Les Palestiniens, à commencer par les autorités, n'excluent toujours pas l'assassinat prémédité de leur leader incontesté. Après avoir essuyé un véritable tir de barrage de la part des autorités et des organisations palestiniennes, concernant le très probable empoisonnement d'Arafat avec des complicités internes à la Mouqataâ, la France, qui détient entre ses mains le secret de ce dossier, semble résolue à contre-attaquer proportionnellement à l'ampleur des accusations et rumeurs colportées. C'est ainsi que des médecins français proches du dossier, excluent l'hypothèse d'un empoisonnement du dirigeant palestinien Yasser Arafat, qui serait mort des suites d'une maladie du sang appelée coagulation intravasculaire disséminée (Civd). C'est ce qu'a affirmé le quotidien français Le Monde dans son édition d'hier, sans toutefois citer les noms des médecins concernés. Pour ces sources, «il s'agit d'un bouleversement complet de l'ensemble des mécanismes qui, normalement, assurent l'équilibre des processus de la coagulation sanguine». Elles ajoutent que ce processus «conduit à l'apparition d'hémorragies importantes aux conséquences pouvant être mortelles». Cette sortie, toutefois, est loin de mettre un terme à la polémique. En plus des nombreuses voix palestiniennes revendiquant la vérité entière sur cette affaire d'Etat, des sources médicales crédibles n'excluent pas, elles non plus, la probabilité que le président palestinien ait été victime d'un empoisonnement. C'est dans ce cadre que le médecin personnel de Yasser Arafat, Achraf Al-Kurdi, a affirmé qu'il ne croyait pas à un empoisonnement du président défunt de l'Autorité palestinienne, même s'il en a évoqué la possibilité, dans une interview publiée hier par le quotidien espagnol El Pais. «J'ai envisagé la possibilité d'un empoisonnement parce que toutes les autres pathologies pouvant provoquer les symptômes dont souffrait Yasser Arafat pendant ses derniers jours (taux de plaquettes bas, fortes douleurs abdominales, diarrhée et vomissements), aient été écartées l'une après l'autre», a déclaré le médecin neurologue, 66 ans, ancien ministre jordanien de la Santé, qui a été l'un des médecins personnels de Yasser Arafat au cours des vingt dernières années. Les mises au point de Barnier Le médecin a toutefois ajouté: «S'il s'est agi d'un poison, il a dû être fort pour tuer aussi rapidement. Je n'y crois toujours pas». Il a indiqué qu'il n'est pas satisfait des rares précisions officielles apportées par le corps médical militaire français et qu'il ne comprend pas pourquoi ni Souha Arafat ni l'équipe médicale, ne veulent révéler les causes de la mort du dirigeant palestinien. «Je n'ai pas d'autre choix que de penser qu'ils cachent quelque chose», a-t-il dit au cours de cet entretien réalisé à Beyrouth. Achraf Al-Kurdi avait réclamé dès le 11 novembre, jour du décès de Yasser Arafat, «une enquête officielle sur les causes de la mort» du dirigeant palestinien et une autopsie pour lever tous les «soupçons». Le fait qu'Arafat ait été mis dans un sarcophage peut bien signifier, comme l'indiquent des observateurs avertis, que l'autopsie ne sera jamais faite, quelle que soit l'identité des personnes qui en formulerait la demande un jour. Ce médecin, rappelons-le, avait été au côté de Yasser Arafat pendant ses derniers jours dans son quartier général de la Mouqataa, à Ramallah, avec 15 autres médecins égyptiens, tunisiens et jordaniens, avant le départ pour Paris. Il a indiqué que Yasser Arafat lui avait dit : «Je suis à bout, épuisé, je n'ai pas d'appétit et j'ai perdu toute mon énergie». Le dirigeant palestinien déclarait souffrir d'une forte douleur abdominale, mais n'avait pas de fièvre. «Après l'avoir examiné, nous sommes arrivés, avec les autres médecins, à la conclusion qu'il souffrait d'une insuffisance de plaquettes, ce qui pouvait avoir pour origine trois causes fondamentales : cancer, infection virale ou bactérienne», a-t-il expliqué. Après avoir écarté ces causes, le médecin a indiqué «qu'il avait commencé à envisager la possibilité d'un empoisonnement» et avait demandé une analyse toxicologique, mais un tel examen ne pouvait être réalisé à Ramallah faute de moyens. Les médecins ont alors proposé qu'il soit soigné en Allemagne ou en France, et le président de l'Autorité palestinienne a choisi Paris, a précisé Achraf Al-Kurdi, qui a demandé que les autorités françaises révèlent le jour, l'heure et les circonstances de la mort de Yasser Arafat. Les révélations du médecin personnel d'Arafat Michel Barnier, chef de la diplomatie française, dans un entretien accordé le même jour au journal de la droite française, Le Figaro, a pour sa part soigneusement évité ce sujet, soulignant au contraire que le rôle de la France dans le processus de paix au Proche-Orient doit être renforcé aujourd'hui plus que jamais. Il ajoute que la création d'un Etat palestinien est plus que jamais nécessaire. Il précise, à propos de la mise en place d'un Etat palestinien souverain et indépendant que «le plus tôt sera le mieux». Il ajoute que «l'on pourrait envisager, comme le prévoit la feuille de route, un Etat dans des frontières provisoires. J'ai entendu le président Bush dire que ce pourrait être avant la fin de son mandat. Je pense qu'il ne faut pas attendre 2009. Après tout, la feuille de route prévoit l'Etat palestinien pour juin 2005». Pour revenir aux préparatifs électorales dans les territoires occupées, de plus en plus de factions, notamment les islamistes, qui avaient déjà rejeté les accords d'Oslo et la naissance de l'Autorité, appellent au boycott. Dans le même temps, Sharon continue de refuser le droit de voter aux Palestiniens résidant à Al-Qods, contre l'avis de Barnier sur les colonnes du Figaro. Le secrétaire d'Etat américain démissionnaire, Colin Powell, enfin, va se rendre les 21 et 22 novembre en Israël et dans les territoires palestiniens, où il n'est pas allé depuis un an et demi. Powell arrivera de Santiago, Chili, où il doit se rendre aujourd'hui pour participer à un sommet du Forum économique des pays de la région Asie-Pacifique (Apec), puis ira directement à Charm El-Cheikh (Egypte) pour une conférence internationale sur l'Irak. Il «va rencontrer les dirigeants israéliens et la nouvelle direction palestinienne pour voir comment avancer durant la période de transition» ouverte par le décès la semaine dernière, du président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, a déclaré mardi son porte-parole, Richard Boucher. Cette visite, il faut le dire, ne sera d'aucun effet sur la mise en panne du processus de paix, puisque les rênes du pouvoir diplomatique US sont désormais entre les mains des faucons, lesquels appuient sans réserve la politique dévastatrice du boucher de Sabra et Chatila, Ariel Sharon.