Un mois après les attentats de Paris (130 morts) qui ont traumatisé le pays, la campagne, écourtée par les attaques, s'est achevée vendredi dans un climat de fébrilité et d'invectives tous azimuts. Pour ou contre l'extrême droite, la mobilisation est la grande inconnue avant le second tour, aujourd'hui, d'élections régionales en France, où le Front national (FN) de Marine Le Pen espère sceller une victoire inédite dans une ou plusieurs régions. «Vers un sursaut citoyen?», interrogeait le quotidien Le Parisien hier, pariant que «de nombreux Français devraient retrouver le chemin des urnes» après l'abstention d'un électeur sur deux au premier tour le 6 décembre, qui a dopé le FN. «Lundi, il sera trop tard», renchérissait à gauche Libération. «L'abstentionniste, cible de tous les partis», résumait le journal conservateur Le Figaro avant «n second tour serré et sous très haute tension» Le Premier ministre socialiste Manuel Valls a tiré la sonnette d'alarme contre l'extrême droite en assurant que le FN «rône la division» et «peut conduire à la guerre civile». La veille, la présidente du parti d'extrême droite avait promis qu'en cas de victoire dans la région nord (Nord Pas-de-Calais Picardie) où elle se présente, elle allait «pourrir la vie du gouvernement». «Chaque minute de chaque jour, ils entendront parler de moi», a-t-elle lancé. Les coups ont volé bas aussi en région parisienne (Ile de France), où la gauche au pouvoir et l'opposition de droite sont au coude-à-coude, avec l'extrême droite en position d'arbitre. La tête de liste socialiste Claude Bartolone a accusé son adversaire de droite Valérie Pécresse de défendre la «race blanche» pour «faire les poches» du FN, une attitude jugée «irresponsable» par l'intéressée qui a annoncé vouloir porter plainte contre des propos «abjects». De son côté, le Front national aborde le scrutin d'aujourd'hui fort de son succès sans précédent du premier tour, qui l'a vu décrocher un score national record de près de 28% et arriver en tête dans six régions sur 13. La conquête d'une ou plusieurs régions serait une première historique en France, moins d'un an et demi avant la présidentielle de 2017 que Marine Le Pen juge aujourd'hui à sa portée. Les derniers sondages sont toutefois incertains: la présidente du FN dans le nord et sa nièce Marion Maréchal-Le Pen dans le sud-est (Provence Alpes Côte d'Azur) ont réalisé les deux meilleures performances du parti le 6 décembre avec plus de 40% des voix. Pour autant, une batterie d'enquêtes réalisées ces derniers jours les donnent perdantes face à leurs adversaires de droite, Xavier Bertrand au Nord et Christian Estrosi en Provence, deux anciens ministres de Nicolas Sarkozy en faveur desquels les socialistes se sont désistés. L'extrême droite est aussi en position de force dans l'Est du pays (Alsace Champagne-Ardennes Lorraine) avec le bras droit de Marine Le Pen et vice-président du FN, Florian Philippot, dans une triangulaire face à la droite et à un dissident socialiste qui a refusé l'injonction de son parti à se retirer. Le FN entretient aussi des espoirs en Bourgogne Franche-Comté (centre-est). Le parti d'extrême droite, qui a plus que doublé ses scores depuis cinq ans, a forgé son succès en tablant sur les peurs, avivées par les attentats, et le rejet des partis traditionnels, impuissants face à la crise économique dans un pays où le chômage dépasse 10%. D'où l'importance pour ses adversaires de ramener aux urnes aujourd'hui les abstentionnistes du premier tour, notamment les jeunes: selon les sondages, les deux tiers des 18-24 ans n'ont pas voté le 6 décembre et ceux qui l'ont fait ont à 33% choisi le FN. Les élections régionales sont l'ultime scrutin prévu en France avant la présidentielle de 2017, pour laquelle toutes les enquêtes d'opinion depuis un an placent Marine Le Pen en tête des intentions de vote au premier tour.