Sharon, encouragé par le départ de Powell, attend la moindre occasion pour lancer ses chars et ses avions sur les territoires autonomes. Le moins que l'on puisse dire est que rien n'est joué d'avance concernant la «guerre» de succession à la présidence de l'Autorité palestinienne. Abou Mazen a beau être donné par tous comme favori, il n'en demeure pas moins que la violente mise en garde dont il a été la victime ce dimanche, est venue fragiliser sa position, confirmant par-là même que les armes auront certainement droit de cité dans cette élection absolument différente de toutes celles qui l'ont précédée, puisque c'est l'avenir de la Palestine qui est mis sur la balance. Le Hamas qui l'a bien compris, vient d'annoncer une trêve de pas moins de 60 jours, le temps que passe cette échéance électorale. Il demande, en revanche, des élections législatives et locales anticipées. Loin de l'entendre de cette oreille, les Brigades des martyrs d'Al-Aqsa se sont quant à elles, déclarées hostiles au candidat favori à la présidentielle, Mahmoud Abbas. Elles soutiennent dans le même temps Marwan Barghouthi, dirigeant palestinien détenu en Israël. C'est, du moins, ce qu'a affirmé hier, un porte-parole de cet important groupe armé proche du Fatah de Yasser Arafat. Le choix de la branche armée du Fatah, qui n'est pas forcément celui de ce dernier, renseigne assez sur les luttes intestines au sein de l'OLP, ce qui n'est pas pour plaire à Sharon et ses alliés américains, lesquels ont choisi le «modéré» Abou Mazen face au «trublion» Barghouti aussi «honni» que l'était le défunt Abou Ammar. Pendant ce temps, la polémique va grandissante sur la très probable éventualité que Yasser Arafat ait été empoisonné par le Mossad à l'aide de complicités internes à la Mouqataâ. Ainsi, le Premier ministre palestinien Ahmad Qoreï, a-t-il officiellement demandé à la France de lui faire parvenir un rapport médical sur les causes du décès du président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat. «Nous demandons officiellement que la direction palestinienne soit informée du (contenu) rapport médical sur la mort du président (Arafat) et les raisons de son décès», annonce un communiqué publié lundi soir par le bureau du Premier ministre. Cette demande intervient à la suite de rumeurs persistantes dans l'opinion publique palestinienne et dans le monde arabe sur un éventuel empoisonnement par Israël, du leader palestinien, décédé jeudi dans un hôpital de la région parisienne. Farouk Kaddoumi avait, sur les ondes d'Al-Arabiya, jeté un véritable pavé dans la mare en soulignant qu'Arafat avait été empoisonné, ajoutant que si les choses avaient autant traîné avant l'annonce du décès du président de l'Autorité, c'est que des tractations serrées avaient cours dans le but de se procurer l'antidote à ce poison. Un scénario identique s'était produit, rappelons-le, lorsque le chef du Hamas, Khaled Mechaâl, avait été empoisonné en Jordanie par deux agents du Mossad. Ces derniers avaient été interpellés, alors que le chef des services spéciaux israéliens lui-même, a été reçu par le roi Hussein dans le but de se faire remettre en main propre l'antidote qui a permis de sauver la vie de la bête noire des sionistes, actuellement réfugié en Syrie. Le Mossad n'est pas à ses débuts Les autorités françaises, qui trouvent de plus en plus de mal à «surfer» dans leur volonté de rester en bons termes avec des antagonistes absolument inconciliables, continuent, vaille que vaille, mais sans grande conviction, à opposer des démentis catégoriques à ces «rumeurs», alors que les responsables palestiniens, même les plus «modérés» d'entre eux, n'ont pas de cesse de multiplier les déclarations contredisant les propos apaisants de Paris. La thèse de l'empoisonnement a été confortée par la demande du médecin personnel d'Arafat, Achraf Al-Kurdi, d'ouvrir une enquête officielle sur les causes de sa mort et même de procéder à une autopsie. Les médecins de l'hôpital militaire français, qui font partie de l'élite mondiale, avaient eux aussi évoqué la thèse de l'empoisonnement sanguin quand la communication était plus ou moins tolérée, avant qu'elle ne soit totalement codifiée et soumise à l'appréciation express de Mme Arafat ainsi que des ministre de la Défense et des Affaires étrangères du gouvernement Raffarin. Dans une déclaration dimanche sur la radio privée Europe 1, la déléguée générale de Palestine en France, Leïla Chahid, avait estimé «tout à fait possible» que le président palestinien ait été empoisonné. Pour les Palestiniens, la thèse de l'empoisonnement «n'est pas seulement une rumeur. C'est une conviction profonde, très logique. Les Israéliens ont essayé de se débarrasser de Yasser Arafat depuis l'arrivée de Sharon au pouvoir», selon Mme Chahid. Le ministre français de la Santé, Philippe Douste-Blazy, avait, pour sa part, déclaré ce dimanche que «rien ne porte à penser qu'il y a eu empoisonnement» d'Arafat. Le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères de son côté, Hervé Ladsous, a rappelé le lendemain que le secret médical sur la maladie et la mort d'Arafat «continue de s'imposer», la famille étant la seule à être informée des causes d'un décès, selon la loi française. Ces arguments ne tiennent pas la route, résistant mal à toute analyse poussée de la situation. La France n'a-t-elle pas intervenu pour mettre fin à la polémique entre Souha Arafat et les quatre dirigeants palestiniens venus voir Abou Ammar pour signaler que ce dernier est bien trop important pour que la loi qui concerne sa maladie continue d'être interprétée dans les strictes limites de la confidentialité médicale. Il en va de même pour son éventuel empoisonnement, puisqu'il ne s'agit pas d'un quelconque homicide, mais bel et bien d'un crime d'Etat, commis par des terroristes à la solde d'un Premier ministre reconnu par l'ONU, avec des conséquences dramatiques et extrêmement durables sur toute la région proche-orientale. Sharon rattrapé par son histoire Consciente de la tournure que prennent les événements, la France fait tout pour tenter de couper la poire en deux. C'est pourquoi le porte-parole du ministère de la Défense a indiqué ce lundi, que «le dossier médical du président palestinien Yasser Arafat peut être transmis à ses ayants droit s'ils en font la demande». Mais, le ministère de la Défense n'était pas en mesure de dire si l'hôpital militaire avait été déjà saisi d'une telle demande. Selon le législation française, «il n'y a pas de transmission automatique, il faut qu'il y ait une demande motivée», a souligné M. Bureau, le porte-parole cité plus haut. Une demande de transmission de dossier médical peut se faire «soit au titre de la mémoire, soit pour connaître les conditions matérielles de la mort, soit pour connaître les causes de la mort». Alors que l'ancien général Sharon est rattrapé par le scandale faisant état de son putsch avorté en juin 1967, le secrétaire d'Etat américain démissionnaire, Colin Powell, une colombe oubliée parmi les faucons de la Maison-Blanche, se rendra en Israël et à Ramallah dans les territoires palestiniens, lundi et mardi prochains. Rien ne dit que cette visite sera d'un quelconque effet sur la relance du processus de paix, puisque ce sont les purs et durs, à l'égal de Sharon, qui vont désormais gérer les affaires extérieures américaines. Enfin, il convient de rappeler pour finir, que le Premier ministre palestinien, Ahmed Qoreï, a annoncé ce samedi la tenue des élections pour désigner un successeur au président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat dans les 60 jours, conformément à la loi. Il a indiqué, sans donner de détails, qu'un scrutin présidentiel se tiendrait avant le 9 janvier 2005. Aucune candidature officielle n'a été rendue publique pour le moment.