Le frère du président, le docteur Mohsen, est formel : Arafat a été tué à l'aide d'un poison indétectable quelque temps plus tard. Depuis que le dossier médical d'Arafat a été remis à son neveu, contre l'avis de sa femme, la polémique sur l'empoisonnement du Vieux Lion est relancée de plus belle. Nacer Al-Qidwa, neveu du défunt président palestinien, qui occupe le poste d'ambassadeur de l'Autorité auprès de l'ONU, a reçu hier matin une copie du dossier médical. A peine quelques minutes plus tard, les premières déclarations fusaient de sa part. «Les médecins français ont effectué des examens toxicologiques. Aucun poison connu n'a été trouvé», a-t-il commencé par dire. Il convient de noter ici la nuance qui précise qu'il est seulement question de poison «connu». Ce qui sous-entend que les assassins seraient dotés d'une technologie de pointe leur permettant d'élaborer des produits sans antidotes...connus dont les seuls concepteurs détiennent les clés permettant aussi bien de les détecter que d'y parer en cas de besoin. «Nous n'avons aucune preuve qu'un empoisonnement ait eu lieu, mais nous ne pouvons l'écarter. Nous n'avons de preuve ni dans un sens, ni dans l'autre», a conclu Nasser Al-Qidwa lors d'une conférence de presse dans un grand hôtel parisien. Une sortie qui relance de plus belle la polémique, face au refus de Souha Arafat, veuve du président de voir ce dossier délivré à quelqu'un d'autre, laquelle a été accusée dans un journal koweïtien d'avoir touché de l'argent pour débrancher les appareillages qui maintenaient en vie son mari. Al-Qidwa, qui parle désormais en connaissance de cause, souligne malicieusement ceci: «Parce que nous ignorons les causes du décès, l'interrogation demeure». Il ajoute que le rapport médical qui lui a été remis en milieu de matinée par le Service de santé des armées françaises compte 558 pages et est accompagné de radiographies. «Je n'ai pas eu le temps d'étudier ce document (...) mais deux points centraux demeurent : il n'y pas de diagnostic clair sur les causes du décès et aucune trace de poison n'a été décelée lors des examens toxicologiques», a-t-il simplement retenu d'une sommaire et première lecture. Arafat, comme beaucoup d'autres chefs d'Etat, n'appartient pas seulement à sa famille. De nombreuses affaires similaires, dont celle du président français Pompidou est une des plus célèbres, a permis de faire jurisprudence dans ce domaine précis, comme le relate avec précision le livre Ces malades qui nous gouvernent. Le cas Arafat échappe d'autant plus au règlement en vigueur en France, qui interdit qu'un dossier médical soit transmis à des gens non-membres de sa famille, que sa mort demeure pour le moins douteuse, et qu'elle projette le Proche-Orient vers des lendemains pour le moins incertains. «Nous ne sommes pas en mesure pour le moment de parvenir à une conclusion définitive. Le peuple palestinien saura se montrer patient», a ainsi assuré M.Al-Qidwa, précisant par là que le destin d'Arafat, même mort, dépasse de loin celui de sa petite famille pour concerner aussi bien son peuple que le monde arabe et, pourquoi pas, la planète toute entière. «Les autorités israéliennes ont une importante responsabilité dans ce qui s'est passé, au moins en raison du confinement dans de mauvaises conditions dans lequel M.Arafat a été tenu à la Mouqataâ», a ajouté M.Al-Qidwa. Cela sous-entend que dans le «meilleur» des cas, Sharon devrait être jugé pour homicide involontaire et non-assistance à personne en danger. Evoquant la position de la veuve de Yasser Arafat, Souha Arafat, 41 ans, qui a fait savoir à plusieurs reprises qu'elle se considérait comme seule autorisée à obtenir une copie du dossier médical, le neveu de l'ancien chef palestinien a confirmé ce que le bon sens et la jurisprudence français n'ont de cesse de défendre pour dire que «Yasser Arafat n'appartient pas à une personne ou une famille mais à tout le peuple palestinien». Il ne s'en montre pas moins magnanime en ajoutant pouvoir «comprendre le sentiment d'une femme de vouloir garder une information et d'en rester l'unique source, mais nous avons à prendre en compte le point de vue politique et pas seulement un point de vue personnel». Mohsène Arafat, frère du défunt président défunt, à partir de Londres, a déchaîné la polémique en déclarant à El Qods El Arabi que le dirigeant palestinien est mort «empoisonné» et que son «transfert vers l'hôpital Percy de Paris est intervenu 20 jours après avoir contracté la maladie». Il y a des poisons dont les effets disparaissent en l'espace de quelques heures, a indiqué Mohsène Arafat qui est médecin spécialiste, soulignant qu'«il était en contact avec des équipes médicales égyptiennes, jordaniennes et tunisiennes qui ne cessaient de dire que Arafat souffrait d'une fatigue, d'un surmenage et d'une grippe intestinale aiguë». Il est possible que le poison ait été administré par des moyens radioactifs, a-t-il ajouté. De son côté, Colin Powell, secrétaire d'Etat américain, en visite depuis hier dans la région, a promis une aide américaine à l'organisation de l'élection prévue le 9 janvier pour désigner un successeur de Yasser Arafat. La déclaration en a été faite lors d'une rencontre en Cisjordanie avec la direction palestinienne, a indiqué un ministre palestinien. «L'Amérique va aider à la tenue des élections et au départ des forces israélienne des villes palestiniennes», a déclaré à la presse le chef de la diplomatie palestinienne Nabil Chaath à l'issue de la réunion. Le numéro un de l'OLP Mahmoud Abbas et le Premier ministre palestinien Ahmad Qoreï ont notamment participé aux discussions, côté palestinien. M.Powell a pour sa part, affirmé à la presse, après avoir visité un centre d'enregistrement d'électeurs à Jéricho, qu'il allait examiner «les besoins financiers» des Palestiniens pour l'organisation du scrutin, lors d'une rencontre prévue mardi en Egypte avec les partenaires des Etats-Unis au sein du quartette sur le Proche-Orient, l'Union européenne, l'Onu et la Russie. Qualifiant les discussions avec M.Powell de «positives» et «constructives», M.Chaâth a pour sa part, affirmé que Washington offrirait «une aide financière et sous d'autres formes» à l'organisation du scrutin. Pour sa part, la direction palestinienne a insisté, lors de la réunion, «sur la nécessité d'offrir une aide financière à l'Autorité palestinienne et d'aider ses services de sécurité», a-t-il ajouté. La rencontre de Jéricho est la première de ce niveau depuis près de trois ans entre un membre de l'administration américaine et la direction palestinienne, Washington ayant veillé à mettre à l'écart Yasser Arafat. Cela montre bien que les Américains aussi avaient tout intérêt à ce qu'Arafat disparaisse, comme le souhaitait vertement le bourreau de Sabra et Chatila. Même s'il ne fait aucun doute que la vérité sur la mort d'Arafat ne sera pas connue de sitôt, il ne fait pas de doute que les ombres et les doutes qui continuent de planer risquent de peser lourd sur le déroulement du scrutin présidentiel, mais aussi et surtout sur l'avenir, pour le moins incertain, des territoires autonomes et du «futur Etat palestinien».