Abou Mazen, favori de l'élection présidentielle, s'emploie à rassurer voisins et partenaires des Palestiniens. Mahmoud Abbas, nouveau secrétaire général de l'OLP, qui a succédé à ce poste au défunt Yasser Arafat, et favori dans la course à la présidence de l'Autorité palestinienne, s'est employé ces dernières semaines d'une part, à renouveler les contacts, quelque peu distendus, avec les pays voisins de la Palestine et, d'autre part, à rassurer, par un discours très ouvert, les partenaires internationaux des Palestiniens, notamment les Etats-Unis et Israël. En déclarant mardi, dans une interview au quotidien arabe Asharq Al-Awsat, que «Le recours aux armes a été nuisible et il doit cesser», Abou Mazen va au delà des attentes des Israéliens et de Washington qui ont été prompts à saluer la prise de position du probable futur président palestinien. Ainsi, le président israélien, Moshé Katzav, a rendu, hier, un hommage appuyé au premier responsable de l'OLP indiquant à propos de la déclaration de M. Abbas: «C'est une position qui reflète un sens des responsabilités et le souci de défendre les intérêts des Palestiniens.» Washington n'a pas non plus manqué de saluer les dispositions actuelles du candidat à la présidence palestinienne. Réagissant aux propos de M. Abbas, Scott McClellan, porte-parole de la Maison-Blanche, a déclaré: «Combattre le terrorisme et mettre fin à la violence, est décisif pour aller de l'avant dans la construction d'institutions permettant à un Etat (palestinien) viable d'émerger.» De fait, si la communauté internationale et notamment Israël et les Etats-Unis, voient en Abou Mazen l'interlocuteur que Yasser Arafat ne semble pas avoir été à leurs yeux, il faut aussi rappeler que Mahmoud Abbas a constamment été, dans les rouages de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et du Conseil exécutif de l'OLP (CE/OLP), l'élément modérateur qui n'a toutefois pas été en mesure d'imposer, ou faire avaliser, ses vues par les durs du Fatah. Aujourd'hui, en articulant d'emblée son discours sur la nécessaire «démilitarisation» de l'Intifada, Mahmoud Abbas joue gros, mais le résultat peut être à la mesure de cet engagement, comme un «blanc-seing» du peuple palestinien au cas où son élection soit un plébiscite. A ce moment certes, il aura les coudées plus franches pour mettre en place sa propre vision de la libération de la Palestine dont la reprise de véritables négociations avec Israël dans le cadre du processus de la «feuille de route» restera pour lui le défi à relever. Le contraire peut aussi avoir lieu avec une défiance du peuple palestinien envers le successeur de Yasser Arafat. Aussi, si la communauté internationale a apprécié la modération dont fait montre le secrétaire général de l'OLP, ses déclarations ont été fraîchement accueillies dans les territoires palestiniens, singulièrement par les mouvements les plus en vue que sont les mouvements islamistes radicaux de Hamas et du Jihad islamique qui ont immédiatement réagi à ses propos se portant en faux contre ses déclarations. Ainsi, selon le porte-parole de Hamas, Sami Abou Zouhri, «de telles déclarations vont à l'encontre du consensus au sein de notre peuple sur la légitimité de la résistance», soulignant: «Il faut bien comprendre l'équation, le problème c'est l'occupation, pas la résistance.» De son côté, un haut responsable du Jihad islamique, Mohamed Al-Hindi, renchérit: «Le peuple palestinien avait besoin des armes de la résistance contre l'occupation israélienne. Il est illogique qu'on soit tué sans être en mesure d'assurer notre légitime défense», précisant, «aussi longtemps que perdureront l'occupation et l'agression, les groupes de résistance ont le droit de garder leurs armes et même de se renforcer». Ainsi, le thème du débat de la campagne de l'élection présidentielle semble avoir pris forme en mettant face à face deux conceptions opposées du retour de la paix dans les territoires palestiniens occupés et l'avènement de l'Etat indépendant de Palestine. M.Abbas, qui a semblé faire beaucoup de concessions à l'opinion politique étrangère - comme ces excuses intempestives, mal venues et peu comprises, faites à l'Emirat du Koweït lors de son séjour à Koweït-City - veut - c'est de bonne guerre - conforter son image de modéré. Toutefois, d'aucuns se demandent s'il n'aurait pas dû, dans le même temps où il préconisait la «démilitarisation» de l'Intifada, appeler, parallèlement, la communauté internationale, à l'envoi d'une force d'interposition dans les territoires occupés entre Palestiniens et soldats israéliens, en jouant ainsi sur les bons points que semble lui accorder la communauté internationale. Car, dire uniquement ce que, singulièrement, les Israéliens et les Etats-Unis, attendaient de lui qu'il dise, peut ne pas être politique et prêter le flanc à toutes les spéculations. En réalité, la marge de manoeuvre de Mahmoud Abbas, engagé dans un difficile pari, va dépendre étroitement du résultat de son élection. D'un côté, un bon score va le stimuler et le libérer, lui donner aussi de mener les choses à son idée, mais une élection moins convaincante peut aussi lui être fatale en le rendant otage des mouvements radicaux et des durs du Fatah. En mettant carte sur table, Mahmoud Abbas, joue gros, certes, mais sans doute aussi avec au bout la possibilité d'être l'interlocuteur que réclament les Etats-Unis et Israël