Les premiers secours portés aux victimes L'argument du destin ne doit pas s'imposer comme seule explication à ce qui se passe à La Mecque. 717 hadjis ont trouvé la mort au premier jour de l'Aïd à Mina. C'est une catastrophe majeure que les autorités saoudiennes expliquent avec une certaine légèreté en rejetant le tort sur les hadjis eux-mêmes que les responsables de la sécurité du Royaume saoudien décrivent comme indisciplinés. L'argument ne convainc pas grand-monde et les rumeurs vont bon train sur la présence d'un VIP, dont le traitement «particulier» aurait provoqué le déroutement de centaines de milliers de pèlerins. Cette rumeur qui a fait le tour du Web musulman n'a pas été confirmée ni infirmée. Riyadh ignore les «racontars» et promet une enquête «rapide et transparente» pour situer les responsabilités du drame. Pour l'heure, à l'exception de l'Iran qui a publiquement remis en cause l'organisation du Hadj par l'Arabie saoudite et préconise une gestion collégiale de tous les pays islamiques, aucune autorité officielle dans le monde musulman ne remet en cause l'ordre établi et les présidents des Etats se contentent de présenter leurs condoléances. Il en a été ainsi du président turc qui a démenti les propos d'un parlementaire de l'AKP, le parti au pouvoir, qui a dénié à l'Arabie saoudite toute compétence pour la gestion du cinquième pilier de l'islam. En Iran par contre, dont 131 pèlerins sont morts dans la bousculade, la question est posée frontalement. Il faut dire que ce grand pays qui dispute le leadership de la région à l'Arabie saoudite, a sur quoi s'appuyer pour critiquer la manière de faire de l'Arabie saoudite. Et pour cause, ce n'est pas la première fois que de très graves accidents se produisent pendant le pèlerinage, au premier jour de l'Aïd El Adha et précisément à Mina. En quarante ans, plus de 3 000 décès accidentels sont déplorés dans des catastrophes, tous de même nature, à savoir des bousculades géantes qui se terminent par des centaines de morts. De 1975 à ce jour, plusieurs incidents ont été enregistrés, sans que l'on sente une prise en charge sérieuse du phénomène. Il faut dire que ce n'est pas insurmontable. Il s'agit, en fait, de réguler le déplacement d'un nombre important de personnes en un lieu et en même temps. Il doit certainement exister un moyen de fluidifier la circulation de sorte à ce que la traversée de Mina ne devienne pas une traversée à très haut risque. Il semble, à voir la chronologie des faits, que malgré des milliards de dollars d'investissements, les autorités saoudiennes ne soient pas parvenues à trouver la réponse à une question que se pose le milliard et demi de musulmans. Avec cette série de drames, les Lieux Saints de l'islam risquent de devenir l'endroit le plus dangereux pour les musulmans. Et l'argument du destin ne doit pas s'imposer comme seule explication à ce qui se passe à La Mecque. De fait, la principale interrogation qui s'impose consiste à dire: pourquoi les autorités saoudiennes refusent-elles toujours de mettre sur la table de discussion l'organisation du Hadj? La thèse de la souveraineté nationale peut constituer un élément de réponse. Mais peut-on invoquer ce sacro-saint principe politique à une religion universelle qui a ses adeptes aux quatre coins du monde. L'image que renvoient les Lieux Saints de l'islam est difficilement défendable par tous les musulmans de la planète qui ne pourraient pas trouver de réponse valable pour le siècle où l'on vit. En effet, à l'exception du «destin», les musulmans passent pour des «masochistes» aux yeux des personnes qui voient la religion islamique par le prisme déformant du terrorisme de Daesh et l'incompétence des autorités chargées de l'organisation de l'accomplissement du cinquième pilier de l'islam. Il faut dire que pour une autre religion, une pareille catastrophe aurait provoqué une véritable prise de conscience chez de nombreux gouvernements. Et pour cause, des ressortissants marocains, égyptiens, algériens, iraniens, somaliens et autres sont morts dans d'atroces circonstances. Or, il se dégage au niveau des Etats musulmans de par le monde, une certaine résignation. Comme s'il n'y avait rien à faire d'autre que de compatir à la douleur des familles et des peuples qui ont perdu les leurs. Cela, tout en sachant que ce n'est ni le premier ni le second drame qui provoque la mort de centaines de musulmans. L'Arabie saoudite n'a aucun compte à rendre et se comporte en maîtresse des lieux. «Si ça ne vous plaît pas, vous n'avez qu'à surseoir à votre projet de pèlerinage», semble dire avec arrogance, un royaume qui ne se sent pas l'obligation d'améliorer les conditions de sécurité du Hadj.