Le développement de la situation entre le président palestinien et son Premier ministre a débouché sur un clash. Les positions entre Yasser Arafat et Mahmoud Abbas, qui, à l'évidence, ne veut être ni un demi-Premier ministre, encore moins un faire-valoir, se sont nettement éloignées au cours des vingt-quatre dernières heures. D'où l'impasse survenue entre les deux hommes qui ont rompu dimanche le dialogue. Selon un des médiateurs palestiniens, qui tentent de réduire le différend entre les deux responsables, Abou Mazen aurait déclaré que les discussions entre lui et Arafat «ont été un échec et sont rompues. Je ne discuterai plus de cela», aurait-il affirmé. Fort du soutien du quartette, (Etats-Unis, Union européenne, Russie et ONU), le Premier ministre désigné, Mahmoud Abbas, (alias Abou Mazen), veut avoir l'entière réalité du pouvoir, singulièrement celle de superviser le ministère-clé de l'Intérieur, celui-là même qui est à l'origine du clash entre le président Arafat et son Premier ministre. Non seulement, Yasser Arafat, a refusé d'entériner la désignation de Mohamed Dahlan, ex-responsable des services de sécurité de l'Autorité palestinienne à Gaza, conscient aussi, du fait que ce ministère stratégique allait lui échapper. Ce ministère est même l'ultime point d'ancrage outre du pouvoir du président palestinien, aujourd'hui quasiment hors jeu, et forcé à l'exil à Ramallah, mais aussi du fait que ce département est celui qui peut influer dans un sens ou dans l'autre sur le devenir de l'Intifada. Le vieux leader palestinien est conscient que sa supervision des services de sécurité palestiniens demeure son dernier atout, pour avoir son mot à dire sur le développement des événements, qu'il entend jouer jusqu'au bout. Cela, d'autant que Abou Mazen apparaît de plus en plus comme «l'homme» des Américains, qui ont, hier encore, par la voix du porte-parole du département d'Etat, appelé à la formation de «toute urgence» du gouvernement avec à sa tête Mahmoud Abbas. Dans sa déclaration, Richard Boucher appelle à «la formation d'un cabinet palestinien dirigé par (Mahmoud) Abbas, fort de réels pouvoirs et déterminé à s'engager sur les réformes et la sécurité, est véritablement dans l'intérêt du peuple palestinien». Que ce soit sur la composante du cabinet, ou à propos des réformes, l'une des exigences de Washington, les deux hommes ne semblent plus évoluer dans le même registre, et le désaccord entre eux est tellement profond que les médiateurs palestiniens, dont le président du Conseil législatif (Parlement) Ahmed Qoréi, n'ont pu qu'en faire le constat. La difficulté aujourd'hui est que le problème n'est pas seulement palestinien et intéresse au premier plan...Israël et les Etats-Unis qui ne veulent plus entendre parler de Yasser Arafat, pour eux, un homme, politiquement, mort. Homme de la vieille école, arc-bouté sur le droit du peuple palestinien à résister - par tous les moyens - à l'occupation israélienne, Yasser Arafat est, dès lors, comme l'obstacle à la «paix américaine» qui se mettait en place. A contrario, Mahmoud Abbas (Abou Mazen), cheville ouvrière des accords d'Oslo, avec l'Israélien Shimon Peres, est considéré comme un homme d'ouverture et de dialogue, cela d'autant plus qu'il a été le premier à prendre ses distances avec l'Intifada militaire, dont il contestait les résultats et aussi l'opportunité. Du coup, Abou Mazen est devenu l'homme providentiel, celui capable de dialoguer fructueusement avec Israël, et sans doute faire droit aux exigences de Sharon. De ce point de vue, ce n'est plus seulement la réforme de l'Autorité palestinienne qui se trouve en point de mire, mais bien la consistance même de ce que sera demain «l'Etat» palestinien promis par le président américain George W.Bush. En d'autres termes, c'est ce pourquoi luttent les Palestiniens, depuis plus d'un demi-siècle, qui risque d'être remis en cause, surtout si l'on relève qu'il n'est fait aucune mention, dans les différentes présentations de la feuille de route - certes, moutures forcément tronquées, tant qu'elle n'a pas été rendue publique - des résolutions 242 et 338 qui sont explicites et exigent le retrait d'Israël des territoires palestiniens occupés en 1967. Dès lors, le conflit qui oppose les deux dirigeants palestiniens, dépasse de loin les personnes du président Arafat et de son Premier ministre Abbas, pour mettre en équation le futur même de la patrie palestinienne, et les attributs de souveraineté qui, semble-t-il, relèveraient du droit de regard d'Israël et de la supervision des Etats-Unis. Aussi, ce n'est pas du tout étonnant que le chef de la diplomatie israélienne dise son «inquiétude» face au développement de la situation dans les territoires occupés. Sylvan Shalom dans une adresse à son homologue américain, Colin Powell, a fait part «de son inquiétude face au refus de (Yasser) Arafat de laisser les mains libres au Premier ministre désigné Mahmoud Abbas pour former un cabinet», indique un porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères. Comme Tel-Aviv attend de Abou Mazen qu'il fasse d'abord la chasse aux «terroristes» palestiniens, ceci explique cela. Les Israéliens, qui excipent de la reprise du processus de paix, qu'entrave, selon eux, Yasser Arafat, n'ont jamais envisagé un Etat palestinien indépendant aux côtés d'Israël. La rupture entre MM.Arafat et Abbas, met à mal la mise sur pied du cabinet palestinien d'autant que le délai accordé par Washington expirait hier à minuit. Hier, l'impasse était entière et rien n'indiquait la possibilité d'une ouverture, alors que M.Bush s'est engagé à rendre publique la feuille de route dès la composition du cabinet palestinien dirigé par...Abou Mazen.