La classe politique considère que toute réforme doit être sous-tendue par une légitimité démocratique, chose qui est loin d'être acquise pour le gouvernement actuel. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a assuré dimanche dernier que le gouvernement poursuivra en 2016 ses actions destinées à la promotion de l'investissement, au soutien de l'entreprise et à l'encouragement du secteur national productif, soulignant que l'entrepreneur algérien demeure au coeur de la création de croissance. «Notre pari c'est l'entreprise et l'entrepreneur algériens, qui sont au coeur de la création de richesse et de croissance», a déclaré M.Sellal à l'ouverture d'une rencontre avec la communauté universitaire et académique organisée par le Conseil national économique et social (Cnes). Ainsi, les dispositions de la loi de finances complémentaire 2015 et de la loi de finances 2016, «vont dans cette direction d'optimisation des recettes du budget de l'Etat, de soutien aux entreprises, de facilitation de l'investissement ainsi que d'encouragement du secteur national productif», a indiqué le Premier ministre lors de cette table ronde. «La promotion de l'investissement est une priorité et c'est ensemble que nous devons trouver les solutions aux contraintes et aux entraves qui empêchent son développement et le rendent moins attractif que l'activité de commerce», a-t-il ajouté, rappelant que le budget 2016 vise une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 4,6% (+1% par rapport à l'exercice 2015). Néanmoins, l'optimisme ambiant du Premier ministre est loin d'être partagé par la classe politique nationale. Ali Benouari, expert en finances et président de Nidaa Al Watan, parti en cours de création, n'en revient pas. «Sellal dit que la conjoncture actuelle est certes difficile, mais elle offre aussi une excellente opportunité d'introspection et de prise de décisions audacieuses pour construire une nouvelle vision économique et modifier nos modes de fonctionnement et de régulation. De qui se moque-t-il? Cela fait deux ans que je tire moi-même, sur tous les médias, cette sonnette d'alarme, prédisant cette chute de recettes et alertant sur ses conséquences, si nous ratons l'échéance de la présidentielle de 2014. A savoir le chaos économique et social, voire la famine en 2019, largement justifiés par l'incapacité que nous trouverons de financer la quasi-totalité de ce que nous mangeons et des biens indispensables au fonctionnement de notre économie et de notre société. Que faisait et que répondait Sellal, à ce moment-là? Il vient aujourd'hui nous affirmer le contraire, nous promettant une remise en cause de cette même gouvernance. Mais les mêmes causes engendrent toujours les mêmes effets et les mêmes méfaits. Le peuple algérien n'est cependant pas dupe. Après Ouyahia qui, au terme des deux premiers mandats nous disait: «Nous avons échoué partout», Sellal reconnaît à son tour que le régime qu'il sert s'est trompé. Il avoue donc, après 16 ans de pouvoir ininterrompu, que ce régime a dilapidé la quasi-totalité du potentiel financier du pays, soit 90% des ressources accumulées depuis l'indépendance. L'échec est global.» Driss Rebbouh, porte-parole du Front du changement, lui, considère que le discours de Sellal est en déphasage total avec la réalité. «Nous regrettons que le Premier ministre mette les patrons au centre de sa politique. Ceci peut être dangereux pour l'avenir du pays. Il est vrai que ceux-ci ont rôle prépondérant à jouer, néanmoins, on ne peut pas lier exclusivement notre économie et notre avenir. A chaque fois, le gGouvernement met l'accent sur une partie de l'équation alors que la solution ne peut-être que globale. De plus, pour entreprendre les réformes nécessaires pour sortir de notre crise, il convient de reposer sur une légitimité démocratique. Or, le gouvernement actuel n'a aucune légitimité?» a-t-il relevé en prônant un retour à la légitimité démocratique avant d'entreprendre une quelconque réforme économique et sociale. Réagissant également au discours d'Abdelmalek Sellal selon lequel «les Algériens ne travaillent pas», Driss Rebbouh a indiqué que «les propos du Premier ministre sont une insulte au peuple algérien» en précisant que si «il est relativement vrai qu'une partie des Algériens ne travaille pas, c'est parce qu'ils ont été cassés par l'Etat qui promeut la culture d'assistanat à travers la distribution anarchique de la rente». Même Louisa Hanoune qui, durant longtemps, a apporté son soutien quasi inconditionnel au gouvernement se met de la partie. En effet, depuis quelque temps, elle ne rate aucune occasion de tirer à boulets rouges sur le gouvernement qu'elle accuse d'être complice d'une oligarchie compradore» qui menace l'Etat dans son intégrité. «Le gouvernement est en train d'offrir des cadeaux aux oligarques en demandant aux travailleurs de serrer la ceinture» ressasse-t-elle à chaque fois, chose que Sellal ne se garde pas de confirmer dans son dernier discours devants le Cnes où il a ouvertement accusé les Algériens de faire dans la paresse en affirmant faire des patrons le coeur battant de sa politique.