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Un refus déguisé de l'europe (2e partie et fin)
TURQUIE
Publié dans L'Expression le 21 - 12 - 2004


«Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage»
En accueillant un pays dont la grande majorité de la population est musulmane, font-ils valoir, l´Union démontrerait sa volonté de refuser le "choc des civilisations" entre l´Occident et le monde islamique, annoncé par le politologue américain Samuel Huntington. Elle se donnerait aussi les moyens d´intervenir dans les conflits régionaux avec plus d´efficacité et de légitimité.
Une étude d´impact commandée par la Commission, qui évalue à la fois les "avantages" et les "défis" que représenterait, pour la politique étrangère de l´Union, l´adhésion de la Turquie, confirme cette analyse, quoique de façon nuancée. Selon ses conclusions, "l´inclusion de la Turquie dans le processus d´intégration européenne donnerait clairement au monde musulman la preuve que ses croyances religieuses sont compatibles avec les valeurs de l´UE". Elle pourrait également "contribuer à stabiliser la zone de conflits qu´est le Moyen-Orient". Mais en même temps, "elle ferait entrer l´UE en contact plus direct avec les difficiles problèmes politiques et de sécurité de la région".
Les eurodéputés s´étaient prononcés, mercredi 15 décembre, en faveur de l´ouverture de négociations d´adhésion entre la Turquie et l´Union européenne, par 407 voix contre 262 et 29 abstentions. Le oui a été soutenu par une majorité de députés conservateurs et de libéraux, les socialistes et les écologistes. Le non a été principalement défendu par les droites française et allemande, ainsi que les courants souverainistes ou d´extrême droite. Le rapport adopté par le PE recommande l´ouverture "sans délai inutile" des négociations avec Ankara. Les eurodéputés énumèrent une série de conditions à remplir, dont "une tolérance zéro" contre la torture.
Longues négociations
La veille de la décision des chefs d´Etat, Jacques Chirac a tenté de rassurer les Français. "Il faut aller vers la paix, l´enracinement des droits de l´homme en Turquie. La Turquie est un grand ensemble. C´est la possibilité de s´assurer que ce grand ensemble enracine le respect des libertés de l´homme et des libertés religieuses. La Turquie est un puissant marché que nous avons intérêt à avoir avec nous ". (14).
"Les négociations démarreront en 2005 et devront durer 10, 15 ou 20 ans. C´est une négociation d´Etat à Etat ; chacun des 25 membres peut décider que ça ne marche pas, il faut l´unanimité. Si un pays bloque, la Turquie ne rentre pas. Tout s´arrête. Toute nouvelle adhésion se fera par voie référendaire et non pas parlementaire, sauf pour la Roumanie la Bulgarie. La consultation des Français se fera par référendum. C´est la Constitution qui le prévoit ".(14). Voilà pour rassurer les Français et les convaincre que l´adoption de la Constitution n´a rien à voir avec l´adhésion de la Turquie. Dieu sait ce que les politiques sous la poussée de leur extrême inventeront d´ici 2020 pour empêcher par tous les moyens la Turquie de rejoindre en définitive le club chrétien. Le manque de cohérence par des arguments fallacieux ne manque pas. On reproche à la Turquie d´être loin de l´Europe. Doit-on alors refuser la demande d´adhésion en temps voulu de la Bosnie Herzégovine musulmane? de l´Albanie musulmane? Que dire alors du Maghreb séparé par dix kilomètres de l´Europe et culturellement européen à son corps défendant?
Nous faisons nôtre l´analyse pertinente et objective de Jérôme Jaffré rédacteur au Nouvel Observateur: "La Turquie en Europe? Ah non ! Un pays trop différent, trop oriental, trop puissant, qui dissoudra l´idée d´un continent à la culture homogène, repoussera les frontières de l´est à une distance indéfinie et minera la cohésion politique de l´Union. Aussi impressionnants soient-ils, ces arguments reposent sur une vision dépassée, fausse et, pour tout dire, archaïque de l´Europe à construire. Non, l´Europe ne sera pas la projection à l´échelle continentale du modèle national. Elle n´aura pas une culture homogène, un héritage religieux commun, des frontières fixes justifiées par l´histoire et la géographie, un pouvoir simple et fort qui exprime l´unité d´un peuple et d´un territoire. Si tel était le cas, bien sûr, la Turquie n´aurait rien à faire en Europe".
"L´Europe, avant tout, est une construction politique. C´est par l´adhésion volontaire à des principes de liberté politique et économique que l´on est jusqu´ici devenu européen, plus que par une vocation géographique. Avant d´être une terre, l´Europe est une idée. Comment expliquer, sinon, que les pères fondateurs aient accepté le principe de l´adhésion turque dès 1959? C´est-à-dire un an après la signature du traité de Rome... Ignoraient-ils à l´époque que la rive est du Bosphore, dans tous les manuels de géographie, était en Asie? Que la Turquie était peuplée de Turcs, c´est-à-dire, pour l´essentiel, de musulmans? Non: pour eux, l´Europe était moins une expression géographique qu´un projet politique. Souvent démocrates-chrétiens, les grands ancêtres ne voyaient pas l´Union comme un club chrétien. Pour eux, répétons-le, l´Europe était une idée avant d´être une terre".
" Objet juridique non identifié, OJNI: l´Union ne repose pas sur la tradition mais sur la volonté. Elle ne procède pas du passé mais de l´avenir. L´Europe est, pour paraphraser Renan, un désir d´être ensemble. Elle est un référendum de tous les instants, le produit d´un acte conscient et libre bien plus qu´une réalité culturelle. Elle se définit par sa ferveur démocratique, sa volonté d´équité sociale et une politique étrangère de négociation et de coopération plus que de confrontation. Il y a un " rêve européen " fondé sur l´extension indéfinie des droits de l´homme, sur l´équilibre social et sur la coopération internationale, rêve dans lequel Jeremy Rifkin, intellectuel américain, voit la meilleure chance de réussir l´entrée dans le XXIe siècle ; cette doctrine est la nôtre. Au fond, sont Européens ceux qui la partagent. A partir de là, tout s´éclaire. Reste la grande question, le véritable aliment, au fond, de toutes les oppositions : l´islam. Quatre-vingts millions de musulmans? Une folie ! Mais précisément : l´intégration d´un vaste ensemble islamique enrichit l´idée européenne ".
" Il sera démontré à la face du monde - à la face du monde musulman, y compris parmi les minorités présentes en Europe - que le " choc des civilisations " n´est pas inéluctable et que l´islam, comme le catholicisme, le protestantisme ou le judaïsme, est bien compatible avec la démocratie. L´Union européenne est un empire fondé sur le contrat. Mais elle ne pratique qu´un seul impérialisme: celui des valeurs. Par ce moyen, elle a déjà fédéré un continent. La Turquie ne sera rien d´autre que sa prochaine conquête".(15).
Michel Rocart, ancien Premier ministre français, les arguments en faveur de l´admission ne manquent pas. Ecoutons-le: "...On parle turc dans cinq des ex-républiques soviétiques du Caucase. La Turquie a donc dans cette région une véritable influence, qui fait contrepoids à celle de Moscou. Personne ne peut dire aujourd´hui comment évoluera la Russie, mais il me paraît évident que nous avons intérêt, nous Européens, du point de vue de notre sécurité, à construire des relations apaisées avec l´ensemble de notre environnement, y compris avec les pays du Caucase, qui, au demeurant, constituent la deuxième réserve pétrolière du monde. Etablir de bons rapports avec la Turquie est l´un des moyens d´y parvenir. Enfin, l´accès aux ressources de la Sibérie, dernier réservoir de la planète en matières premières, passe forcément par les républiques turcophones du Caucase. Donc par la Turquie." (16).
S´agissant de l´appartenance à l´Europe, il écrit: "...Byzance-Constantinople-Istanbul a joué sur deux millénaires un tel rôle dans notre histoire que l´ "européïté " de la plus grande ville de Turquie s´impose de l´énoncé de son nom. On pourrait d´ailleurs ajouter dans le même propos que le christianisme est né en Orient, que la clé du Saint-Sépulcre est gardée par une famille musulmane depuis plus de huit siècles. Le processus d´intégration de la Turquie a, en réalité, commencé il y a deux siècles avec les efforts d´occidentalisation de l´Empire ottoman. Ensuite, il y a eu la guerre de Crimée et la reconnaissance, en 1856, de la Turquie comme membre du concert européen par les autres nations européennes. C´est donc un processus continu...".(16).
A doses homéopathiques
La partie grecque de l´Île de Chypre est intégrée à l´Europe, l´autre non. D´un côté de la rue, nous sommes en Europe, de l´autre, nous sommes en Asie, avec une autre civilisation, une autre religion et, naturellement, une autre économie qui va bénéficier de l´aide de l´Europe creusant le fossé entre les deux parties. Par ailleurs, Malte qui est de loin plus enfoncé en Asie, a adhéré sans l´ombre d´un doute. Pourquoi? Parce qu´elle rassemble l´imaginaire religieux européen au sein des "Chevaliers de Malte" qui ont combattu longtemps "l´infidèle". Dans l´histoire, chaque fois que l´on commence une négociation ; on la termine dans le sens d´un accord, mais s´agissant des Turcs, rien n´est moins sûr. En fait, par ce renvoi aux " calendes grecques " de la décision d´intégration, l´Europe ne veut pas tendre la main à un peuple qui est aussi européen que plusieurs Etats qui faisaient partie de l´Empire ottoman. Elle veut de la Turquie à dose homéopathique en intégrant à titre individuel les diplômés. C´est le cas des nouvelles politiques d´immigration européennes. De ce fait, ces pays peuvent contrôler de petites communautés ainsi que leurs besoins d´âmes. Ne parle-t-on pas de plus en plus d´Islam de France, d´Islam allemand ou américain? Ces Islams conçus pour rentrer dans le moule des sociétés d´essence chrétienne de ces pays ne doivent surtout pas avoir "d´aspérités" et être incolores ; il ne faut pas, proclame le maire de Strasbourg, qu´il y ait de minaret visible, cela dérange la capitale de l´Europe.(17).
Pourtant, à bien y regarder, l´admission de la Turquie pourrait être un signe fort de l´Occident pour une vision du monde apaisée qui ne diabolise l´Islam et ne l´oblige pas ainsi, à être toujours sur la défensive depuis qu´il a été révélé. Dans le même sens, l´Europe admet des pays qui sont très excentrés par rapport à elle, mais pas le Maghreb qui n´est à quelques kilomètres.(18).
Dans ce sens, il nous plaît de rapporter la position pondérée de Lucien Febvre, professeur au Collège de France. Pour lui, le problème de l´entrée de la Turquie dépasse l´Europe. Ecoutons-le: "Notre univers politique européen n´est pas un univers à deux dimensions. C´est un univers à trois dimensions. Il faut le penser en profondeur. Sa surface est bien en Europe. Mais il plonge par derrière de tous les côtés...Le problème de l´Europe, c´est le problème du monde". (19).
"L´Europe est interpellée. Comment restaurer, écrit Richard Figuier, la notion d´Empire sans empereur et sans domination.. Qu´avons-nous à gagner à l´Islam d´un grand Occident? Voulons-nous à nouveau le fédérer contre les infidèles? L´Europe peut engager un dialogue avec l´Islam sans blesser sa dignité en dépassant le mépris colonial d´avant. Elle peut accompagner l´Islam sur le chemin du renouveau. Pourquoi? Parce que les racines sont communes. L´affirmation du monde comme création est à l´aplomb de la démocratie et de la solidarité sociale protectrice.(20).
"Nous sommes tous les enfants de Byzance" disait Chirac, pensant peut-être à la cathédrale Sainte Sophie. Celle-çi fut convertie, en Mosquée et Constantinople devient Istanboul, le Bosphore devient la frontière entre les deux grandes religions. Malgré toutes les assurances diplomatiques, la réalité nous ramène, plus que jamais, à la phrase sans appel de Kipling : "East is East, West is West and never shall meet". "L´Orient est l´Orient, l´Occident est l´Occident, et jamais, ils ne se rencontreront". C´est en définitive, bien de cela qu´il s´agit, chaque communauté religieuse se replie sur ses "invariants" culturels et cultuels. La prophétie de Samuel Huntington est plus que jamais d´actualité.
(14). J. Chirac : Interview de Patrick Poivre d´Arvor TF1 Journal du 20H le 15 12 2004.
(15). Jérôme. Jaffré. Le Nouvel Observateur 8 décembre 2004.
(16).Michel Rocard "Nous avons intérêt à ce que la Turquie soit pacifiée" L´Express du 12/12/2002.
(17). Emission d´A.Chabot. L´Islam de France. France 2. 22h 30´, 26 novembre 2002.
(18). C.E. Chitour : La Turquie en Europe : Une question d´Occident. Le Quotidien d´Oran. 2002
(19). Lucien Febvre : Genèse d´une civilisation. Editions Perrin 1999.
(20). R. Figuier : La nouvelle " Question d´Orient ". Le Monde 27 novembre 2002.


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