sentant isolé, un tantinet trahi, accusant les «nouveaux ministres», propulsés grâce à la démission de ceux de Benflis de s'en être servi comme simple strapontin, a clamé sa ferme résolution que plus rien, encore moins le congrès, ne se fera sans lui. Au moment où la situation menace sérieusement de dégénérer et où des policiers venus en renfort se postent de part et d'autre de la route, un brusque murmure, telle une vague, soulève la foule de part en part: «Belkhadem est là !» Celui-ci, le visage défait, manifestement dépassé par l'ampleur que prennent les événements est lui-même difficilement poussé hors de «l'emprise» de la foule, avant d'être «hissé» sur le muret. «Cessez de nous prendre pour des abrutis», lui crie l'un. «Comment Abada nous a-t-il fermé au nez la porte de notre siège?», renchérit l'autre. Celui que les manifestants continuent toujours de considérer comme leur «chef de file», leur «leader incontesté», Abdelaziz Belkhadem, prend enfin la parole. Ce ne sera que pour calmer les esprits, opérer de nombreux «renoncements» et donner suite aux desiderata des présents. «Si vous avez un message à transmettre, une colère à exprimer, vous n'avez pas à le faire dans l'anarchie», commence Belkhadem. Relativement calmée, la foule boit chacun de ses mots. «Le congrès rassembleur aura lieu durant la seconde moitié du mois de décembre prochain», promet-il sans satisfaire personne puisque les redresseurs sont contre un congrès «coûte que coûte», dans lequel, craignent-ils, «les mêmes méthodes qui avaient précédé les 8es assises annulées par la justice seraient reconduites». C'est pourquoi Belkhadem a clôturé son très court discours en assurant les présents que «le mouvement de redressement restera fidèle à ses principes fondateurs en exigeant que tous ceux qui se sont rendu coupables d'atteinte au parti et aux symboles de la République soient relégués au second plan». Belkhadem s'éclipse aussi vite qu'il était venu. Loin d'être jugulée, la crise est au contraire exacerbée puisque Belkhadem a refusé de se prononcer sur la commission des cinq, composée, rappelons-le, ce dernier ainsi que, Amar Saïdani, Abdelkrim Abada, Salah Goudjil et Saïd Bouhedja. Alors qu'il se met à pleuvoir, la «porte de service» s'ouvre, permettant aux militants d'entrer au moment-même où les forces anti-émeutes prenaient place dans la rue. Si Affif, plus que jamais érigé en leader de la «ligne originelle» du mouvement de redressement, appelle les gens au calme. Un communiqué refusant désormais toute autre autorité que celle de Belkhadem, de la commission nationale de préparation du 8e congrès ainsi que le groupe des 48, chargé de mettre en place les commissions de wilaya. Ce mouvement frondeur, qui indique représenter «le plus gros des troupes du FLN», et qui martèle que «plus personne ne se servira de lui comme tremplin», menace d'aller lui-même vers le congrès dans le cas où ses revendications ne seraient pas satisfaites. S'agissant de la crise du FLN donc, les jours à venir promettent d'être riches en événements, mais aussi en rebondissements.