Alors que le rendez-vous parisien sur le climat approche, la conférence de Bonn peine à trouver un accord entre le Nord et le Sud Sous pression, les négociateurs de 195 pays, soutenus par des médiateurs appelés à la rescousse, ont mis à profit ces dernières heures pour toiletter un projet peu lisible qui a gonflé au fil des jours. Malgré une semaine de discussions, les négociateurs chargés de préparer un projet d'accord sur le climat en vue de la conférence de Paris étaient à la peine vendredi à Bonn, avec quelques heures seulement devant eux pour boucler un texte clair. Ce round de négociations est le dernier avant le grand rendez-vous de Paris fin novembre, où un accord mondial permettant de juguler la hausse du thermomètre sous la barre des +2°C est censé voir le jour sous l'égide de l'ONU. «On dirait que rien n'a changé», dit en soupirant Martin Kaiser de Greenpeace, évoquant les précédentes conférences climatiques «où il fallait tout reprendre à zéro au début, en dépit des sessions de négociations préparatoires». Progrès sur la rédaction de certains chapitres du futur accord, recul sur d'autres... Hier matin en assemblée plénière, des délégués ont exprimé leur «insatisfaction», sentiment largement partagé dans les couloirs du World Conference Centre de Bonn. «Il faut travailler, jusqu'à la fin. On évaluera vendredi collectivement si le texte» pourra servir de base de négociation pour Paris, a fait valoir jeudi soir la négociatrice française Laurence Tubiana, qui veut voir des avancées positives: «Il y a une volonté de travailler» pour être au rendez-vous de Paris. Les négociateurs avaient pour mandat de passer à la vitesse supérieure pour produire un texte concis, présentant clairement les grandes options à trancher à Paris. Mais très vite, ils se sont retrouvés confrontés au manque de temps, faute d'avoir entamé de vraies négociations au cours des trois précédents rounds de pourparlers qui se sont tenus cette année. Ils ont été aussi contraints de reprendre une mouture qui avait été amputée de certaines propositions-clé. Ces coupes ont provoqué en début de semaine une bronca des pays en développement, furieux de ne pas y retrouver leurs revendications essentielles: par exemple l'objectif de limiter à 1,5°C le réchauffement mondial, ou encore la garantie du financement de leurs politiques climatiques par les pays riches. «Nous avons commencé avec une mouture qui ne reflétait pas les vues des pays en développement et nous avons perdu un jour à les réintroduire», a déploré hier Amjad Abdulla, le représentant des petites îles, mettant en garde contre la mise à l'écart de certains pays. De fait, cette semaine à Bonn aura ravivé la traditionnelle fracture entre pays développés et en développement, qui caractérise les négociations sur le climat. Jeudi, les pays du Sud, qui rappellent la responsabilité historique des pays du Nord dans le réchauffement, ont mis la pression pour obtenir des engagements financiers afin de faire face aux impacts du réchauffement. Sous l'effet des gaz à effet de serre issus pour l'essentiel de la combustion d'énergies fossiles, la planète se réchauffe à une vitesse inédite, générant des évènements météorologiques extrêmes, la fonte accélérée des glaciers ou encore la montée du niveau des océans. «Le succès ou pas de Paris dépendra de ce qu'il y aura sur les financements dans le coeur de l'accord», a souligné l'ambassadrice sud-africaine Nozipho Mxakato-Diseko, accusant les pays riches de fuir leurs obligations et d'interdire à dessein la présence d'observateurs (ONG notamment) aux réunions. Les pays développés font valoir que le monde a changé et que les grands pays émergents peuvent désormais contribuer financièrement. En dépit de la «nervosité» perceptible à Bonn, la négociatrice de l'UE Elina Bardram se veut optimiste sur la suite du processus. «Ce qui sortira d'ici n'est sans doute pas idéal, mais nous savons déjà ce que sont les enjeux majeurs, et une fois que la volonté politique prendra le relais, il y aura assez de temps».