«Evidemment, il n'y a jamais eu de collaboration entre Al Qaîda et Saddam Hussein. Toute cette affaire fut une grande escroquerie.» Beaucoup de sang musulman a coulé depuis la machiavélique mise en scène du 11 septembre 2001, date choisie pour favoriser l'érection d'un Nouvel ordre international, le Grand Moyen-Orient qui, extensible au gré des pulsions américaines, s'étend désormais de l'Atlantique à l'Indonésie. Les raisons sont simples. Elles sont d'ordre stratégique, soutient Michel Raimbaud, l'invité d'honneur des Editions Anep. Ancien ambassadeur de France en Mauritanie, au Soudan, et au Zimbabwe, il vient de publier un ouvrage intitulé «Tempête sur le Grand Moyen-Orient». Dans l'intervention faite mardi dernier à la salle de conférences de la Safex, il ne laisse subsister aucun doute: «En raison de sa position stratégique aux confins de l'Eurasie, autant que par sa richesse en gaz et pétrole, cette immense «ceinture verte» islamique détient un potentiel de puissance considérable et constitue un enjeu majeur. De son devenir, mis en question par la tempête actuelle, dépend en bonne partie la physionomie de notre monde de demain.» Sera-t-il unipolaire, aux ordres de l'Occident comme il l'a été depuis la fin de la Guerre froide, ou multipolaire comme le préconisent les pays émergents? «J'ai intitulé ce livre «Tempête sur le Grand Moyen-Orient» parce que cela ne concerne pas seulement le Moyen-Orient géographique mais il s'agit du Grand Moyen-Orient au sens donné par les néoconservateurs américains, ces stratèges un peu foldingues, et George Bush même. Le Grand Moyen-Orient est extensible au gré des pulsions américaines, parce que ce sont les Américains qui l'ont modelé pour lui donner l'extension qu'il a maintenant.» Pour Michel Raimbaud, cela va de l'Atlantique, la Mauritanie, le Sénégal et le Maroc, jusqu'à l'Asie orientale et même jusqu'à la Chine et l'Indonésie sans oublier le coeur de l'Europe avec les Balkans. Les Américains ont pensé à tout jusqu'à fabriquer des révolutions clés en main, la pluie et le beau temps, les Printemps arabes.» Evidemment, soutiendra le conférencier, ce ne sont pas des révolutions, encore moins des printemps, puisque tout cela est synonyme de mort, de destruction et de chaos: «Cela ne commence pas en 2011, avec la Tunisie, mais en 1991, avec la chute de l'Union soviétique. Peu importe le regard que l'on porte sur le bilan de l'Union soviétique sur le plan national: sur le plan international, il me paraît incontestable que c'est un grand bouleversement géopolitique puisque l'on passe d'un monde bipolaire, celui de la Guerre froide, à, non pas un monde multipolaire, mais un monde unipolaire, celui de l'Ouest, l'Occident, qui va prétendre incarner la communauté internationale à lui seul.» Les autres pays, les anciens pays communistes, les non-alignés, les pays du Sud étant priés finalement de se soumettre ou de se démettre, sous peine d'être qualifiés d'Etats voyous ou d'Etats parias! Après avoir évoqué les raisons objectives ayant été à l'origine de l'effilochement de l'Urss et les inconséquences de Saddam Hussein lors de son invasion du Koweit, du reste encouragée par les Américains, l'ancien ambassadeur français permettra à l'assistance de découvrir ou de redécouvrir, c'est selon, qu'Al Qaîda a été créée par les USA, les Saoudiens et les Pakistanais pour lutter contre les soviétiques en Afghanistan: «Evidemment, il n'y a jamais eu de collaboration entre Al Qaîda et Saddam Hussein. Toute cette affaire fut une grande escroquerie. Toute cette affaire commence à cette époque. Ensuite, on assiste au démantèlement de la Yougoslavie pour réduire la zone d'influence russe. Il y a aussi le Soudan que l'on va commencer à harceler pour obtenir sa partition 15 ans plus tard. La Somalie va se retrouver réduite en trois ou quatre Etats avec des opérations à coups de sacs de riz...La deuxième guerre du Golfe aboutira au démantèlement de l'Irak. Maintenant, il y a l'offensive contre la Syrie qui est présentée comme un Etat dangereux. C'est finalement après les attentats de 2001 que George Bush met en oeuvre sa doctrine du Grand Moyen-Orient auquel il faut imposer la démocratie manu militari. On va multiplier les déclarations à Washington en annonçant clairement la couleur, avec une liste de pays à démolir, à déconstruire plus exactement, afin de les mettre hors d'état de nuire aux intérêts américains.»