Le chef de Daesh à Syrte, Abou Rahim, n'a pas fait mystère de son programme, indiquant que, dans un premier temps, il y a des cibles privilégiées en Libye, à savoir les puits de pétrole et les unités de stockage puis, dans une seconde étape, l'extension dans les pays voisins, la Tunisie, l'Egypte et l'Algérie. Le Parlement siégeant à Tripoli, non reconnu par la communauté internationale, veut voir ses exigences satisfaites, avant de participer à un nouveau round des négociations de paix, a indiqué un de ses responsables, Mahmoud Abdelaziz. Le Congrès général national (CGN) veut une «réponse positive» aux amendements qu'il a proposés à l'accord en négociations, avant d'accepter de se rendre à toute nouvelle rencontre avec la partie mandatée par Tobrouk. Parmi les conditions du CGN, figurent le respect d'un arrêt de la Cour suprême, basée à Tripoli, invalidant l'existence même du Parlement de Tobrouk et l'exclusion des «putschistes», dont le général Khalifa Haftar, chef militaire des troupes «loyalistes» et membre de l'influente tribu des Ferjani. Tout en considérant que la balle est dans le camp du négociateur onusien, il juge que «le climat est très positif» et, dit-il, «nous tenons à ce qu'il reste ainsi». Au cours d'une réunion, la semaine dernière, à Genève, M. Leon a dit espérer un accord en vue de la formation d'un gouvernement d'union nationale «dans les jours à venir». Mais le CGN a critiqué mardi M. Leon pour avoir rencontré des militaires et des miliciens à son insu. «Ce genre d'agissements» est «une atteinte grave à la souveraineté de l'Etat et un obstacle au dialogue», a réagi le président du CGN, Nouri Abousahmein, portant également le titre de «Commandant en chef des forces armées», dans une lettre adressée à M. Leon. Plus encore, Khalifa El-Ghwell, chef du gouvernement de Tripoli, a adressé une lettre au secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, pour accuser l'émissaire de vouloir «briser les rangs des Libyens». C'est dans cette ambiance délétère que les regards se braquent, depuis quarante-huit heures, sur la région de Syrte où l'Etat islamique s'est durablement implanté, après avoir pris racine à Derna, dans le sud du pays. En effet, le chef de Daesh à Syrte, Abou Rahim, n'a pas fait mystère du programme qu'il entend appliquer, en indiquant que, dans un premier temps, il y a des cibles privilégiées en Libye, à savoir les puits de pétrole et les unités de stockage puis, dans une seconde étape, l'extension dans les pays voisins, la Tunisie, l'Egypte et l'Algérie. Un programme présupposé depuis belle lurette mais clairement affiché par une organisation que semblent sous-estimer les forces libyennes elles-mêmes, trop occupées à se combattre les unes les autres et à tenter de forcer le destin en leur faveur pour un pouvoir sans partage. Depuis juin dernier, date à laquelle il a pris le contrôle de Syrte, désertée par les troupes de Fadjr Libya, l'Etat islamique a étendu sur un rayon de 200 km sa domination dans la région et ses troupes ont bénéficié d'une adhésion conséquente due pour l'essentiel aux rivalités et aux affrontements entre milices. L'exemple vient de Misrata qui tente de résister à cette avancée mais se retrouve bloquée par la complexité de ses interconnexions avec les autres groupes islamistes. Bastion anti-gueddafiste lourdement affecté pendant la révolution, Misrata était, jusqu'à l'été dernier, à la pointe de la coalition Fajr Libya (Aube libyenne), conduisant les hostilités dans l'Ouest libyen et parrainant un gouvernement basé à Tripoli. Mais, face à la menace, le port commercial a engagé un virage et se prononce en faveur de la paix. Ses craintes sont justifiées puisque l'EI a repoussé les forces de Misrata jusqu'à la limite du check-point d'Abu Graïn, déjà attaqué voici quelques jours. Selon le conseil militaire de Misrata, ce serait quelque 800 terroristes de Daesh, dont un tiers d'étrangers, qui contrôlent cette zone de près de 200 kilomètres de côtes, de Buhayrat Al-Hasoun à Nouflyia, avec une profondeur de 80 kilomètres au nord, près de Houn, et vers le désert. Khaled Abu Jazia, porte-parole de la brigade 166 de Misrata, qui conduit la lutte contre l'EI, affirme que les groupes de Daesh naviguent à l'aise dans le Sud où ils ne rencontrent aucune résistance et qu' «ils sont à moins de 70 kilomètres des sites pétroliers de Ghani et Mabrouk dont ils peuvent prendre le contrôle quand ils veulent». Ces sites, attaqués et pillés par l'EI en février, sont depuis désertés. Telle est la donne libyenne à un moment où la surenchère revient plus forte que jamais, mettant en danger le succès d'une médiation onusienne difficile, et rendant la menace pour les pays voisins de plus en plus inquiétante.