John Kerry face à Poutine et Lavrov Inscrite dans le prolongement des discussions lancées dans le cadre du processus de Vienne, la conférence de New York peut néanmoins permettre aux 17 pays, dont la Russie et l'Iran, de progresser sur le dossier syrien... C'est à la recherche entêtée d'un terrain d'entente que le secrétaire d'Etat américain John Kerry a rencontré hier, à Moscou, son homologue russe Sergueï Lavrov avant d'être reçu par le président Vladimir Poutine pour débattre de la tenue d'une nouvelle réunion internationale sur la Syrie vendredi prochain à New York. Washington souhaite en effet que le Kremlin agisse auprès de son allié traditionnel, le président Bachar al-Assad, pour le conduire à la table des négociations avec l'opposition syrienne, et surtout pour qu'il approuve le plan adopté par les pays occidentaux et de tierces parties comme le Qatar et l'Arabie saoudite de sortie de crise. Un plan dont la condition essentielle concerne le retrait préalable du président syrien et de son régime afin de permettre une solution qui fait fi de la donne interne et extérieure dans ce pays. «Je pense que le monde entier peut tirer bénéfice d'une situation où de puissantes nations avec une longue histoire commune ont la capacité de trouver un terrain d'entente. J'espère qu'aujourd'hui, nous serons capables de trouver un terrain d'entente», a déclaré M.Kerry, espérant des «progrès» dans le dossier syrien. Saluant la contribution de la Russie dans le succès des négociations sur le nucléaire iranien, le secrétaire d'Etat américain a estimé que les deux pays étaient «capables de travailler efficacement sur des problèmes spécifiques». Qualifiée de plus que probable, la nouvelle réunion internationale, vendredi prochain, à New York, entre pays soutenant l'opposition syrienne et ceux qui appuient le régime syrien sera-t-elle plus fructueuse que celle de Vienne? Pas sûr car John Kerry a rencontré, la veille de son arrivée à Moscou, les chefs de la diplomatie d'une dizaine de pays occidentaux et arabes pour adopter une ligne de conduite commune, fondée sur la ritournelle du départ obligé de Bachar al Assad. Le responsable de la diplomatie américaine s'était, à ce sujet, longuement entretenu avec ses homologues qatari et jordanien, Amman ayant été chargée de dresser une liste des groupes «terroristes» que Washington souhaite écarter du processus de négociations. Or le sujet est particulièrement sensible, les approches étant différentes au regard de Moscou et de Damas, d'une part, et de Washington et de sa coalition, d'autre part, les terroristes des uns n'étant pas nécessairement les terroristes des autres. Inscrite dans le prolongement des discussions lancées dans le cadre du processus de Vienne, la conférence de New York peut néanmoins permettre aux 17 pays, dont la Russie et l'Iran, de progresser sur la feuille de route politique envisagée le 14 novembre dernier et qui prévoit une rencontre au début 2016 entre des représentants de l'opposition et du régime syrien, avec à la clé la mise en place d'un gouvernement de transition dans les six mois, et l'organisation d'élections dans les 18 mois. A cet égard, une autre réunion a eu lieu à Riyadh, en Arabie saoudite, entre les principaux groupes de l'opposition armée et politique syrienne afin d'unifier les positions et de formuler des revendications solidaires, les unes et les autres ayant été présentées à la réunion de Paris présidée par John Kerry avant son rendez-vous moscovite. Le sentiment général qui a prévalu à cette occasion est que, malgré la mise en quarantaine du puissant groupe armé Ahrar al Shem, un rapprochement encourageant a été obtenu sous la houlette du Qatar et de l'Arabie saoudite. Pour John Kerry et sa coalition, les dés sont donc jetés et la délégation politico-militaire de l'opposition syrienne fin prête. Sauf que pour l'instant, Damas n'a manifesté aucun signe quant à son éventuelle participation à ces négociations et l'objectif principal du secrétaire d'Etat américain, durant son séjour à Moscou, est bien celui d'obtenir l'aval de la Russie, et accessoirement de l'Iran, pour un engagement formel du régime syrien à entamer les discussions, façon comme une autre d'entériner la condition du départ inconditionnel de Bachar al Assad. La question cruciale qui se pose concerne désormais la volonté et la capacité de la Russie et de l'Iran à exercer suffisamment de pressions sur le président syrien pour le contraindre à ce retrait, auquel cas ils vont devoir, d'ores et déjà, envisager le lieu où il lui faudra s'exiler pour peu que le régime, dans son ensemble, se résigne à une telle perspective. Quant à la volonté du peuple syrien, c'est une toute autre histoire.