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Guerre de tranchées au FLN
EXCLUSIF PREPARATIFS DU CONGRÈS RASSEMBLEUR
Publié dans L'Expression le 05 - 05 - 2004

Le conflit connaît de nouveaux rebondissements à l'APN à cause de la présentation prochaine du programme gouvernemental.
La situation, désormais, n'est pas au beau fixe dans les rangs des redresseurs. Du moins serait-on en droit de le croire à la suite de la réunion, convoquée hier, des coordonnateurs de wilayas qu'a présidée Abdelaziz Belkhadem. La rencontre, il convient de le souligner, a été rendue obligatoire à la suite du blocage dans lequel s'est retrouvé le mouvement, incapable ni d'avancer, ni de reculer. Belkhadem, qui avait un vol à prendre dans le courant de l'après-midi, a tenté de placer des garde-fous aux débats futurs, en soutenant que le congrès aura lieu dans les délais prévus, sans exclusion aucune, dans le strict respect des règles démocratiques, mais aussi des fameuses cinq conditions imposées aux éléments laissés par Benflis à la suite de sa démission. Mais, sans doute, était-ce compter sans le grand dépit qui a fini par gagner la quasi-majorité des coordonnateurs, venus avec une plate-forme de revendications. Celle-ci, qui réitère la confiance placée en sa direction nationale, s'interroge pourquoi, un mois après la victoire aux présidentielles, ce sont toujours les mouhafedhs de Benflis qui contrôlent les structures du parti. Cet attentisme, qui ne joue guère en faveur du mouvement de redressement, trouve difficilement une explication au sein des coordonnateurs venus chercher des réponses à leurs questions, même si Kara Mohamed-Seghir avait signalé au début que la rencontre devait servir à mettre en place la commission de préparation du 8e congrès, dit «rassembleur». Bon nombre de ces coordinateurs locaux, lors de débats à huis clos, dont quelques échos nous sont parvenus, ont mis en avant «la présence de trois ou quatre structures dans chaque wilaya». Or, le mouvement existe depuis bientôt une année, ce qui rend injustifiable ce genre de manquements organiques.
Injustifiables? Peut-être pas, si l'on en croit les accusations lancées, notamment par les représentants de Chlef et d'El-Tarf qui ont tous deux «pointé un doigt accusateur en direction de certains membres du bureau exécutif national, coupables d'avoir favorisé cela».
Le grand déballage
A la lumière des nombreuses interventions, plus enflammées les unes que les autres, parfois même désabusées, il ressort que de nombreux dirigeants auraient encouragé cette prolifération dans le but de prendre le contrôle du mouvement et, partant, celui du FLN réunifié. «Les membres du bureaux ici présents sont responsables», s'est exclamé un intervenant, ajoutant avoir adressé plusieurs saisines en ce sens, demeurées toutes sans écho. Ce n'est pas tout. D'autres intervenants, toujours dans le domaine organique, sont allés plus loin pour dire que «si les redresseurs de la première heure se connaissent tous entre eux, ils sont loin d'oublier aussi ceux qui leur barraient le chemin. Or, beaucoup d'entre eux, qui nous menaçaient avec des couteaux, se retrouvent à des postes de responsabilité au sein du mouvement, le tout avec la bénédiction, sans doute inconsciente et involontaire, de la direction».
Abdelkader Hadjar, que tous attendaient, a fait une intervention magistrale pour abonder quelque peu dans le même sens, cela non sans prendre la peine d'appeler les coordonnateurs locaux en conflit à la raison et à la sagesse : «Nous sommes plus grands que les postes», s'est-il exclamé, ajoutant avoir perdu un poste qui lui procurait 10.000 dollars par mois pour la cause qu'il défend. D'autres en ont profité, mais grand bien leur fasse puisque le débat doit transcender ce genre de considérations. Et pour cause ! Hadjar, qui tente de diagnostiquer l'état où en est le mouvement, et qui n'a su profiter de l'effet d'entraînement immédiat provoqué par la fantastique victoire de Bouteflika, qui était finalement celle du peuple et non pas celle du FLN, doit mesurer parfaitement ses forces, avant de faire quoi que ce soit: «Si vous êtes majoritaires dans une wilaya, allez prendre la mouhafadha et organisez des élections pour désigner un nouveau mouhafedh. Dans le cas contraire, oeuvrez à gagner à votre cause le maximum de militants». Fidèle à la ligne directrice de son mouvement, Hadjar déplore cette division des rangs, soulignant fort à propos que «le jour du congrès, même si nous sommes 2000, nous pourrons être vaincus par l'autre partie si elle est plus soudée et mieux structurée».
Partisan de la réconciliation, il fustige les fameuses cinq conditions posées par les redresseurs, «contradictoires entre elles» selon lui. «On ne peut pas revenir à la situation qui prévalait avant septembre 2001, date d'arrivée de Benflis à la tête du FLN, et ne pas reconnaître les instances issues du 7e congrès». Partant de la décision de justice invalidant tout ce qui a été fait depuis le 8e congrès à ce jour, ne pas reconnaître les instances du précédent, c'est ordonner implicitement la dissolution du parti. Le cas, certes, n'est pas évoqué, mais beaucoup, dans leurs interventions, ont fait état du fait que «les adversaires ne sont pas toujours là où on le pense puisqu'il en est qui ne pensent qu'au moment de prendre leur revanche en accaparant la majorité parlementaire et la place de leader dont jouit encore le FLN».
Hadjar, qui semble loin de développer un discours sans échos au sein de la base, s'indigne en ces propos : «Je refuse de me démettre de ma qualité de membre du comité central issu du 7e congrès pour faire plaisir à ceux qui n'en font pas partie». Poussant le raisonnement plus loin, mais sur le plan politique, il ajoute que, «le président Bouteflika, dans sa politique réconciliatrice, a même pardonné à des terroristes. Pourquoi voulez-vous que nous, nous n'excusions pas ceux qui ont juste failli avec les mots et quelques agressions qui ne se sont pas terminées tragiquement. Si vous optez pour une telle voie, vous devez vous désolidariser de la politique du chef de l'Etat car on ne peut pas dire une chose et faire son contraire». Hadjar, qui promet de faire de percutantes révélations devant la presse, martèle que «Belkhadem, qui est allé voir Abada sur sa demande, a été surpris d'apprendre que ce dernier aurait reçu auparavant des membres de la coordination du mouvement de redressement venus lui dire que Belkhadem ne représente que lui-même». Cela donne un aperçu sur l'état où en sont les déchirements entre les différentes tendances qui s'affrontent pour le contrôle du futur FLN.
Une aubaine pour les «pro-Benflis»
Or, cette vision ne répond pas à l'avis de nombreux autres intervenants, qui continuent de demander à ce que le mouvement se comporte en vainqueur en exigeant que des têtes tombent impérativement. Il s'agit, faut-il le rappeler, de tous les proches de Benflis, responsables et élus du parti, qui se sont distingués par la virulence de leurs attaques contre le chef de l'Etat, et même les symboles de la République algérienne. Ainsi, dans la foulée, le député Wahid Bouabdallah, dans une virulente déclaration, au nom du groupe parlementaire du FLN, a lancé hier un appel à l'actuel président de l'APN, connu pour être un proche de Benflis, «à se retirer dans l'honneur». Les signataires, dans leur communiqué, soulignent «ne pas être guidés par un esprit revanchard, ni par une quelconque volonté de régler des comptes». Ils ajoutent que leur appel « correspond à la dynamique enclenchée par la réélection de Abdelaziz Bouteflika à la tête de l'Etat, donnant le cadre propice pour établir un climat politique apaisé, loin des passions et des outrances qui ont marqué la dernière campagne électorale». Bouabdallah, dans sa lettre, dénonce avec énergie les manoeuvres visant à diviser les rangs, de la part des anciens partisans de Benflis qui, selon lui, refusent d'accepter le fait accompli. Il est toutefois permis de s'interroger si cet appel sera de quelque écho sachant qu'en marge de la cérémonie d'investiture de Bouteflika, Belkhadem avait convoqué une rencontre des députés au Palais des Nations. La rencontre, à laquelle avaient assisté plus d'une centaine d'élus, avait conclu que l'objectif sera de permettre l'adoption du programme du futur gouvernement afin de ne pas donner de prétexte au chef de l'Etat pour ne pas dissoudre l'APN. Le groupe parlementaire du FLN, qui se serait entendu, à cette occasion, de ne pas mettre sur le tapis le poste du président de l'APN, se serait juste entendu pour élire un nouveau responsable du groupe parlementaire à la place de Abbas Mikhalif. Les choses ont-elles changé depuis ? Il est permis d'en douter sachant que les députés n'ont pas cessé, depuis, de multiplier les rencontres entre eux au sein du siège de l'APN afin d'affiner cette stratégie. Ces deux tendances qui, pour le moment, se contentent de s'affronter à fleurets mouchetés, refusent toutefois qu'un troisième larron, les fameux «sages de Bouhara» viennent cueillir les fruits de tant de sacrifices. Jouissant d'une conjoncture favorable et, pour tout dire inespérée, les 12 responsables mis en place par Benflis à la suite de sa démission, semblent résolus à contre-attaquer.
C'est ainsi que nous apprenons qu'Abdelkrim Abada et les siens reçoivent les 56 mouhafedhs du pays ce jeudi en vue de définir leur stratégie d'action future. Le moins que l'on puisse dire c'est que les jeux sont encore loin d'être faits dans les rangs du FLN.
Un communiqué parvenu à notre rédaction, émanant des coordonnateurs locaux, a mis un terme aux spéculations en refusant désormais tout contact avec les structures du parti qui se sont «rendu coupables d´atteinte aux symboles de l´Etat», ce qui consomme la rupture entre Abada et Belkhadem. En parallèle, ce dernier a été investi de la lourde mission de présider et de constituer la commission chargée de préparer le second 8e congrès, qui ne devient donc plus celui du rassemblement, mais qui est appelé à se tenir dans les plus brefs délais. Nous y reviendrons en détail dans notre prochaine édition.


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