Pour le président Bouteflika, «le fonctionnement du Mécanisme doit reposer sur un financement adéquat, assurant à la fois ses activités et son indépendance». La question financière a été au centre de la 2e session des chefs d'Etat ou de gouvernement du Mécanisme africain d'évaluation par les pairs (Maep). Il est question de trouver le moyen de financer le Mécanisme que préside Angélique Savani sans avoir à subir des pressions de quelque bailleurs de fonds. Pour l'heure, l'on a appris que le fonds a déjà été crédité de 4 à 5 millions de dollars. Cette annonce a été faite par Mme Savani à l'occasion d'une conférence de presse qu'elle a animée conjointement avec Bouteflika et Obasanjo. Ce dernier a également révélé que le Mécanisme n'est pas opposé à un financement étranger à l'Afrique, pour peu que les bailleurs de fonds ne se posent pas en tuteurs du continent. Pour ce qui concerne l'autre point à l'ordre du jour du Sommet, à savoir l'évaluation de quatre pays africains (Rwanda, Kenya, île Maurice et Ghana), le président nigérian a annoncé que le rapport pour deux pays sera finalisé pour le mois de mars de l'année prochaine. Il a également déclaré que 6 autres pays, dont l'Algérie et le Nigeria, seront soumis à évaluation dans le courant de l'année prochaine. Cela dit, sur la vingtaine de délégations participant au Sommet, une douzaine d'entre elles étaient conduites par des chefs d'Etat. Une participation appréciable, censée donner tout son poids aux décisions attendues de cette rencontre qui passe pour être d'une importance capitale pour la survie du Maep. Cette cession va en effet se pencher sur les résultats préliminaires de l'évaluation des quatre pays africains cités. Les observateurs de la scène africaine relèvent que de la réussite de ce Sommet, dépendra le succès de la démarche de «l'évaluation par les pairs». Il s'agira, entre autres, de définir le mode de financement du Maep à même de sauvegarder le caractère éminemment africain du Mécanisme. Cela dit, la réunion du Maep a permis aux deux chefs d'Etat algérien et sud-africain de montrer tout leur optimisme quant aux résultats déjà enregistrés dans le cadre cette initiative africaine, dont l'objectif essentiel est de montrer au monde la capacité des pays du continent à se prendre en charge, en acceptant volontairement une évaluation du fonctionnement de leurs institutions. Dans son discours de bienvenue, le président Bouteflika n'a pas manqué, à ce propos, de relever «la forte détermination de l'Afrique à traduire dans les faits son engagement à améliorer avec constance la qualité de ses modes de gouvernance». Pour le chef de l'Etat, le Maep conforte «la crédibilité du Nepad et celle des pays africains dans leur volonté d'atteindre leurs objectifs de développement et d'unification de leur continent». Proposant une démarche organique idoine pour un maximum d'efficacité du Mécanisme, notamment l'installation dans chaque pays membre d'une commission nationale d'évaluation, le président de la République a également abordé la question du financement du Maep. Il a, à ce propos, déclaré que «le fonctionnement du Mécanisme doit reposer sur un financement adéquat, assurant à la fois ses activités et son indépendance». En d'autres termes, il n'est pas question que cette initiative africaine, unique dans l'histoire de l'humanité, soit sous un contrôle financier étranger. Ce souci, exprimé par Bouteflika, constitue d'ailleurs, l'un des points importants à l'ordre du jour des participants à la réunion des chefs d'Etat, hier à Alger. L'argent au centre des préoccupations Le président sud-africain, président en exercice de l'Union africaine, a entamé sa prise de parole par l'évocation du rapport de la Banque mondiale qui épingle l'Afrique pour le grand retard qu'elle accuse en termes de développement humain. Partant du constat accablant de l'institution financière internationale, Obasanjo parle du Mécanisme comme d'un outil important pour corriger le tir et permettre à l'Afrique de sortir du sous-développement. Obasanjo, comme Bouteflika, a tenu à mettre en exergue le fait que 24 pays ont déjà adhéré au Mécanisme, le président sud-africain a annoncé une prochaine accession de deux autres nations africaines. La «popularité» du Maep est une autre donne importante pour la survie de la démarche. A l'issue du Sommet, les observateurs notent, en effet, que pour l'heure, à peine la moitié des pays africains ont pris option pour se faire «évaluer» par des experts du continent. A ce stade, il n'est pas permis de parler de succès total du Mécanisme, il va falloir, estiment les observateurs, attendre les résultats effectifs qu'obtiendront les pays soumis à «l'évaluation» pour conclure à la réussite de l'initiative. En tout état de cause, l'optimisme était, hier, au rendez-vous, bien que les deux présidents qui ont intervenu au 12e Sommet du Comité des chefs d'Etat ou de gouvernement pour la mise en oeuvre du Nepad, Bouteflika et Obasanjo ont fait montre de réalisme en reconnaissant que beaucoup de choses restent à accomplir par les pays africains pour réaliser pleinement tous les objectifs du Nepad. Le président Bouteflika qui a relevé la persistance de quelques conflits en Afrique a plaidé pour «une diplomatie préventive». Ainsi, dans le cadre de cette approche que les gouvernants africains veulent objective, le président de la République a soutenu que «beaucoup d'efforts restent encore au niveau national par nos pays afin de mettre pleinement en valeur le vaste potentiel de croissance dont ils disposent.» Cela dit, le chef de l'Etat a également évoqué toutes les étapes franchies par le continent noir, pour ce qui concerne la bonne gouvernance. «Il est incontestable que les pays africains sont de plus en plus nombreux à mettre en oeuvre des politiques macro-économiques plus saines et à chercher une plus grande efficacité dans la gestion économique et financière et le fonctionnement de leurs appareils judiciaire et administratif», a affirmé Bouteflika qui, dans son discours, a balisé les travaux du 12e Sommet du Nepad en proposant une série de pistes de réflexion sur le rôle et le poids des organisations régionales dans la mise en oeuvre du Nepad. En fait, censée être une réunion d'évaluation de la mise en oeuvre de l'initiative africaine, la rencontre aura servi à la vingtaine de dirigeants africains de montrer une certaine cohésion pour ce qui concerne les politiques de développement et surtout celle en relation avec la lutte contre les maladies et la marginalisation. A ce propos, Bouteflika a rappelé l'augmentation conséquente des subventions destinées à la lutte anti-sida et relevé également la hausse des dotations budgétaires consacrées à l'aide au développement. Cela, en sus des chiffres de la croissance, estimée à 3,6% en 2003 et plus de 4% pour l'année en cours. Un état de fait qui, pour le chef de l'Etat est un indicateur sérieux du processus de sortie de crise pour le continent noir. Le bout du tunnel... Plus direct, le président nigérian est entré sans transition dans le vif du sujet, en affirmant que l'objet de cette rencontre est de comprendre, comment et pourquoi, l'on a constaté des lenteurs dans la mise en oeuvre du Nepad. «Il y a des problèmes qui nous affaiblissent. J'aimerais qu'on en parle», a déclaré le chef de l'Etat nigérian. Les travaux du 12e Sommet du Comité des chefs d'Etat ou de gouvernement de mise en oeuvre du Nepad se sont déroulés à huis clos et ont été sanctionnés par une conférence de presse du président du Comité. Enfin, la journée d'hier a été porteuse d'espoir pour l'Afrique, mais elle a également été l'occasion pour les gouvernants d'une vingtaine de pays du continent noir de s'arrêter sur l'état de la région la plus pauvre du monde. Les observateurs présents sur place ne contestent pas les avancées constatées sur le terrain, mais persistent à dire que le Nepad n'est pas suffisamment solide pour qu'on puisse parler, dans l'état actuel des choses, de développement durable pour l'Afrique. Le président nigérian, dans une conférence de presse animée à l'heure où nous mettions sous presse, s'est juste contenté de rappeler les grandes lignes et décisions de ce sommet.