Les opérateurs économiques, comme un seul homme, ont mis en place une coordination pour exposer leurs desiderata à Ouyahia. C'est, finalement, ce jeudi que la première bipartite gouvernement-patronat doit avoir lieu. Pas moins de quatre organisations, et non des moindres, devront s'asseoir autour de la même table des négociations qu'Ahmed Ouyahia. L'idée avait fait son petit bonhomme de chemin bien avant la présidentielle d'avril 2004. Elle s'est renforcée à la suite de l'annonce du programme du gouvernement prévoyant le déblocage d'une enveloppe de pas moins de 50 milliards de dollars en faveur de l'aide à la relance économique durant les cinq années à venir. Le moins que doive le gouvernement au patronat algérien est bien une bipartite dans laquelle seraient débattues l'ensemble des revendications de celui-ci. Dans sa «réflexion» remise à l'Ugta à propos de la politique économique future du gouvernement, il est clairement établi que l'Etat a l'intention de baser son économie sur les petites et moyennes entreprises. Or, celles-ci ne peuvent être que privées puisque nous pouvons lire dans ce document, en guise de rappel des instructions du président Bouteflika, que «l'Etat se désengagera du champ économique, à l'exception des entreprises stratégiques, pour s'atteler à sa vocation d'incitation, de contrôle et de régulation». Ainsi, si les PME-PMI constitueront le fer de lance de la future économie algérienne, en grande partie copiée sur l'expérience française, celle-ci ne saurait se faire sans un engagement total du privé. Il est prévu que le nombre d'entreprises petites et moyennes, soit au moins doublé durant le second mandat du président. C'est à la faveur de ces données, que des documents officiels viennent confirmer, à commencer par la mise en vente de tout ce qui reste, ou presque, du secteur public, qu'il devient possible de comprendre les véritables enjeux de cette bipartite, mais aussi les conséquences pouvant en découler sur le processus de «refondation» de l'économie algérienne. Ce n'est pas pour rien, dès lors, si les quatre principales organisations patronales, jusque-là divergentes, ont réussi à se rencontrer régulièrement durant plusieurs semaines avant de se regrouper sous la forme d'une coordination puissante porteuse d'une plate-forme dans laquelle est contenu le plus gros des «besoins» du patronat algérien. Celui-ci qui se plaint, en gros, des pertes de change, de la concurrence déloyale, de certaines taxes jugées trop élevées et de l'ouverture trop rapide du marché algérien vers l'étranger, aura quand même à faire des concessions s'il veut que l'Etat lui en fasse. Sur ce sujet précis, il appartiendra à la prochaine tripartite, qui viendra elle aussi sceller un tournant historique dans l'histoire économique de notre pays, de le trancher définitivement. Prévue pour le début de l'année prochaine, elle permettra de sceller la disparition quasi totale du secteur public algérien, mais aussi la conclusion d'un pacte socio-économique dans lequel le secteur privé devra jouer un rôle prépondérant. C'est dans ce contexte que devront intervenir les concessions du secteur privé, contraint de se plier aux lois sociales, notamment en matière de respect des grilles des salaires, des déclarations sociales obligatoires et de certaines autres protections, y compris la mise en place de syndicats responsables, porteurs de revendications constructives, très probablement affiliés à l'Ugta, une centrale qui, elle aussi, devra vivre de profondes et douloureuses mutations.